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Intérêts, risques, vie privée... En quoi consiste le projet d'euro numérique de la BCE?

Mercredi, la Banque centrale européenne a lancé une phase de test d'une durée de deux ans pour lancer un euro numérique.

Chaque Européen disposera-t-il un jour d'un compte bancaire en euros numériques émis par la Banque centrale européenne (BCE)? Cette perspective prend forme alors que l'institut de Francfort a donné mercredi son feu vert à une phase "préparatoire" de deux ans pour cette nouvelle forme de monnaie virtuelle. Les autorités européennes - Parlement, Commission, Conseil, Eurogroupe - doivent donner à l'euro numérique un statut officiel mais c'est la BCE qui décidera en dernier ressort de sa création.

Pourquoi un euro numérique?

La BCE veut accompagner l'explosion des paiements dématérialisés, qui s'est amplifiée avec la pandémie de Covid-19. En termes de valeurs des paiements, l'argent liquide ne représentait plus que 42% des transactions par les consommateurs de la zone euro 2022, contre 54% en 2016, selon une étude de l'institution.

La BCE craint que cet engouement ne profite à des monnaies virtuelles privées - utilisées sous forme de carte de paiement ou d'applications mobiles - ou à des devises étrangères. Meta (Facebook, Instagram, etc.) a enterré un premier projet de monnaie numérique mais envisage de nouveau de lancer un moyen virtuel de paiement couplé à d'autres services financiers, écrivait en avril le Financial Times.

"Un euro numérique renforcerait l'efficacité des paiements européens et contribuerait à l'autonomie stratégique de l'Europe", selon Fabio Panetta, membre du directoire de la BCE.

Une centaine d'autres banques centrales, la Chine ou les Etats-Unis notamment, travaillent aussi à l'émission de leur propre monnaie virtuelle. Pékin teste depuis 2021 à grande échelle le e-yuan. A terme l'euro numérique ne remplacera pas l'argent liquide, assure l'institution, qui planche par ailleurs sur une nouvelle série de billets en euros, plus sûrs et au design renouvelé.

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Quel intérêt pour les consommateurs?

Les ménages et entreprises pourront détenir directement leurs euros numériques chez les banques commerciales. L'un des avantages est que cet argent sera garanti, quelque soit le montant, en cas de crise financière. La BCE veut offrir aux citoyens un moyen de paiement numérique qu'ils pourront utiliser gratuitement partout dans la zone euro, en magasin, en ligne ou entre particuliers. L'euro numérique se veut en outre inclusif, en pouvant faciliter la vie des quatre millions d'Européens actuellement privés de compte en banque.

Mais dans un monde déjà "hyper bancarisé" où chaque citoyen dispose de quantité de moyens de paiements, "l'idée de lancer un moyen de paiement supplémentaire n'est pas spontanément naturelle", reconnait Erick Lacourrège, directeur général des moyens de paiement de la Banque de France.

L'enjeu est néanmoins "beaucoup plus large", comprenant des enjeux de "souveraineté, de fragmentation des moyens de paiements et de la privatisation ou pas de la monnaie", ajoute-t-il.

Quels risques?

La BCE garantit qu'elle n'aura pas accès aux données des citoyens à caractère personnel, ayant pris en compte cette préoccupation chez les Européens sur les risques pour la protection de leur vie privée. Pour autant, des inquiétudes émergent depuis plusieurs années, notamment de la communauté crypto.

Les données devraient être mieux protégées avec l'euro numérique qu'avec les équivalents proposés par des prestataires privés, assure la BCE. Mais le chemin est étroit car il n'est pas question d'offrir la même garantie d'anonymat que le cash, pour des raisons de lutte contre la criminalité financière. Les banques commerciales s'inquiètent ouvertement de voir les particuliers faire migrer leurs dépôts vers un compte en monnaie de banque centrale.

Surtout, un consortium réunissant 16 grandes banques privées européennes développe déjà une solution de paiement aux cas d'usages très proches, baptisée European Payments Initiative (EPI). Aussi les comptes en euros numériques seront plafonnés: un montant de 3.000 euros est évoqué, proche du salaire brut moyen dans la zone euro et évitant de créer des tensions avec les banques commerciales.

Pauline Armandet avec AFP