Les écrans dangereux pour les enfants ? Une vaste étude conclut à une influence « limitée »

Ce n’est pas tant la présence d’écrans qui influence le développement de l’enfant que le moment et la manière dont celui-ci les regarde, assure une nouvelle étude qui appelle à déculpabiliser les parents.

Les enfants semblent pâtir du fait de regarder fréquemment la télévision en famille pendant les repas, selon une récente étude. (Illustration) LP/Aurélie Ladet
Les enfants semblent pâtir du fait de regarder fréquemment la télévision en famille pendant les repas, selon une récente étude. (Illustration) LP/Aurélie Ladet

    Laisser son enfant devant la télévision est-il si néfaste qu’on le dit ? Une nouvelle étude française relativise le rôle des smartphones, tablettes, consoles de jeux et autres écrans dans le développement cognitif des plus jeunes. Plus que le temps d’exposition, c’est bien le contexte dans lequel l’enfant visionnerait ces programmes qui serait déterminant.

    Un vaste travail réalisé sous l’égide de l’Inserm et publié dans la revue Journal of Child Psychology and Psychiatry a suivi 14 000 enfants en France, de 2 à 5 ans et demi, au sein de leur foyer. Les parents interrogés ont dû rapporter certaines habitudes familiales : le temps des enfants passé devant l’écran, la télévision allumée ou non pendant les repas, etc.

    Premier constat : si une relation négative existe bien entre l’exposition aux écrans et le développement des plus petits, ces effets restent « limités », observe l’étude. « Le fait qu’un enfant passe du temps devant la télévision ne va pas créer de retards majeurs chez lui, sauf cas extrêmes », explique d’emblée Jonathan Bernard, chercheur du Centre de recherche en épidémiologie et statistiques qui a dirigé l’étude. Les données collectées entre 2013 et 2017 auprès d’un large échantillon « apportent une voie médiane sur un débat complexe où deux discours s’affrontent depuis des années : l’un plutôt alarmiste et l’autre qui préfère dire qu’il n’y a pas de sujet », pointe-t-il.

    Les repas pris devant la télévision, un impact sur le langage

    Concrètement, les chercheurs ont évalué le développement du langage des petits à 2 ans, leur raisonnement non verbal (capacité à résoudre des problèmes, se situer dans l’espace…) à 3 ans et demi, avant de s’attarder sur leur développement cognitif global à 5 ans et demi. D’autres facteurs socioculturels ont été pris en compte : niveau d’étude des parents, leurs revenus, fréquences des activités partagées en famille, nature des jeux en dehors des écrans…

    L’effet délétère des écrans serait globalement « modeste » sur le cerveau des petits, mais il doit surtout être considéré au vu des autres habitudes familiales, défend l’étude. En d’autres termes, un enfant qui lit régulièrement aura un meilleur développement qu’un autre qui ne lit pas, même si les deux passent le même temps devant les dessins animés. Les chercheurs se sont également intéressés à la place de la télévision lors des repas, moment privilégié d’échanges entre parents et enfants. Résultat : plus de 40 % des familles étudiées mangent l’écran allumé, ce qui n’est pas sans conséquence.

    Cette habitude se retrouve davantage chez les plus défavorisés, comme l’ont montré de précédentes observations de l’Inserm. « La télévision joue une place prépondérante au sein du foyer, mais elle a un impact sur le développement du langage. Quand tout le monde est captivé par l’écran, les interactions avec l’enfant se font plus rares. À terme, cela peut entraîner un manque de vocabulaire ou une moindre capacité de compréhension chez les plus petits », relève encore Jonathan Bernard.

    « Il ne faut pas diaboliser l’écran »

    Car la télévision, en fond sonore, va par exemple rendre le déchiffrage des sons plus difficile pour les bambins, lors des discussions familiales. Manger devant l’écran crée également des habitudes qui vont se poursuivre sur le long terme. « On voit clairement que les enfants qui ont reçu une éducation plus raisonnée vis-à-vis de la télé, vont avoir tendance à moins la regarder plus tard », poursuit le scientifique.

    Doit-on pour autant bannir les écrans du foyer ? Pour appréhender au mieux le sujet, il faut dépasser la simple question de la durée d’exposition, suggère l’étude. La qualité du programme doit être prise en compte. De même, le visionnage d’un dessin animé ou d’un documentaire n’est pas forcément synonyme de passivité, pointent les auteurs. « L’adulte peut accompagner l’enfant, lui poser des questions sur ce qu’il regarde, l’impliquer et stimuler sa compréhension. Il ne faut pas diaboliser l’écran, la télévision peut être un moyen pour l’enfant d’apprendre et de développer sa curiosité », note Jonathan Bernard.



    Face à la récente multiplication des écrans dans les foyers, les chercheurs appellent surtout à déculpabiliser les parents. « On peut avoir une attitude raisonnée et raisonnable vis-à-vis de la télévision, sans l’interdire », complète le spécialiste, tout en appelant à « rester vigilant ». En France, le temps passé par les plus jeunes devant la télévision ou les smartphones reste toutefois bien au-dessus des limites recommandées : à 2 ans, les enfants y passaient en moyenne 56 minutes, là où Santé publique France recommande à cet âge, aucune exposition.