BFMTV
Police-Justice
Alerte info

Cabinets de conseil: le PNF ouvre une enquête préliminaire pour blanchiment aggravé de fraude fiscale

Le parquet national financier a annoncé ce mercredi l'ouverture d'une enquête préliminaire pour blanchiment aggravé de fraude fiscale à la suite du rapport sénatorial sur le recours par le gouvernement à des cabinets de conseil privés.

Le parquet national financier a annoncé ce mercredi l'ouverture d'une enquête préliminaire pour "blanchiment aggravé de fraude fiscale" visant le cabinet McKinsey.

L'ouverture de cette enquête le 31 mars dernier, afin de procéder à des "vérifications" menées parle service d'enquêtes judiciaires des finances, fait suite à la publication d'un rapport sénatorial le 16 mars dernier. Dans ce document de 385 pages, la commission d'enquête du Palais Bourbon indiquait que les dépenses de l'Etat pour le recours à des cabinets de conseil avaient dépassé le milliard d'euros. Les sénateurs dénonçaient alors "un phénomène tentaculaire".

Le rapport faisait état ainsi d'une pratique qui était devenue "un réflexe" et ce "même lorsque l'État dispose déjà de compétences en interne". Les sénateurs parlaient même de "relation de dépendance" alors que les contrats avec ces cabinets de conseil ont plus que doublé entre 2018 et 2021.

Soupçons de fraude fiscale

Le cabinet de conseil américain McKinsey concentre aujourd'hui les interrogations alors qu'il a signé des contrats, entre autre, de 12,3 millions d'euros pendant la crise sanitaire liée au Covid-19 ou de 3,88 millions d'euros pour gérer la mise en oeuvre de la réforme des APL. Le cabinet est aujourd'hui soupçonné de ne pas avoir payé d'impôts en France pendant 10 ans, de 2011 à 2020, grâce à un système d'optimisation fiscale.

Le parquet national financier a ouvert cette enquête préliminaire au lendemain de la publication d'un article dans Le Canard enchaîné titré L'incroyable myopie du fisc français. L'hebdomadaire y faisait état d'un versement de l'intégralité des bénéfices de McKinsey France (dont le chiffre d'affaires est de 300 millions d'euros) à sa maison-mère basée aux Etats-Unis. Si cela est légal, l'entreprise doit se justifier auprès du fisc français. Ce qui n'aurait pas été fait dans le cas de McKinsey, faisant ainsi peser des soupçons de fraude fiscale.

"Les articles publiés sur ce sujet par des journalistes d’investigation (...) devraient en principe conduire le procureur de la République, qu’il s’agisse du parquet de Paris ou du PNF, à ouvrir une enquête préliminaire, comme il l’a récemment fait pour d’autres dossiers", signaient anonymement dans une tribune publiée ce mercredi matin dans Marianne plusieurs magistrats.

Une autre enquête pour "faux témoignage"

Une enquête est également déjà ouverte pour "faux témoignage" alors que le Sénat a saisi la justice le 24 mars estimant que l'un des dirigeant de McKinsey aurait menti devant la commission d'enquête en affirmant que sa société avait payé 422 millions d'euros d'impôts et de cotisations en 10 ans au fisc français.

McKinsey fait partie, avec JLL France et Citwell, des cabinets visés par une plainte déposée par l'association Coeur vide 19, association de victimes du Covid-19, à la fin du mois de mars. La plainte a été déposée pour "détournement de fonds publics, recel de détournements de fonds publics, favoritisme, recel de favoritisme, corruption et prise illégale d’intérêts".

"Il est permis de penser que la gestion de la crise sanitaire par des cabinets de conseil incompétents en matière médicale et sanitaire a été particulièrement mauvaise et que cette gestion déléguée a empêché qu’une politique publique efficace soit mise en place pour éviter la propagation du Covid-19", précise aussi le document.

Macron dénonce tout favoritisme

En pleine campagne présidentielle, les oppositions politiques au chef de l'Etat ont depuis demandé de manière répétée l'ouverture d'une enquête sur ce qu'elles considèrent comme du favoritisme dont la majorité macroniste ferait preuve au profit de ce cabinet de conseil, dont certains membres ont pu oeuvrer pour la Macronie, notamment lors de la présidentielle 2017.

"S'il y a des preuves de manipulation, que ça aille au pénal", a rétorqué dimanche 27 mars Emmanuel Macron à ceux qui lui reprochent ces nombreux contrats.

Le président candidat a estimé notamment que le non-paiement de l'impôt sur les sociétés par McKinsey s'expliquait par les règles fiscales en vigueur. La semaine dernière, le porte-parole du gouvernement a martelé qu’il n'y avait pas de scandale. "Cela fait des décennies que c’est utilisé, dans tous les pays", a affirmé Gabriel Attal sur RMC.

"Le gouvernement a fixé l’objectif de baisser de 15% les dépenses en 2022. Je crois qu’on a dépensé 40 fois moins que certains de nos voisins, comme le Royaume-Uni, en cabinets de conseil."
Justine Chevalier avec AFP