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Contrat nord-sud

Nouveau pacte financier : à Paris, les États en ordre de marche pour la "solidarité climatique"

Une cinquantaine de chefs d'État, des représentants d'institutions internationales et de la société civile se réunissent à Paris jeudi et vendredi à l'initiative d'Emmanuel Macron. Leur objectif : imaginer un nouveau système financier mondial pour mieux armer les États les plus vulnérables contre le dérèglement climatique et la pauvreté.

Le président Emmanuel Macron donne un discours lors de la COP27 en Egypte, le 7 novembre 2022.
Le président Emmanuel Macron donne un discours lors de la COP27 en Egypte, le 7 novembre 2022. © Ludovic Marin, AFP
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Un "sursaut de solidarité" des pays riches envers les pays les plus vulnérables au dérèglement climatique. Une cinquantaine de chefs d'État et de gouvernement, des représentants des institutions financières internationales, des membres du secteur privé, des experts du climat et des membres de la société civile se réunissent jeudi 22 juin, à Paris, à l'initiative du président Emmanuel Macron avec un objectif ambitieux : "bâtir un nouveau contrat entre le Nord et le Sud", selon les mots de l'Élysée.

Le chef de l'État avait annoncé ce projet en novembre 2022 à l'issue de la COP27. La session de négociations pour le climat s'était conclue avec un goût d'inachevé pour les défenseurs de l'environnement. Dans les dernières heures, un accord historique avait été arraché sur le fil prévoyant la mise en place d'un fonds de réparation des dégâts climatiques subis par les pays pauvres. Pour ce "sommet pour un nouveau pacte financier", il était donc initialement question de décider concrètement du mécanisme de financement de cette mesure. "Désormais, la bataille contre la pauvreté, la décarbonation de notre économie et la lutte pour la biodiversité sont très liées ensemble", avait alors affirmé Emmanuel Macron.

Mais au fil des mois, face aux conséquences conjuguées de la pandémie de Covid-19, de la guerre en Ukraine et du dérèglement climatique, et alors que les pays du Sud se trouvent étranglés face à une inflation galopante, les enjeux se sont élargis. Au palais Brongniart, les centaines d'acteurs mobilisés tenteront ainsi de poser les jalons d'une refonte de tout le système financier mondial, en adaptant les institutions de Bretton Woods issues de l’après-guerre – le Fonds monétaire international (FMI et la Banque mondiale), aux défis d’aujourd’hui. 

"Nous œuvrons de manière urgente afin que notre système en fasse plus pour les populations et pour la planète", ont assuré mercredi 21 juin 13 responsables politiques, dont Emmanuel Macron, Joe Biden,  le chancelier allemand Olaf Scholz, la Première ministre de la Barbade Mia Mottley, le Premier ministre britannique Rishi Sunak ou encore le président du Brésil Luiz Inacio Lula da Silva, dans une tribune publiée dans le quotidien Le Monde. Tous s'engagent ainsi à "avancer sur des mesures concrètes" pour une "transition écologique juste et solidaire".

Des besoins financiers colossaux

Car les besoins financiers des pays du Sud sont colossaux. Un groupe d'experts indépendants sur le financement de la lutte contre le changement climatique, créé sous l'égide des Nations unies, a estimé en 2022 que les pays en développement – autres que la Chine – devront dépenser plus de 2 000 milliards de dollars par an d'ici à 2030 pour leur développement et pour répondre à la crise du climat et de la biodiversité. 

De son côté, l'ONG Oxfam estime que 27 000 milliards de dollars devront être mobilisés pour "lutter contre la pauvreté, les inégalités et faire face aux changements climatiques dans les pays en développement" d'ici à 2030, soit environ 3 900 milliards de dollars par an. La Banque mondiale, elle, dans son plan d'action sur le climat de 2021 table sur 4 000 milliards de dollars par an jusqu'en 2030 d'investissements nécessaires pour construire les infrastructures répondant aux besoins des pays en développement. Quel que soit le montant pris en compte, le compte est loin d'y être. 

Lors de ce "sommet pour un nouveau pacte financier mondial", les États ne mettront pas la main au porte-monnaie mais devraient discuter des moyens de financements les plus efficaces. Et les premiers à l'ordre du jour sont ceux issus d'engagements déjà établis. "Les pays développés s'étaient déjà engagés à allouer 0,7 % de leur richesse aux pays en développement et à verser 100 milliards de dollars pour le climat. Mais pour le moment, ces fonds n'ont été que partiellement, voire jamais, distribués", a dénoncé Désiré Assogbavi, directeur de ONE pour l’Afrique Francophone lors d'une conférence de presse mardi 20 juin.  

En juin 2021, les pays du G20 ont aussi promis de réallouer aux pays en développement 100 milliards de dollars en droits de tirage spéciaux (DTS), une monnaie de réserve du FMI. Ces DTS sont proportionnels au capital d'un État, les pays riches en sont donc logiquement les plus gros détenteurs et avaient promis d'en redistribuer une partie.   

"Cette mesure s'est heurtée à un blocage dans la zone euro, mais cela pourrait être facilement résolu par une décision politique", explique l'activiste, appelant à ce que ce blocage soit levé "d'ici à la fin de l'année". "Au dernier jour du sommet, nous espérons que des mécanismes très clairs seront annoncés pour mettre en place chacun de ces engagements."

Taxes sur les grands pollueurs ou les transactions financières

En parallèle, il s'agira de réfléchir à de nouvelles sources de financements. Au sein de la société civile, plusieurs associations et ONG soumettent d'ores et déjà plusieurs pistes. Elles appellent, d'abord, à mettre en place des taxes sur les plus grands pollueurs, notamment les entreprises d’énergies fossiles, pointant du doigt "leur responsabilité historique dans le chaos climatique". Début juin, 12 associations ont ainsi lancé une pétition à destination d’Emmanuel Macron pour lui demander de taxer l’industrie fossile. Elles avaient obtenu plus de 24 000 signatures le 20 juin. "Cette taxe nous permettrait de lever jusqu'à 300 000 milliards de dollars", insiste Fanny Petitbon, responsable plaidoyer pour l'ONG CARE France. 

"Pourquoi pas, aussi, mettre en place une taxe sur les transactions financières qui engendrerait un gain de 440 milliards de dollars", questionne-t-elle. Le principe de cette taxe est simple : étant donné l’ampleur des transactions réalisées sur les marchés financiers, il suffirait d’appliquer une taxe à taux extrêmement faible pour lever des recettes fiscales importantes, sans qu’il n’y ait d’incidences sur le fonctionnement des marchés. 

Avant l'ouverture du sommet, seul un consensus semble émerger sur une taxation du transport maritime qui pourrait générer, selon la Banque mondiale, entre 60 et 80 milliards de dollars par an. "Le sujet pourrait se concrétiser en juillet lors de la réunion de l’Organisation maritime internationale", salue Fanny Petitbon. "Mais il restera encore à trancher la question de l'usage de l'argent. Si certains plaident pour qu'il aille aux pays en développement, d'autres appellent à ce qu'il serve à la décarbonation du secteur maritime."

Alléger les dettes

Outre la question majeure des financements, l'autre dossier à la table des discussions concernera la dette des pays en développement. "Le service de la dette des pays du Sud est au plus haut depuis la fin des années 1990 et 93 % des pays les plus vulnérables aux catastrophes climatiques sont en situation de surendettement, ou pas loin de l’être", déplore Lison Rehbinder, chargée de plaidoyer Financement du développement au sein de l'ONG CCFD-Terre Solidaire. "Aujourd'hui, les pays en crise sont contraints de rembourser leurs dettes aux États créanciers, aux institutions financières et aux banques privées et cela les empêche d'investir dans les services publics ou dans la lutte contre les dérèglements climatiques", dénonce-t-elle. 

Pour le moment, selon la chargée de plaidoyer, le projet discuté consisterait à instaurer des clauses dans les contrats de prêts qui permettraient de suspendre les remboursements en cas de catastrophe climatique. Une mesure adoptée exceptionnellement par le G20 pendant la pandémie, qui deviendrait automatique. "Mais il faut aller plus loin et réfléchir à une annulation d’ampleur de la dette", appelle-t-elle. "Il n'y a que cela qui permettra aux pays de sortir la tête de l'eau."

Un constat partagé par Harjeet Singh, chef de la stratégie politique mondiale chez Climate Action Network international. "Les pays les plus riches continuent d’octroyer aux pays du Sud essentiellement des prêts – en 2020, les dons ne représentaient que 26 % des financements climat engagés", déplore-t-il. "La lutte contre le dérèglement climatique doit rapidement sortir de cette logique de profits."

Autant de mesures, plaident les associations, qui ne seront envisageables que si les grandes banques multilatérales de développement, en premier lieu la Banque mondiale, se montrent plus audacieuses dans leur politique de prêt. 

Une feuille de route

La France reconnaît cependant que Paris n'aura "pas la capacité de décider" lors de ce sommet. Selon l'Elysée, il vise surtout à  établir une feuille de route pour les prochains mois. Une sorte de guide qui servira lors du prochain sommet du G20, en septembre prochain en Inde, pour les assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale en octobre, et bien sûr à la prochaine COP28 à Dubaï, début décembre. 

"Cet événement va permettre de mettre beaucoup de sujets importants au centre  des discussions internationales", salue Cécile Duflot, présidente de l'ONG Oxfam. "Malheureusement, il reste encore trop peu ambitieux alors qu'on ne peut plus attendre pour mettre en place des solutions d'ampleur." 

"Ce n'est pas l'argent qui manque mais la volonté politique. Les chefs de gouvernement doivent désormais prendre leurs responsabilités", abonde de son côté Fanny Petitbon. "Car au-delà des financements, il s'agit ni plus ni moins que de reconstruire la confiance entre les pays du Nord et du Sud."

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