Le Portugais Antonio Costa avait pris quatre chemises et espérait que la réunion des chefs d’Etat et de gouvernement européens, qui a commencé jeudi 14 décembre, ne durerait pas au-delà de dimanche. L’Estonienne Kaja Kallas était prête à discuter jusqu’à Noël. Quant au président français, Emmanuel Macron, il avait un engagement vendredi soir à Paris mais pouvait s’en libérer. Finalement, contre toute attente, jeudi à 18 h 25, un tweet du président du Conseil, Charles Michel, est tombé, annonçant que les Européens avaient « décidé d’ouvrir les négociations d’adhésion de l’Ukraine ».
Dans la foulée, Volodymyr Zelensky a immédiatement réagi : « C’est une victoire pour l’Ukraine. Une victoire pour toute l’Europe. Une victoire qui motive, inspire et renforce. » Alors que la contre-offensive ukrainienne est dans l’impasse, que les Etats-Unis se déchirent sur la poursuite de leur aide à Kiev, sur fond de conflit meurtrier entre Israël et le Hamas, le président ukrainien redoutait un revers supplémentaire à Bruxelles, dont Vladimir Poutine n’aurait pas manqué de tirer parti.
Quant aux dirigeants européens, ils voulaient préserver l’unité de mise depuis le retour de la guerre sur le continent. « Ce que nous décidons ou pas est un message clair à Moscou, Kiev, Washington et Pékin », avait prévenu, en arrivant au Conseil, Petteri Orpo, le premier ministre finlandais. La confrontation avec la Russie a également incité les Vingt-Sept à ouvrir les négociations d’adhésion avec la Moldavie et la Bosnie-Herzégovine, ainsi qu’à accorder le statut de candidat à la Géorgie.
Abstention constructive
Depuis des semaines, Viktor Orban menaçait de mettre son veto à l’ouverture des pourparlers d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne (UE), arguant qu’elle est « corrompue », « en guerre » et que son entrée déstabiliserait l’édifice communautaire. Au moment de la décision, le premier ministre hongrois est pourtant sorti de la salle et a laissé ses vingt-six homologues aller de l’avant sans lui. De mémoire de diplomate, cette forme d’abstention constructive, « c’est du jamais-vu ». Rien à voir, donc, avec la politique de la chaise vide menée par la France de Charles de Gaulle, au mitan des années 1960, qui avait au contraire paralysé les institutions.
Cette fois, c’est Olaf Scholz, le chancelier allemand, qui, à la table des Vingt-Sept, a proposé cet arrangement, alors que les discussions étaient pour le moins laborieuses. « Orban était ravi de cette proposition, il a accepté tout de suite », confie un diplomate européen. Le dirigeant illibéral peut ainsi rentrer à Budapest la tête haute et dire à ses concitoyens, comme il l’a aussitôt déclaré dans une vidéo postée sur X jeudi soir, que « la Hongrie n’a pas participé à cette mauvaise décision ». L’ouverture des négociations, y explique-t-il, est « irrationnelle » et « un non-sens ».
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