TRANSPORTLe tout premier cargo à voiles au monde va transporter Ariane 6

Pour transporter Ariane 6, Canopée, premier cargo à voiles au monde, « ouvre la voie à la décarbonation »

TRANSPORTLe tout premier cargo hybride à voiles au monde, Canopée, qui servira au transport des éléments d’Ariane 6 vers la Guyane, a été inauguré ce jeudi à Bordeaux
Passage du navire Canopée sous le pont Chaban-Delmas à Bordeaux, le 3 octobre dernier.
Passage du navire Canopée sous le pont Chaban-Delmas à Bordeaux, le 3 octobre dernier. - PHILIPPE LOPEZ  / AFP
Mickaël Bosredon

Mickaël Bosredon

L'essentiel

  • Ce navire d’Arianegroup va servir à transporter l’ensemble des éléments d’Ariane 6 jusqu’au pas de tir à Kourou, où ils seront assemblés avant le lancement de la fusée.
  • Canopée a été officiellement inauguré ce jeudi à Bordeaux, avant d’entamer, dans les prochains jours, son tout premier voyage commercial avec ses voiles.
  • Le navire hybride doit permettre d’économiser 30 % de carburant grâce à ses voiles.

C’est l’attraction de la semaine sur les quais de Bordeaux. Amarré face à la place des Quinconces, le cargo Canopée, avec ses mâts de 37 mètres de haut, interpelle passants, joggeurs, et cyclistes. Et il y a de quoi, puisqu’il s’agit du premier cargo commercial hybride, intégrant des voiles, au monde.

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Ce navire d’Arianegroup va servir à transporter l’ensemble des éléments d’Ariane 6 jusqu’au pas de tir à Kourou, où ils seront assemblés avant le lancement de la fusée. Après son passage sous le pont Chaban mardi dernier, Canopée a été officiellement inauguré ce jeudi à Bordeaux, avant d’entamer prochainement son tout premier voyage commercial avec ses voiles.

28 jours pour effectuer une rotation complète

Canopée quittera le port de la lune ce vendredi pour filer vers Brême en Allemagne. C'est de là que débutera, lorsque tous les éléments d'Ariane seront prêts et qualifiés, la rotation entre les différents ports européens et la Guyane. A Brême, le navire chargera la partie supérieure du lanceur. A Rotterdam il chargera les demi-coiffe, soit le nez de la fusée qui protège le ou les satellites embarqués, et qui arrivent par voie fluviale depuis la Suisse. Au Havre, il embarquera la partie centrale, soit la plus grosse partie du lanceur qui arrive des Mureaux et de Vernon. Enfin à Bordeaux, au port de Grattequina exactement, il récupèrera le carburant et la propulsion du lanceur, éléments en provenance des sites Arianegroup de Saint-Médard-en-Jalles et du Haillan.

Le cargo Canopée sur les quais de Bordeaux, le jeudi 5 octobre.
Le cargo Canopée sur les quais de Bordeaux, le jeudi 5 octobre. - Mickaël Bosredon

Une rotation complète, retour compris, doit durer environ 28 jours à vitesse maximale. Pour l'instant, la date du premier voyage d'Ariane pour son vol inaugural n'est pas encore connue.

« Disrupté par les Américains comme Space X »

« Le bateau a été pensé pour le transport de ce nouveau lanceur » explique Christophe Caralp, directeur de la chaîne d’approvisionnement d’Arianegroup. « Nous avons été disruptés par nos amis américains comme Space X, nous avons donc aujourd’hui un enjeu de compétitivité, c’est pour cela que nous avons revu l’ensemble des logiques industrielles, et notamment des flux de transport et de logistique, ce qui nous a amenés à ce projet Canopée qui fait partie de l’ensemble du projet Ariane 6. »

Le coût global d’Ariane 6 doit être diminué de 50 % par rapport à Ariane 5. Dans ce schéma, le navire hybride doit permettre d’économiser 30 % de carburant grâce à ses voiles. Il va aussi optimiser ses rotations. « Le bateau va transporter le lanceur dans son intégralité, quand il fallait un bateau et demi pour transporter Ariane 5 » explique Arthur Landormy, responsable des opérations chez Alizés, la compagnie qui a obtenu le contrat avec Arianegroup pour le transport d’Ariane 6 des quinze prochaines années. L’objectif sera d’acheminer neuf lanceurs par an jusqu’à Kourou.

Des essais qui ont permis de propulser le navire à 9,4 nœuds avec les voiles

D’une longueur de 121 mètres, pour 22 mètres de large, ce navire ne possède que 3,80 mètres de tirant d’eau, et monte en revanche jusqu’à 50 mètres de tirant d’air dont 37 mètres de mats. « Nous aurions aimé aller plus haut, mais nous étions limités pour devoir passer sous les ponts de Tancarville et Chaban-Delmas [lorsque ce sera nécessaire] » explique encore Arthur Landormy.

Canopée a été divisé en trois niveaux de chargement : le pont mezzanine transporte le carburant, soit 565 tonnes de perchlorate d’aluminium, le pont principal les plus gros éléments du lanceur, et le dernier pont, tout en bas, les boosters, c’est-à-dire la propulsion de la fusée. L’ensemble représente quelque 1.500 tonnes, dont un tiers pour le carburant.

Après l’installation des voiles sur le navire, fin juillet, à Ouistreham (Calvados) au plus près de la start-up Ayro qui a conçu ce système d’ocean wings, « nous avons réalisé deux mois d’essais, dans différentes conditions de vent et de courant », explique le président de l’armateur Jifmar, Jean-Michel Berud. « Les premiers retours sont très positifs, puisque la semaine dernière nous avons même réussi à stopper les deux lignes propulsives, la force du vent nous permettant de nous propulser à 9,4 nœuds. C’est quelque chose que nous ne ferons jamais en opération commerciale, car nous aurons toujours besoin de garder le bateau maître, mais cela veut dire que nous pourrions couper une ligne et mettre la deuxième à 30 % de la vitesse nécessaire. » De quoi dépasser les objectifs fixés ? « Pour l’instant on part sur 30 % d’économie de carburant, c’est déjà assez ambitieux, mais nous espérons, pourquoi pas, aller plus loin. »

« Nous pourrons rallonger notre route pour aller chercher les vents »

Les voiles « vont changer notre manière de naviguer », embraye Arthur Landormy, « puisque nous devrons tenir davantage compte, par exemple, de la météo. On ne fera plus forcément la ligne droite, ou la ligne plus courte, mais nous irons chercher les vents, en l’occurrence les alizés, les plus porteurs, en fonction des caractéristiques du navire. Nous pourrons donc rallonger notre route pour aller chercher ces vents, et pour cela nous utilisons le même logiciel de routage que les coureurs qui font le Vendée Globe. »

Pour le système vélique, c’est vers les bateaux de la Coupe de l’America que les concepteurs ont regardé, « dans le but d’obtenir l’aile la plus parfaite avec le plus de portance. » Chacune des quatre ailes représente une surface de 360 m2, montées sur des mats qui tournent à 360° « pour augmenter l’accessibilité des différents endroits sur le pont au moment du chargement. » Il faut dix minutes pour hisser les voiles, dans un système entièrement automatisé.

Le navire est donc désormais prêt à démarrer sa vie commerciale. « C’est un moment historique, salue Jean-Michel Bérud. Canopée est une nouvelle génération de navire qui ouvre la voie à la décarbonation. » Même s’il faut tout de même compter un surcoût de « 15 à 17 % pour le système vélique », évalue le président de Jifmar, qui ne sera pas amorti « avant une dizaine d’années. »

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