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Dérèglement climatique

Près d’un mois sans pluie : la France face à «un assèchement des sols remarquable pour la saison hivernale»

Le manque de pluie depuis mi-janvier, surtout dans le Sud, empêche les nappes phréatiques de se recharger et favorise les incendies en plein hiver et pour l’été prochain.
par Margaux Lacroux
publié le 16 février 2023 à 9h05

Ce jeudi, la France connaît son 26e jour d’affilée sans pluie. Et pas de déluge à l’horizon dans les prochains jours. L’or bleu ne tombe plus du ciel, au moment où l’Hexagone a en pourtant le plus besoin. Après une sécheresse inédite de neuf mois en 2022, seul un hiver très pluvieux pouvait permettre aux sols de se gorger d’humidité, aux nappes souterraines et rivières de retrouver leurs niveaux habituels. De novembre à mars, cette période de recharge est cruciale pour que les stocks d’eau se reconstituent. Mais la météo ne suit pas le scénario idéal.

Mi-janvier, l’humidité des sols était enfin revenue proche de la normale pour cette période de l’année. Mais le répit a été de courte durée. Depuis, sans averse pendant près d’un mois, «les sols se sont beaucoup asséchés», constate Simon Mittelberger, climatologue à Météo France. «Sur la totalité du territoire, ils sont nettement plus secs qu’ils ne devraient l’être à cette période de l’année. On est sur un état qu’on rencontre habituellement mi-avril, donc on a deux mois d’avance. C’est un assèchement moins important que ce qu’on observe habituellement sur les mois d’été, mais c’est remarquable pour la saison hivernale», précise-t-il.

Des déficits difficiles à compenser

«La sécheresse hivernale devient préoccupante», s’alarme sur Twitter son collègue Gaétan Heymes, ingénieur prévisionniste et nivologue. «Il est possible que, à l’échelle du pays sur la période 1959-2023, ce mois de février 2023 devienne le mois de février le plus sec observé en France, et qu’on entame le printemps météo avec les sols les plus secs observés», ajoute-t-il.

Un cas de figure défavorable à la recharge des nappes phréatiques. Elles affichaient déjà des niveaux bas «préoccupants sur une grande partie du territoire» en janvier, selon le BRGM. «Cet hiver, les pluies ont été plus abondantes que l’hiver dernier. En comptant février, on est autour de 15 % de déficit de précipitations contre 20 % l’an dernier. Mais on est partis d’une situation plus sèche que d’habitude en sortie d’été, donc on n’a pas réussi à reconstituer nos réserves d’eau. Pour revenir à une situation convenable, il aurait fallu a minima des précipitations proches des normales, voire excédentaires pendant tous les mois de l’hiver», explique Simon Mittelberger.

En plus du manque de pluie, depuis douze mois d’affilée, il fait plus chaud que la norme en France. Le mois de février pourrait être le treizième de cette série inédite. «C’est la première fois depuis 1947 (date des premières données) que nous observons une série aussi longue de températures moyennes mensuelles au-dessus des normales. La deuxième série la plus longue a duré neuf mois d’avril à décembre 2018», précise Simon Mittelberger, climatologue à Météo France.

Des conditions propices aux incendies

Localement, la situation se tend dans l’Est. «Dans le Jura, février va se terminer avec une sécheresse des sols inédite pour la période», alerte le météorologue de Météo France François Jobard sur Twitter. Les départements de l’arc méditerranéen sont, eux, restés particulièrement secs durant l’hiver. A tel point que des arrêtés de restriction d’eau sont en cours dans les Pyrénées-Orientales et les Bouches-du-Rhône.

«L’indice d’humidité des sols pour Perpignan est digne d’un climat semi-désertique. En plein hiver, l’indice de février est équivalent à celui du mois de… août. Un record ! La végétation souffre et meurt sur pied», s’étrangle l’agroclimatologue Serge Zaka sur Twitter.

Des conditions qui, par temps de vent, sont propices à la propagation des incendies. Les pompiers ont dû lutter contre les flammes dès le 3 février dans les Pyrénées-Orientales. Trois jours après, 60 hectares brûlent à proximité de Perpignan, «du jamais-vu en plein hiver», a tweeté le compte des pompiers du département.

Dès le 4 février, les premiers incendies se sont aussi déclarés dans les Bouches-du-Rhône. La situation n’est pas inédite, mais «nous nous attendons à un été aussi intense et difficile que celui de 2022 puisque nous n’arrivons pas à compenser les déficits de pluie que nous accumulons», a expliqué lundi Jean-Luc Beccari, directeur du service départemental d’incendie et de secours du département sur France 3.

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