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Le Brésil et l'Argentine prêts à créer une union monétaire

Les deux pays se sont accordés pour entamer des discussions exploratoires sur la création d'une monnaie unique, notamment pour contrer le pouvoir du dollar. Les présidents argentin et brésilien, tous deux de gauche, y sont favorables mais les embûches sont nombreuses.

Le real brésilien et le peso argentin pourraient ne faire plus qu'un, le « sur » sud-américain.
Le real brésilien et le peso argentin pourraient ne faire plus qu'un, le « sur » sud-américain. (iStock)

Par Guillaume de Calignon

Publié le 22 janv. 2023 à 17:48Mis à jour le 23 janv. 2023 à 05:38

Il s'agit potentiellement d'un sacré caillou dans la chaussure de l'Oncle Sam. Le Brésil et l'Argentine ont commencé à discuter de la création d'une zone monétaire unique, avec une seule devise à terme entre les deux pays. Le président argentin, Alberto Fernandes, et son homologue brésilien Lula en discuteront cette semaine.

Les deux dirigeants qui ont en commun d'être de gauche sont d'accord pour « étudier les paramètres nécessaires à une monnaie commune, qui comprend tout, des questions fiscales à la taille de l'économie et le rôle des banques centrales », a confirmé le ministre argentin de l'Economie Sergio Massa au « Financial Times ». Quant aux autres pays d'Amérique latine, ils sont invités à participer aux discussions s'ils le veulent.

Un contre-pouvoir au dollar

L'idée n'est pas nouvelle. Le président argentin dans les années 1990, Carlos Menem , l'avait déjà évoquée. Plus récemment, le ministre des Finances brésilien et ex-maire de Sao Paulo, Fernando Haddad, soutien de Lula , avait remis sur la table cette possibilité, allant jusqu'à proposer un nom pour cette future monnaie appelée à remplacer le real brésilien et le peso argentin, le « sur » en espagnol, c'est-à-dire le sud. Tout un symbole.

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Cette annonce pourrait bien changer beaucoup de choses dans l'économie mondiale. L'Amérique latine est en effet la chasse gardée des Etats-Unis, comme le veut la doctrine Monroe, du nom du cinquième président des Etats-Unis. Le dollar, par sa suprématie et son rôle de monnaie de réserve mondiale, est le principal outil de la domination américaine sur le continent. Au-delà de hâter le développement des relations commerciales entre le Brésil et l'Argentine, l'autre objectif des deux pays est, en s'alliant sur le plan économique et monétaire, d'entamer le pouvoir du dollar. Ce ne serait ni plus ni moins que la création d'un « euro sud-américain » dans l'arrière-cour des Etats-Unis.

La dé-dollarisation de l'économie de la planète se fait peut-être à tout petits pas mais elle est en marche. Les sanctions occidentales contre la Russie et notamment le gel des réserves en billets verts de la banque centrale, suite à la guerre en Ukraine, ont montré aux autres pays que leurs avoirs en dollars pouvaient être rayés d'un coup de crayon si les Etats-Unis jugeaient leurs intérêts menacés. L'Argentine a d'ailleurs fait part de son intention de rejoindre les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) et a déjà obtenu le soutien de la Chine et de l'Inde. Le projet d'union monétaire est donc un pas de plus vers la fragmentation du monde et l'organisation d'un contre-pouvoir à l'Amérique.

A eux deux, l'Argentine et le Brésil représenteraient environ 5 % du PIB de la planète. C'est évidemment moins que la zone euro, qui pèse environ 15 % du PIB mondial, mais ce n'est pas négligeable.

Le début d'un long périple

Sauf que, comme le reconnaît aisément le ministre argentin des finances, « c'est le premier pas d'un long chemin que l'Amérique latine doit parcourir », ce dernier mettant en avant le fait que les pays européens ont mis trente-cinq ans pour mettre en place l'euro. En effet, les embûches sont nombreuses. D'abord, la rivalité entre le Brésil et l'Argentine a toujours été forte. Et depuis 2010, les deux pays enchaînent les déconvenues. Le PIB par tête de l'Argentine a reculé de 8 % et celui du Brésil a stagné.

L'Argentine a fait défaut deux fois sur sa dette dans les deux dernières décennies, en 2001 et en 2020, en raison de la mauvaise gestion des gouvernements argentins successifs. Difficile dans ces conditions d'avoir confiance, d'autant que l'inflation a atteint 95 % en décembre dernier sur un an dans le pays. Jusqu'à présent, la banque centrale du Brésil, indépendante, a donc toujours freiné le projet d'une union monétaire avec son voisin.

L'exemple de l'euro et de la crise de la dette souveraine montre que l'intégration des économies doit être forte et que leurs politiques économiques, monétaires mais aussi budgétaires doivent être coordonnées, sans quoi l'un des pays peut être un passager clandestin ; ou le plus gros dominer en forçant à suivre sa politique économique.

Guillaume de Calignon

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