ENTRETIEN. Uniforme à l'école : "une recherche de marqueurs d'autorité" selon le sociologue Jean Viard

  • Se dirige-t-on vers des tenues standardisées pour les élèves ?
    Se dirige-t-on vers des tenues standardisées pour les élèves ? DDM - Illustration
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Valentin Marcinkowski

l'essentiel Le sociologue Jean Viard se montre plutôt favorable à l'instauration d'une tenue réglementée à l'école, arguant que c'est à l'Etat de fixer des règles pour préserver la neutralité dans le milieu scolaire.

Le débat autour de l'uniforme à l'école est-il pertinent ?

C'est toujours contradictoire, car à travers ce sujet, on ne parle jamais que de l'uniforme des filles en réalité. Le vrai sujet, c'est comment le corps féminin est montré, caché. C'est la toile de fond. Et là, nous sommes dans un contexte particulier où l'on essaie, avec l'abaya, de contourner les règles de l'anonymat religieux à l'école. On est face à une lutte politique et il faut y répondre par des moyens politiques. Qu'il y ait une forme de neutralité à l'école, je ne suis pas contre. Il n'y a jamais eu d'uniforme à l'école en France, seulement dans le privé. Mais avant, on avait des blouses, plus par notion d'hygiène qu'autre chose.

L'idée d'un uniforme strict, est-ce si nécessaire ?

Il faudrait pouvoir considérer l'instauration d'une tenue réglementaire d'hiver, avec une d'été. Je pense qu'on tend vers ça en réalité. Mais il ne faut pas rêver, les enfants trouveront toujours des moyens de contournement par souci de vouloir marquer sa personnalité. Après, ce qui est amusant, c'est que les jeunes ont souvent l'impression d'être originaux mais à la sortie d'un collège, on constate qu'ils sont tous habillés de la même façon.

"L'école, un lieu neutre qui doit le rester"

Cette question d'uniforme est un vieux serpent de mer, pourquoi le sujet trouve un écho favorable dans la société maintenant et pas forcément avant ?

Il y a la question de l'abaya, qui est un nouvel outil de combat idéologique. Mais après, si on regarde les chiffres, il  n'y a eu que 67 cas de jeunes filles, sur la rentrée de lundi, qui ont refusé de l'enlever. On peut voir qu'en réalité, les jeunes, ils respectent les règles car ils n'ont pas envie d'être différents des autres. Cette position de Gabriel Attal sur l'abaya, la question de l'uniforme, c'est le retour d'un Etat qui définit les règles. La laïcité, ça s'apprend, l'école est un lieu neutre et doit le rester. Il faut le défendre à tout prix. Même si nous sommes là confrontés à des phénomènes minoritaires, il est normal de vouloir fixer un cadre. Ça fait partie de l'éducation.

Une tenue réglementaire, ça peut aussi gommer les inégalités...

Le vrai problème, c'est que les milieux aisés ont tendance à placer leurs enfants dans le privé. La segmentation se fait là en réalité. On ne pourra jamais interdire à un enfant d'avoir telle marque de baskets. L'idée, c'est de standardiser.

Peut-on parler de coup politique pour la majorité présidentielle ?

Je crois surtout que nous sommes dans une période de recherche de marqueurs d'autorité. Notamment après les émeutes au tout de début de l'été. Sur la question de l'uniforme, on est dans le symbolique certes, mais l'Etat joue son pleinement son rôle à rappeler ces marqueurs. 

"Le rôle des adultes de définir des règles"

Un uniforme à l'école, est-ce si impactant dans la construction d'un futur citoyen ?

L'école est le cœur du lien social d'une société. C'est là qu'on se construit. J'estime que l'école doit être visible davantage. La Poste, par exemple, tout le monde sait que c'est en jaune, ou encore les pompiers c'est le rouge... Je rêve d'une couleur pour l'école. En Angleterre, quand un gamin marche dans la rue le matin en uniforme, on se dit :"tiens, il va à l'école". Il faut que le milieu scolaire soit davantage mis en avant dans le quotidien.

Les jeunes ont-ils leur mot à dire dans ce débat ?

Ça reviendrait à leur demander s'il faut leur apprendre l'orthographe. Dans l'éducation, c'est le rôle des adultes, des enseignants, de définir des règles. On peut partir sur l'idée des pantalons, jupes, t-shirts, et shorts en été, puis basta ! Ça suffirait pour réglementer. 

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