Vers un changement historique au pays de la guerre à la drogue ? Selon un article publié ce mardi 30 avril par l’agence Associated Press (AP), la Drug Enforcement Administration (DEA), la célèbre agence fédérale américaine chargée de lutter contre le trafic et de la distribution de drogues aux Etats-Unis, a prévu de reclasser le cannabis dans son tableau des stupéfiants. Selon AP, ce projet de reclassement reconnaîtrait les utilisations médicales du cannabis en statuant que cette substance présenterait moins de risques d’abus que certaines des drogues les plus dangereuses du pays, telles que le Fentanyl ou encore la Xylazine.
Selon AP, le ministère de la Justice, qui supervise la DEA, a recommandé que le cannabis soit classé dans la catégorie des drogues dites de l’annexe 3, avec un potentiel de dépendance physique et psychologique modéré à faible. Pour l’heure, le cannabis figure dans l’annexe 1, réservée aux drogues ayant un potentiel fort d’abus et qui n’ont pas d’utilité médicale répandue aux Etats-Unis, aux côtés de stupéfiants tels que le LSD ou l’héroïne. Avec ce projet de loi, le cannabis rejoindrait donc des substances à l’utilité médicale répandue aux Etats-Unis et serait alors placé avec la kétamine ou encore les stéroïdes anabolisants. De quoi ouvrir la porte à une modification historique de la politique américaine en matière de drogues.
Il faut néanmoins rappeler que les drogues de l’annexe 3 sont toujours des substances contrôlées et soumises à des règles et réglementations. Les personnes qui en font le trafic sans autorisation pourraient toujours faire l’objet de poursuites pénales fédérales. Et avant d’être validée, la proposition de la DEA doit encore être examinée par le Bureau de la gestion et du budget de la Maison Blanche, dont la tâche est d’assister le président des Etats-Unis dans la préparation du budget de la nation. Mais cette perspective a déjà fait réagir les marchés : les actions des sociétés américaines de cannabis ont bondi dans les marchés où elles sont cotées. Celles des compagnies Tilray, Trulieve Cannabis Corp et Green Thumb Industries ont augmenté de plus de 20 % en fin d’après-midi ce mardi.
«Trop de vies ont été bouleversées à cause de notre approche ratée à l’égard de la marijuana»
S’il est finalisé, ce reclassement du cannabis marquerait le plus grand changement dans la politique fédérale sur le cannabis depuis 40 ans de guerre à la drogue menée outre Atlantique. À l’autre extrémité du spectre, les défenseurs de la plante soutiennent que le cannabis devrait être complètement supprimé de la liste des substances contrôlées, pour être plutôt réglementée, à l’instar de l’alcool.
L’étau fédéral a déjà commencé à se desserrer autour de la plante. Il y a deux ans, en octobre 2022, le président américain Joe Biden avait décidé d’annuler les condamnations fédérales des Américains pour consommation ou détention de cannabis. «Personne ne devrait être emprisonné pour avoir simplement consommé ou possédé du cannabis», avait-il martelé, avant de souligner qu’une «dépénalisation complète», qu’il ne réclame pas, ne peut être qu’une décision du Congrès.
«Les casiers judiciaires pour consommation et possession de marijuana ont imposé des obstacles inutiles à l’emploi, au logement et aux opportunités d’éducation», a commenté une nouvelle fois Joe Biden en décembre 2023. «Trop de vies ont été bouleversées à cause de notre approche ratée à l’égard de la marijuana. Il est temps de réparer ces torts», avait ajouté le président des Etats-Unis.
Aux Etats-Unis, la politique fédérale en matière de drogues est à la traîne par rapport à de nombreux États. Ces dernières années, 38 états, dont la Californie et le Nevada, ont légalisé le cannabis à des fins médicales et 24 ont légalisé son usage récréatif tels que le Dakota du Sud ou encore plus récemment l’Etat de New York en 2021.
Des modifications législatives qui ont nettement contribué à alimenter la croissance rapide de l’industrie du cannabis aux Etats-Unis, dont la valeur est estimée à près de 30 milliards de dollars. Sur le plan fédéral, ce reclassement du cannabis dans l’annexe 3 du tableau des stupéfiants pourrait également faciliter considérablement la recherche sur la plante, puisqu’il est très difficile de mener des études cliniques autorisées sur les substances de l’annexe 1.