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Fiscalité

Sanctions durcies, effectifs renforcés: le plan du gouvernement pour lutter contre la fraude fiscale

Le ministre délégué aux Comptes publics, Gabriel Attal, présente ce mardi son plan de bataille contre la fraude fiscale. Objectif: concentrer les efforts sur les affaires les plus graves et alléger la pression sur les petits fraudeurs.

Pilier de la stratégie gouvernementale de rétablissement des finances publiques, aux côtés de la croissance et de la maîtrise des dépenses publiques, la lutte contre la fraude fiscale a permis à l'Etat de récupérer le montant record de 14,6 milliards d'euros d'impôts et pénalités en 2022.

Mais l'exécutif souhaite aller encore plus loin alors que le ministre délégué aux Comptes publics, Gabriel Attal, présente ce mardi son nouveau plan de bataille pour renforcer l'efficacité des services de la Direction générale des Finances publiques chargés de traquer les fraudeurs fiscaux.

Attendu de longue date, ce plan actera selon nos informations la création en 2025 d'un observatoire permettant de mieux connaître l'ampleur de la fraude fiscale, aujourd'hui estimée entre 30 et 100 milliards d'euros. Ce conseil d'évaluation sera composé d'experts et de parlementaires qui auront pour mission de faire des évaluations sincères.

Règles durcies et effectifs renforcés

La philosophie principale du plan du gouvernement est de concentrer les efforts contre les plus gros fraudeurs et d'alléger à l'inverse la pression sur les plus petits alors que 80% des droits redressés sont le fait de 10 à 15% de dossiers. "Notre priorité: faire payer ce qu’ils doivent aux ultrariches et aux multinationales qui fraudent. (...) Chaque fraude est grave, mais celle des plus puissants est impardonnable", assure Gabriel Attal dans Le Monde.

Pour ce faire, le gouvernement entend augmenter de 25% d'ici à la fin du quinquennat le nombre de contrôles fiscaux sur les plus gros patrimoines. En outre, les 100 plus grandes capitalisations boursières feront l'objet d'un contrôle fiscal tous les deux ans. Cela passera par un renforcement des effectifs. 1500 agents supplémentaires (dont 40 officiers judiciaires) vont ainsi travailler à la lutte contre la fraude fiscale d'ici 2027, date à laquelle ils seront 11.500, 15% de plus qu'aujourd'hui.

Autre mesure: le durcissement des règles pour lutter contre les fraudes les plus graves. En abaissant par exemple le seuil de chiffre d'affaires à partir duquel les multinationales doivent déclarer leurs prix de transfert à l'administration. Elles devront aussi justifier la manière dont elles construisent ces prix de transfert. Certains schémas d'optimisation légale situés aujourd'hui dans la fameuse zone grise pourraient désormais devenir illégaux.

Le plan de Gabriel Attal doit également aboutir à la création d'un véritable service de renseignement fiscal sur le même fonctionnement que la DGSI. Composée de 100 agents qui seront formés d'ici à la fin du quinquennat, cette cellule pourra recruter des sources humaines travaillant pour des institutions financières, et les rémunérer en échange d'informations. Pour détecter les grandes fraudes internationales et sortir les futurs "Panama papers" made in Bercy, elle pourra utiliser les techniques du renseignement comme les écoutes, la captation de données, ou encore la pose de balises.

Des sanctions plus dures contre les gros fraudeurs

Le plan du gouvernement prévoit de renforcer les sanctions contre les plus gros fraudeurs, par exemple lorsqu'il y a dissimulation d'avoirs à l'étranger. Aux côtés du ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, Gabriel Attal entend travailler à une sanction d'indignité fiscale et civique. En clair, une personne qui aurait commis une fraude fiscale aggravée pourrait être privée de toute réduction ou crédit d'impôt et de son droit de vote pendant une certaine durée. Le ministre délégué aux Comptes publics va toutefois saisir le Conseil d'Etat pour s'assurer que cette mesure est conforme à la Constitution.

Parmi les autres mesures annoncées: les condamnations pour fraude fiscale sans peine de privation de liberté devraient désormais s'accompagner de travaux d'intérêt général. Un délit d'incitation à la fraude fiscale, passible de trois ans d'emprisonnement et d'une sanction pécuniaire, sera enfin créé afin de poursuivre les intermédiaires comme les cabinets d'optimisation fiscale qui fournissent des kits juridiques clés en main pour frauder.

Si le gouvernement prévoit de renforcer les sanctions contre les gros fraudeurs, il veut à l'inverse alléger la pression sur les contribuables des classes moyennes et patrons de PME. A cet égard, un plan de régularisation massif, en lieu et place de contrôles, sera lancé. 200 agents y seront dédiés. Le ministre souhaite aussi mettre en place une remise de pénalité automatique pour la première erreur. De plus, si l'administration se trompe, elle devra verser une indemnité au contribuable en dédommagement.

Création d'une COP fiscale

Enfin, Bercy se fixe l'objectif de réussir à établir un cadastre financier international pour savoir qui possède quoi, où et comment. La France proposera par ailleurs l'organisation du COP fiscale, à l'image de ce qui existe déjà sur les sujets climatiques.

Les mesures du plan de lutte contre la fraude fiscale devraient être intégrées dans des textes réglementaires, dans le projet de loi sur les douanes et dans les textes budgétaires, mais certaines mesures nécessiteront peut-être la rédaction d'un texte ad hoc. Un second plan, cette fois consacré à la lutte contre la fraude sociale, sera présenté d'ici à la fin du mois de mai.

Nathan Cocquempot, Gaëtane Meslin et Paul Louis