Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

L’Argentine retire à Maurice Papon l’ordre de Mai, décoration reçue des mains du dictateur Videla en 1979

Alors ministre de Valéry Giscard d’Estaing, l’ancien préfet de police de Paris, condamné en 1998 pour complicité de crimes contre l’humanité et décédé en 2007, avait été le premier ministre d’un pays européen à se rendre officiellement dans le pays après le coup d’Etat de 1976.

Par 

Publié le 09 mai 2023 à 15h48, modifié le 09 mai 2023 à 16h42

Temps de Lecture 7 min.

Read in English

Article réservé aux abonnés

Maurice Papon, alors ministre français du budget, tient une conférence de presse, le 5 septembre 1979, à Paris.

C’était le premier ministre d’un pays européen à se rendre officiellement en Argentine après le coup d’Etat du 24 mars 1976. L’Argentine le lui a bien rendu : le 4 avril 1979, Maurice Papon, alors ministre français du budget, recevait la grand-croix de l’ordre de Mai du mérite, plus haute décoration honorifique du pays, équivalent de la Légion d’honneur, des mains du dictateur Jorge Rafael Videla. A l’époque, l’ancien secrétaire général de la préfecture de Gironde pendant l’Occupation allemande, puis préfet de police de Paris et, enfin, ministre de la Ve République, n’avait pas encore été rattrapé par son passé en France – il le sera en 1981.

Jeudi 4 mai, le président argentin, Alberto Fernandez, a signé un décret ôtant le droit « à feu Maurice Papon [il est décédé en 2007] et à ses proches d’utiliser les insignes de l’ordre de Mai » et demandant que ces derniers les restituent. « Maurice Papon s’est rendu responsable d’actes incompatibles avec l’esprit et le but de l’ordre, a été jugé et condamné [en 1998] pour complicité de crimes contre l’humanité », précise le texte, qui mentionne la déportation de juifs dont il s’est rendu coupable en tant que secrétaire général de la préfecture de Gironde, entre 1942 et 1944.

L’initiative d’une telle décision, qui doit être entérinée mardi par le président Fernandez lors d’une cérémonie, revient au scientifique argentin José Eduardo Wesfreid, directeur de recherche émérite au CNRS, exilé en 1976 à Paris, où il réside depuis lors. « En 2020, la France a retiré au tortionnaire argentin Ricardo Cavallo l’ordre du Mérite qu’elle lui avait remis en 1985, alors qu’il se trouvait à Paris en tant qu’attaché de la marine à l’ambassade, explique-t-il au Monde. Cela m’a donné l’idée de demander la réciproque à l’Argentine pour l’Ordre de Mai accordé à Papon, ce que j’ai fait en 2021. »

La consultation par Le Monde des archives nationales sur la visite du ministre français en Argentine en 1979 en dit long sur les accointances entre le gouvernement de Valéry Giscard d’Estaing et la dictature militaire argentine (1976-1983), qui a fait 30 000 disparus, selon les organisations de défense des droits humains.

Priorité aux affaires

Les documents montrent que cette visite faisait suite à plusieurs missions, l’année précédente, de l’Union des maires pour le développement économique des communes (Unidec), fondée par Maurice Papon, qui en était le président, et Pierre Baudis, maire de Toulouse.

La dernière mission des maires en septembre 1978, à laquelle a participé une membre du cabinet de Papon, Andrée Charrier, « ramène des propositions avantageuses pour nos industriels », notait alors le directeur des Amériques du ministère des affaires étrangères, Philippe Cuvillier, qui avait reçu une délégation de l’Unidec à son retour. Ils auraient aussi évoqué avec le général Roberto Viola, chef d’état-major de l’armée et membre de la junte, le sort de la dizaine de Français faits prisonniers, à l’époque, par les militaires. Le ministre argentin de l’économie, José Martinez de Hoz, aurait été prêt à « donner une part importante du marché argentin aux entreprises françaises », en échange du rétablissement des relations officielles entre les deux pays et de la limitation de la « campagne anti-argentine » en France.

Il vous reste 69.71% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.