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Dauphins échoués : le Conseil d’Etat ordonne la fermeture de zones de pêche

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Alors que 400 cadavres de mammifères marins ont été retrouvés sur les plages de l’Atlantique depuis décembre, le Conseil d’Etat suit la requête des ONG Sea Shepherd France, Défense des Milieux Aquatiques et France Nature Environnement et demande la fermeture de zones de pêche sous six mois.
par LIBERATION et AFP
publié le 20 mars 2023 à 15h08

Le Conseil d’Etat a entendu l’urgence. La plus haute juridiction administrative s’est prononcée ce lundi sur le sort des dauphins, qui s’échouent en masse sur les côtes atlantiques, et a donné raison aux associations de protection de la nature. «Le Conseil d’État ordonne aujourd’hui au Gouvernement de prendre des mesures, dans un délai de 6 mois, pour limiter les captures accidentelles des petits cétacés par les activités de pêche dans le golfe de Gascogne», écrit l’institution dans un communiqué. Et parmi ces mesures, le Conseil d’Etat demande des dispositions de «fermeture de la pêche appropriées sous six mois, en complément des dispositifs de dissuasion acoustique».

Sea Shepherd France, Défense des Milieux Aquatiques ainsi que France Nature Environnement avaient déposé des recours au Conseil d’Etat en 2021 et demandaient que le gouvernement suive «les recommandations scientifiques et [prenne] les mesures d’urgence indispensables à la survie de la population de dauphins». A savoir «une fermeture temporaire des zones de pêche aux chalutiers et fileyeurs, impliqués dans la capture d’en moyenne 10 000 dauphins chaque année».

Ces mesures étaient réclamées par les ONG depuis 2018, mais l’État y opposait un refus systématique, une violation «du principe constitutionnel de précaution et de la Directive Habitats qui impose que les espèces soient rétablies et maintenues dans un état de conservation favorable», selon les associations. Pour la première fois, le rapporteur public en charge du dossier devant le Conseil d’Etat donnait raison aux ONG.

«Estimer de manière plus précise le nombre de captures annuelles de petits cétacés»

Un avis suivi par l’institution pour son jugement final, qui relève que les «dispositifs de dissuasion acoustique» équipant les bateaux de pêche «ne permettent pas de garantir un état de conservation favorables des espèces de petits cétacés» dont deux - le dauphin commun et le marsouin commun - sont menacées d’extinction, «au moins régionalement». Au-delà des mesures de fermetures temporaires, le Conseil d’Etat ordonne aussi «que, sous six mois, des mesures complémentaires soient prises pour permettre d’estimer de manière plus précise le nombre de captures annuelles de petits cétacés, notamment en poursuivant le renforcement du dispositif d’observation en mer».

Jusqu’ici l’État français souhaitait la généralisation de répulsifs acoustiques sur les bateaux de pêche, censés éloigner les mammifères marins des embarcations et des filets. «Un remède pire que le mal», pour Sea Shepherd France. «Les cétacés sont extrêmement sensibles à la pollution sonore et les répulsifs acoustiques déployés sur plusieurs milliers de kilomètres carrés au cœur de leur zone de nourrissage, vont donc affecter leur capacité à se nourrir, communiquer, s’orienter, se reproduire…»

Autre solution préconisée par le gouvernement : l’installation de caméras embarquées à bord des navires de pêche. Une mesure primordiale selon Sea Shepherd France, qui déplore tout de même que seuls 100 fileyeurs seraient équipés d’ici la fin de l’année 2023. «Ces caméras sont des mesures indispensables pour obtenir une connaissance transparente et réaliste des captures par les engins de pêche. Il existe pourtant une obligation à la charge des pêcheurs de déclarer chaque capture mais seule une infime partie des captures (moins de 5 %) font l’objet d’une déclaration.»

Entre 5 000 et 10 000 cétacés piégés annuellement

Plus de 400 cadavres de mammifères marins ont été retrouvés sur les plages françaises depuis décembre 2022. «Un nombre beaucoup plus important ne seront jamais découverts», affirme l’ONG la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). Certains pêcheurs, s’alarment les collectifs de défense de la nature, éventrent les dauphins pour faire couler les cadavres en mer.

L’observatoire Pelagis du CNRS, vigie des échouages des animaux marins, estime qu’entre 5 000 et 10 000 cétacés sont piégés annuellement dans les eaux françaises par les filets de bateaux de pêche, où ils meurent d’asphyxie. «Cette odieuse hécatombe, qui se reproduit chaque hiver, se révèle encore plus précoce et plus intense cette année», tempête la LPO. Après des années de surmortalité en raison de la pêche, la population de dauphins du golfe de Gascogne est réduite à environ 40 % de sa taille d’origine, selon les scientifiques.

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