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Aux César, Judith Godrèche dénonce un "trafic illicite de jeunes filles" couvert par le cinéma

Dans une allocution très attendue, la comédienne Judith Godrèche, qui a déposé plainte pour violences sexuelles et physiques contre deux réalisateurs, a dénoncé vendredi, lors de la 49e cérémonie des César, les dérives du cinéma français, un art qui couvre parfois "un trafic illicite de jeunes filles".

L'actrice Judith Godrèche dénonce les violences sexuelles dans le milieu du cinéma à la 49e cérémonie des César, le 23 février 2024.
L'actrice Judith Godrèche dénonce les violences sexuelles dans le milieu du cinéma à la 49e cérémonie des César, le 23 février 2024. © Stéphane de Sakutin, AFP
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Alors que les dénonciations de violences sexuelles dans le milieu du cinéma émaillent l'actualité française depuis des semaines, les regards étaient tournés, en ce vendredi 23 février, vers l'Olympia, à Paris. La comédienne Judith Godrèche y a fait une intervention très attendue, lors de la 49e cérémonie des César

Au cours de son discours, l'actrice française a dénoncé le "niveau d'impunité, de déni et de privilège" dans le milieu, ovationnée debout sur la scène des César.

"Pourquoi accepter que cet art qui nous lie soit utilisé comme un trafic illicite de jeunes filles ?", s'est interrogée l'actrice de 51 ans, qui a libéré la parole sur le sujet, en portant plainte contre les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon pour des violences sexuelles et physiques pendant son adolescence, ce que ces derniers nient.

 

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"Il faut se méfier des petites filles, elles touchent le fond de la piscine, elles se blessent mais elles rebondissent", a-t-elle lancé, devant le monde du 7e art réuni.

L'actrice a débuté au cinéma, adolescente, avant de disparaître des radars, de s'installer aux États-Unis et de revenir en France avec une série où elle joue son propre rôle "Icon of French cinema" fin 2023. Elle a porté plainte début 2024 contre les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon pour des violences sexuelles et physiques qui remonteraient à son adolescence, et est devenue un fer de lance du mouvement #MeToo en France.

"Une revenante des Amériques qui vient donner des coups de pieds dans la porte blindée. Qui l'eût cru ?", a-t-elle déclaré.

La cérémonie se déroule sous haute tension, les victimes de violences sexistes et sexuelles espérant qu'elle fera date. La question a surgi d'emblée, dans les propos liminaires de la présidente de la cérémonie, Valérie Lemercier.

"Je ne quitterai pas ce plateau sans louer celles et ceux qui font bouger les us et coutumes d'un très vieux monde où les corps des uns étaient implicitement à la disposition des corps des autres", a déclaré cette dernière.

Tout aussi symbolique, l'Académie a remis son tout premier prix, le César de la meilleure actrice dans un second rôle, à Adèle Exarchopoulos, pour "Je verrai toujours vos visages", où elle interprète une victime d'inceste.

"Aveuglement collectif"

Avant la cérémonie, une centaine de personnes ont manifesté devant l'Olympia, à l'appel de la CGT, pour soutenir la parole des victimes. "Tous ensemble, on peut vraiment aider à ce que les choses bougent, un monde vraiment meilleur peut s'ouvrir", a déclaré l'actrice Anna Mouglalis, qui a accusé les réalisateurs Philippe Garrel et Jacques Doillon de l'avoir agressée sexuellement.

Également avant l'ouverture des festivités, la ministre de la Culture Rachida Dati, présente ensuite dans la salle, a déploré un "aveuglement collectif" qui "a duré des années" dans le milieu du cinéma, dans un entretien à la revue Le Film français. 

"La liberté de création est totale mais ici on ne parle pas d'art, on parle de pédocriminalité" concernant Judith Godrèche, a-t-elle poursuivi.

De la mise en examen pour viols et agressions sexuelles de Gérard Depardieu aux accusations portées par Judith Godrèche, suivies par d'autres comédiennes, dont Isild Le Besco qui envisage également de porter plainte, les violences sexuelles hantent plus que jamais le cinéma français. L'acteur Aurélien Wiik, lui, a lancé le hashtag #MeTooGarçons sur Instagram jeudi.

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Censés représenter le cinéma dans sa diversité, les César ont évolué depuis la cataclysmique édition 2020 où Roman Polanski, accusé de viol, a reçu le prix du meilleur réalisateur pour "J'accuse", provoquant le départ de l'actrice Adèle Haenel.

L'institution a été renouvelée. Une règle de "non-mise en lumière" des mis en cause par la justice "pour des faits de violence" a été instituée (pas d'invitation aux événements liés aux César, pas de remise de statuette sur scène, ni de discours pour les lauréats).

À priori, aucun des nommés n'est visé par des accusations. L'acteur Samuel Theis ("Anatomie d'une chute") fait l'objet d'une enquête après la plainte pour viol portée par un technicien alors qu'il tournait un film l'été dernier, mais il n'en fait pas partie.

Trois réalisatrices en lice

"Anatomie d'une chute", Palme d'Or à Cannes et nommé cinq fois aux Oscars (le 10 mars au soir à Los Angeles, dans la nuit du 11 en France), a récolté 11 nominations. Le trophée du meilleur film pourrait se jouer entre lui et "Le règne animal", film fantastique de Thomas Cailley (12 nominations).

Sa réalisatrice Justine Triet marquerait l'histoire des César en devenant la deuxième femme à remporter le prix de la meilleure réalisation, un quart de siècle après Tonie Marshall ("Vénus Beauté (institut)" en 2000). 

Deux autres réalisatrices (sur cinq nommés) sont en lice : Catherine Breillat ("L'été dernier") et Jeanne Herry ("Je verrai toujours vos visages").

Côté interprètes, parmi les favoris, l'actrice allemande Sandra Hüller ("Anatomie d'une chute"), Hafsia Herzi ("Le ravissement"), Romain Duris ("Le règne animal") ou la révélation de l'année Raphaël Quenard, à la fois comme meilleur espoir (pour "Chien de la casse") et comme meilleur acteur (pour "Yannick"). Des César d'honneur doivent être remis à l'actrice et réalisatrice Agnès Jaoui, qui a raconté publiquement avoir été victime de violences sexuelles dans son enfance, et au cinéaste américano-britannique Christopher Nolan ("Oppenheimer").

 

Avec AFP

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