De Gaulle était plutôt Tour de France. Il en aimait l’épopée individuelle et l’esprit de résistance. Giscard, président des « seventies », années de la société de consommation et des loisirs, préférait le ski et le tennis, ces sports bourgeois en voie de démocratisation. Mitterrand, lui, fut plus ambivalent. Aucun témoignage ne relate d’une connaissance approfondie ni même d’une grande passion pour le sport (le golf excepté), même si, bien sûr, il ne manqua aucun des champions de son époque, de Yannick Noah à Michel Platini.
S’il avait vraiment fallu choisir, cet amoureux de Latche, dans les Landes, et d’Hossegor, au Pays basque, aurait plutôt choisi le rugby. Jamais, en tout cas, il n’aurait embrassé le crâne d’un joueur comme le fit un jour son successeur, Jacques Chirac. Question de hauteur, de distance et d’une certaine idée – trop monarchique, selon ses détracteurs – de la fonction. Mais il prit quelques mesures qui transformèrent le football national. C’est sur son injonction que naquit Canal+, qui allait radicalement modifier la visibilité des matchs et l’économie des droits télé en France.
A ses yeux, le foot était un peu d’huile de coude dans la politique. Le 27 juin 1984, le président socialiste assista ainsi, au Parc des Princes, à la victoire de la France sur l’Espagne, en finale du Championnat d’Europe, mais dans la foulée, il partit à Madrid discuter de l’entrée du pays vaincu dans le marché commun. Et comment oublier que c’est lui qui bombarda au gouvernement, huit ans plus tard, le patron de l’OM, Bernard Tapie ? Ce n’est qu’après lui que les présidents de la République ont véritablement plongé dans les vestiaires. Cela n’a pas forcément à voir avec la réalité de leurs connaissances, mais tout avec l’explosion de l’impact de ce sport sur l’opinion.
En pleine cohabitation
Jacques Chirac, par exemple, n’y connaissait rien. Tout le monde se souvient, ou presque, que pendant le Mondial 1998, lorsque fut annoncée la composition des Bleus, les caméras braquées sur lui révélèrent qu’il ne savait pas la moitié des noms hurlés par le stade. Cela n’eut aucune importance pour la suite.
La France « black-blanc-beur », incarnée par Dessailly ou Zidane, pouvait bien être adorée, le Front national a continué sa progression
La France était en pleine cohabitation. Un an plus tôt, la dissolution de l’Assemblée, décidée à contretemps par ce même Jacques Chirac, l’avait non seulement contraint à choisir un premier ministre socialiste, Lionel Jospin – un connaisseur, lui –, mais coupé d’une partie de son électorat traditionnel. A l’Elysée, une armada de communicants se mit à commander des sondages qualitatifs : des électeurs, observés derrière un miroir sans tain, y livraient ce qu’ils pensaient de ce président désormais sans pouvoir. « Incompétent », « dépassé », il n’y avait pas grand-chose pour le sauver. Sauf un qualificatif : « sympathique »…
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