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Mobilisation

Des centaines de travailleurs sans-papiers se mettent en grève dans plus de 30 entreprises en Ile-de-France

Environ 500 travailleurs sans-papiers ont lancé ce mardi 17 octobre une grève dans 33 entreprises d’Ile-de-France pour demander leur régularisation.
par LIBERATION et AFP
publié le 17 octobre 2023 à 12h26

Ils vivent ici, ils bossent ici, ils veulent rester ici en règle. Des centaines de travailleurs sans papiers ont enclenché ce mardi 17 octobre un mouvement de grève dans une trentaine d’entreprises en Ile-de-France pour réclamer leur régularisation, à trois semaines de l’examen du projet de loi immigration qui doit aborder ce sujet épineux. Ils sont environ 500, essentiellement originaires d’Afrique, à avoir pénétré peu après 9 heures dans trente-trois entreprises du bâtiment, de la logistique, du nettoyage ou encore de la distribution où ils sont employés, principalement à Paris et en Seine-Saint-Denis.

A quelques pas du Stade de France, trente-quatre d’entre eux se sont introduits au siège d’une entreprise d’intérim à Saint-Denis, pour le compte de laquelle ils sont employés comme éboueurs ou comme ouvriers du bâtiment, notamment sur les chantiers des Jeux olympiques et du Grand Paris. Accompagnés par des militants syndicaux, ils ont déployé une banderole de la CGT et promis d’occuper les locaux jusqu’à leur «régularisation».

La majorité des grévistes travaillent sous le statut d’intérimaires pour des sous-traitants, «au bénéfice» de géants comme Veolia, Chronopost ou encore Carrefour, ce qui «permet de masquer la surexploitation» de ces sans-papiers, a dénoncé dans un communiqué la CGT, qui soutient leur action. «Nous sommes en grève dans nos entreprises pour gagner notre régularisation et nos droits», ont assuré les intéressés dans ce texte. «Cette grève va démontrer que les immigrés font tourner la société française», se félicite Jean-Albert Guidou, responsable du sujet à la CGT. Cela, espère-t-il, «va peser dans le débat autour du projet de loi immigration», dont l’examen parlementaire doit démarrer le 6 novembre. La mesure phare du texte concerne un projet de titre de séjour réservé aux «métiers en tension».

7 000 à 10 000 régularisations chaque année

Le syndicat y est ouvert, à condition que la liste ne soit pas «restrictive», alors que la circulaire dite «Valls» permet déjà de régulariser tous métiers confondus. «Le problème, c’est le pouvoir discrétionnaire des préfets, qui l’appliquent chacun à leur sauce», observe le syndicaliste. Chaque année, 7 000 à 10 000 travailleurs sont régularisés par ce biais. Insuffisant, proteste la CGT, qui estime cette main-d’œuvre à plusieurs centaines de milliers de personnes.

En Ile-de-France, les immigrés représentent «40 à 62 % des travailleurs des branches de l’aide à domicile, du BTP, de l’hôtellerie-restauration, du nettoyage, de la sécurité et de l’agroalimentaire», insiste le syndicat, espérant que l’action prenne une ampleur similaire au mouvement de la fin des années 2000. A l’époque, plusieurs grèves avaient permis une vague de régularisations. Dans la foulée entrait en vigueur la circulaire de 2012, qui en définit toujours les critères : avoir vingt-quatre fiches de paie, une promesse d’embauche, justifier de trois ans de présence sur le territoire.

«On veut faire bouger les choses», galvanise Mamadou Kébé, qui a obtenu sa régularisation après un an de grève entre octobre 2008 et 2009. «Ces travailleurs doivent pouvoir jouir des droits pour lesquels ils cotisent et payent des impôts», juge celui qui pilote désormais le collectif immigration de la CGT 93. Boubacar Samassa est l’un des grévistes. Le longiligne homme de ménage travaille pour la même entreprise de nettoyage sous trois «alias» différents, c’est-à-dire avec les identités d’autres personnes.

«Pas assez pour vivre»

«Je signe un papier le jour où je travaille. On me dépose sur un site, je fais le ménage, on me donne un solde de tout compte et je repars. Si je demande un contrat, ils ne me reprennent plus», raconte le Mauritanien de 31 ans, en grève à Romainville (Seine-Saint-Denis). Avec ces quelques heures, il récolte entre 400 et 600 euros par mois. «Pas assez pour vivre», assure-t-il, «mais ils savent qu’on n’a pas le choix».

Il y a une «hypocrisie» à ne pas donner de papiers aux travailleurs, déplore Daouda Camara, 38 ans, gréviste à Villepinte (Seine-Saint-Denis). Être sans-papiers, clame cet autre Mauritanien, c’est «stresser en allant au travail, de peur d’être contrôlé, stresser au travail, parce que le patron peut nous virer pour un rien, stresser en rentrant du travail, en espérant ne pas prendre une OQTF», une obligation de quitter le territoire français. Pour toutes ces raisons, dit-il, «on ne doit pas louper cette grève».

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