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Non, l’armée française n’a pas lancé un site pour s’engager en Ukraine

Guerre entre l'Ukraine et la Russiedossier
Un site trompeur annonçait le recrutement de «200 000 hommes pour mener des opérations en Ukraine». Le ministère des Armées a dénoncé une «campagne de désinformation» et la plateforme a été suspendue ce jeudi 28 mars.
par Alexandre Horn
publié le 28 mars 2024 à 18h16

Envie de vous engager dans l’armée, de voir du pays et d’aller vous battre «sur le front» ou «derrière les lignes russes» en Ukraine sous les couleurs françaises ? C’est ce que propose un site aux couleurs de l’armée française, qui a interrogé nombre d’internautes. Sans surprise le site est faux. Le ministère des Armées a dénoncé ce jeudi matin une «campagne de désinformation».

La plateforme «SEngager-Ukraine.fr», qui a trompé de nombreux internautes avant d’être suspendue jeudi peu avant 16 heures, reprend les couleurs de la plateforme officielle de recrutement officiel de l’armée française, «SEngager.fr» en version low-cost bricolée avec WordPress. De nombreux liens renvoient d’ailleurs vers des canaux légitimes de l’armée (formulaires de contact, annuaire pour échanger avec des membres de différentes unités, réseaux sociaux de l’armée de terre) pour tenter de rendre la plateforme crédible.

Plusieurs détails suspects

En haut de la page d’accueil trône une photo d’Emmanuel Macron et du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, en pleine poignée de mains, sur laquelle est écrit «Soyez parmi les premiers à défendre les intérêts de la France en Ukraine». Le tout couplé à la citation prononcé par le président français le 14 mars : «La Russie ne doit pas gagner cette guerre.»

La page d’accueil affirme que «l’armée de terre recrute et forme 200 000 hommes pour mener des opérations en Ukraine», tout en précisant plus bas que «les immigrés sont prioritaires», sans plus d’explications. Quatre offres d’emploi sont mises en avant : «combattant infanterie», «officier sous contrat d’encadrement infanterie», «combattant forces spéciales» et «chef de groupe forces spéciales». Toutes les propositions mentionnent un départ pour aller combattre en Ukraine, notamment «derrière les lignes russes» pour les forces spéciales.

Il est néanmoins difficile d’ignorer certains détails pour le moins suspect, à commencer par le fait que la France n’envoie aujourd’hui pas de troupes en Ukraine, et n’a pas annoncé qu’elle allait le faire. Dans différentes déclarations (remarquées) en février et en mars, Emmanuel Macron a expliqué que «rien ne doit être exclu» à propos de l’éventuel envoi de troupes occidentales sur le terrain en Ukraine. Une «ambiguïté stratégique» revendiquée. D’autres informations comme les salaires proposés ou encore les tranches d’âges d’admissibilité (jusqu’à 48 ans alors que la limite est entre 29 et 32 ans) contredisent le site officiel de recrutement de l’armée de terre.

«Il est fortement déconseillé de se rendre sur ce site»

Le ministère des Armées explique à CheckNews et sur la plateforme X qu’évidemment «ce site est un faux site gouvernemental, relayé sur les réseaux sociaux par des comptes malveillants, pour une campagne de désinformation», ajoutant que «les entités étatiques en charge de la lutte contre la violence sur Internet et contre la manipulation d’information ont été saisies. Il est fortement déconseillé de se rendre sur ce site, en plus de propager de fausses informations, il présente un risque de vol de données personnelles.»

La campagne n’a pas été revendiquée et rien, à part la tonalité du contenu, ne semble indiquer qui sont les auteurs du site. Le nom de domaine en question a été déposé le 15 mars, soit le lendemain de l’interview d’Emmanuel Macron dans laquelle ce dernier avait évoqué la position de la France sur un potentiel envoi de troupes.

Comme l’a remarqué le compte X «Sources ouvertes», le site a été d’abord partagé la plateforme d’Elon Musk par trois comptes francophones peu suivis, mais tous abonnés à X premium – augmentant ainsi la diffusion de leurs publications. Deux d’entre eux se font passer pour des comptes d’actualité et renvoient vers des sites qui n’existent pas. L’un d’eux, «Avenir de France», a d’ailleurs publié une vidéo de moins d’une minute d’un téléviseur diffusant une émission de LCI, notamment sur le fait que la France accélère sa production d’armes et de munitions, avant un spot publicitaire qui explique là aussi que l’armée française va recruter 200 000 hommes pour «mener des opérations en Ukraine». L’émission télévisée, diffusée mardi 26 mars un peu avant 16 heures (à 31 minutes et 9 secondes sur la vidéo), est bien réelle, mais la publicité est un montage : un spot vantant des cartouches pour imprimantes était diffusé à la place.

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