Uniforme à l'école : cinq questions sur ce serpent de mer

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Uniforme à l'école : cinq questions sur ce serpent de mer

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L'uniforme a été expérimenté à quelques reprises dans des écoles de France métropolitaine, comme ici à l'école Saint-Vincent-de-Paul de Nice.
L'uniforme a été expérimenté à quelques reprises dans des écoles de France métropolitaine, comme ici à l'école Saint-Vincent-de-Paul de Nice.
© Maxppp - PHOTOPQR/NICE MATIN/Sebastien Botella

La question de rendre l'uniforme obligatoire à l'école fait de nouveau débat, en marge de la polémique sur l'abaya. La droite et l'extrême droite proposent de l'imposer. Contrairement à son prédécesseur, le nouveau ministre de l'Éducation s'est dit favorable à des expérimentations.

Comme un air de déjà-vu. La question d'imposer le port de l'uniforme à l'école est remise sur la table en ce moment, mais c'est un débat récurrent teinté de nostalgie... Et ce, bien que l'uniforme n'ait jamais été généralisé en France. Il y a deux ans, c'est le port des "crop tops", ces courts t-shirts, qui a remis le sujet sur le devant de la scène. Ces derniers jours, c'est l'interdiction de porter l'abaya à l'école, cette tenue traditionnelle portée par certaines élèves musulmanes, qui a ravivé la flamme.

La droite et l'extrême droite militent depuis longtemps pour l'instauration de l'uniforme. Aujourd'hui, certains membres de la majorité y sont également favorables et le ministre de l'Éducation nationale, Gabriel Attal, s'est dit en faveur d'expérimentations dans des établissements scolaires, "si la communauté éducative d'un établissement" le demande.

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Qui est pour ?

À l'occasion des "rencontres de Saint-Denis" ce mercredi, le patron des Républicains, Éric Ciotti, et celui du Rassemblement national, Jordan Bardella, ont annoncé vouloir proposer de nouveau à Emmanuel Macron d'imposer le port d'un uniforme à l'école.  À Perpignan, le maire RN Louis Aliot a d'ailleurs annoncé mardi vouloir proposer l'expérimentation d'une "tenue uniforme" dans les écoles de la ville.

Du côté de la majorité, la secrétaire d'État chargée de la Ville Sabrina Agresti-Roubache s'est dite sur franceinfo favorable au port de l'uniforme dans certains cas, notamment dans les "quartiers très défavorisés". En janvier dernier, la Première dame Brigitte Macron s'était aussi prononcée en faveur du port d'un uniforme "simple et pas tristoune" à l'école, lors d' un entretien avec les lecteurs du Parisien/Aujourd'hui en France.

Qui est contre ?

L'obligation de porter un uniforme à l'école a déjà été examinée et rejetée en début d'année à l'Assemblée nationale puis au Sénat. En janvier, les députés ont voté contre le texte porté par les 88 députés RN qui proposait de rendre obligatoire dans les écoles et collèges publics le port d'une "tenue uniforme", dont chaque établissement pourrait fixer "la coupe et la couleur". En avril dernier, c'était au tour des sénateurs de s'opposer au port obligatoire de l'uniforme du primaire au lycée.

Les centristes et la gauche y sont majoritairement hostiles. "L'égalité dans l'école ne se résume pas à une question de tenue", soulignait en janvier la députée Europe Écologie-Les Verts Sandrine Rousseau. "L'uniforme, c'est vraiment le gadget pour masquer, en réalité, les inégalités".

"Ce que nous montre l'Insee, c'est qu'il y a une non-mixité scolaire qui se met en place, qui s'aggrave et s'approfondit", avait aussi souligné le député LFI Alexis Corbière. "Il y a 20% des enfants qui sont dans les établissements privés et l'indice de positionnement social démontre que le privé accueille les catégories les plus favorisées (...) Ce n'est pas parce que vous portez le même t-shirt et la même jupette que vous réglez le problème", avait-il tranché.

Dans la majorité, le sujet fait débat. Le député Sacha Houlié, par exemple, s'était dit en janvier "profondément opposé". "Cela n'apporte aucune mesure d'égalité, aucune, et en termes de laïcité, cette mesure assez sévère et définitive, incitera les lycéens et les collégiens à faire exactement le contraire", avait-il argumenté.

Qui décide ?

Actuellement, "les établissements en toute liberté, par une modification de leur règlement intérieur, peuvent imposer, s'ils le souhaitent, une tenue scolaire", rappelait en janvier dernier le ministre de l'Éducation nationale d'alors, Pap Ndiaye, qui s'était opposé à une loi imposant le port de l'uniforme à l'école.

Cette décision doit être adoptée par les instances des établissements "associant l'ensemble de la communauté éducative", précise le ministère à France Inter. Dans les écoles, le directeur peut spécifier une tenue obligatoire pour les élèves dans un nouveau règlement intérieur, qui doit être conforme au règlement départemental fixé par le directeur académique. Le texte doit être voté en conseil d'école, où un représentant de la mairie est présent, aux côtés des parents et des professeurs.

Pour ce qui est du collège et du lycée, le chef d'établissement prépare le nouveau règlement intérieur en concertation avec les représentants des personnels, des élèves et des parents. Puis, conformément au code de l'éducation, il doit le faire examiner et voter en conseil d'administration, auquel les collectivités territoriales participent également.

Dans les deux cas, le port de l'uniforme ne peut donc pas être imposé. Il doit faire l'objet d'une décision collégiale de l'ensemble des acteurs de l'école.

Où ça existe déjà ?

Certains réclament le "retour" de l'uniforme à l'école. Or, "il n'a quasiment jamais existé en France, sauf pour les lycéens internes, au XIXe siècle, jusque dans les années 1920-1930 où il est abandonné", à quelques exceptions près dans des écoles privées, raconte Nicolas Coutant, directeur adjoint du Musée national de l'éducation, à Rouen. La blouse, elle, a été portée jusque dans les années 1970.

Aujourd'hui, l'uniforme scolaire n'est porté que dans de rares établissements en France métropolitaine. C'est le cas notamment dans les lycées militaires, ou dans les maisons d'éducation de la Légion d'honneur. Plusieurs établissements privés imposent également le port de l'uniforme, ou un code vestimentaire assez strict, comme au collège Stanislas à Paris - où a été scolarisé l'ancien ministre de l'Éducation Jean-Michel Blanquer - qui rend obligatoire le port de chaussures de ville en cuir et interdit certains vêtements, comme les hauts à "messages ou motifs ostentatoires".

En outre-mer, le port de l'uniforme est beaucoup plus répandu, notamment en Martinique et Guadeloupe ainsi qu'en Guyane ou en Nouvelle-Calédonie, y compris dans des établissements publics. Un tiers des établissements publics de Martinique l'imposent par exemple.

Pour quel bilan ?

En Seine-et-Marne, le collège-lycée de Sourdun et son internat d’excellence qui reçoit des jeunes boursiers a opté pour l’uniforme en 2012 et les avis sont plutôt mitigés. Sarah, qui entre en 3e, a roulé en boule son uniforme avant de le laisser au fond d’un sac en plastique pendant tout l’été... Et l'idée de le revêtir à nouveau ne l'enchante pas du tout : "Je ne vois pas trop d'avantages, surtout quand il fait chaud, tu transpires et t'es obligé de garder une chemise, c'est pas confortable."

Sa mère Assia, elle, est plutôt d’accord sur le principe. "Je comprends quand on dit qu'il ne faut pas faire de différence d'habillement, marque ou pas marque, mais il faut aussi voir l'inconvénient de l'uniforme : il faut minimum quatre pantalons à l'année et quatre chemise, deux blazers... Tu peux en avoir au minimum pour 300 euros au total, plus les chaussures."

En 2018, le maire de Provins, en Seine-et-Marne, a instauré le port de l'uniforme dans les six écoles publiques de sa ville, avec l'aval des parents d'élèves. Il s'agissait alors d'un trousseau de dix pièces : "quatre polos (deux manches longues, deux manches courtes), deux pulls bleu ciel, une veste-sweat de couleur bleu marine, deux pantalons et une jupe bleu marine pour les filles, deux pantalons et un bermuda pour les garçons", indiquait alors le journal La République de Seine-et-Marne. Chaque trousseau coûtait 137 euros par élève. Mais "devant l’impossibilité de rendre la mesure obligatoire, la tenue a vite été abandonnée par les près de 700 élèves concernés", indique le journal.

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