L'armée israélienne a pilonné samedi la bande de Gaza où des dizaines de personnes ont été tuées, les craintes s'amplifiant face à une possible offensive militaire contre la ville surpeuplée de Rafah qui abrite plus d'un million de déplacés palestiniens.

Sur le front diplomatique, le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken se rend dimanche au Moyen-Orient pour soutenir les tractations sur une nouvelle trêve entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas, en guerre depuis près de quatre mois. Il doit se rendre au Qatar, en Egypte, en Israël, en Cisjordanie occupée et en Arabie saoudite.

A quelques kilomètres au nord de Rafah, Khan Younès est aussi visée par des raids aériens et des tirs d'artillerie incessants, selon un journaliste de l'AFP. La ville, où se cachent selon Israël des dirigeants du Hamas, est en partie détruite par près de deux mois de combats acharnés.

Selon le ministère de la Santé du Hamas, classé organisation "terroriste" par Israël, les Etats-Unis et l'Union européenne, au moins 100 civils ont été tués dans la nuit dans le petit territoire assiégé, pour l'essentiel des femmes et des enfants.

L'armée israélienne a déclaré avoir tué "des dizaines de terroristes" dans le nord et le centre de Gaza ces dernières 24 heures.

"Nous sommes épuisés"

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Des Palestiniens reçoivent des rations alimentaires dans un camp de déplacés à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 2 février 2024

La guerre a été déclenchée le 7 octobre par une attaque sans précédent du Hamas sur le sol israélien, qui a entraîné la mort de plus de 1.160 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP à partir de données officielles israéliennes.

En riposte, Israël a juré d'"anéantir" le Hamas et a lancé une offensive militaire qui a fait 27.238 morts, en grande majorité des civils, selon le ministère de la Santé du mouvement islamiste.

La guerre a provoqué un exode de la population et plus de 1,3 million d'habitants, selon l'ONU, sur un total de 2,4 millions, sont désormais réfugiés à Rafah, qui comptait quelque 200.000 habitants avant le 7 octobre.

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Des Palestiniennes pleurent la mort de leurs proches dans un bombardement de l'armée israélienne à l'hôpital Najjar de Rafah, dans la bande de Gaza, le 3 février 2024

Les déplacés s'entassent dans des tentes ou des abris de fortune qui envahissent les rues de la ville où la frontière avec l'Egypte reste fermée. Menacés par les pénuries et les épidémies, ils ont vu les frappes israéliennes se multiplier.

"Nous souhaitons que cette guerre prenne fin car nous sommes épuisés. Nous espérons retourner chez nous, même si nos maisons sont en ruines", dit Abdelsalam Abou al-Shaar, qui a fui la ville de Gaza. "Nous sommes des civils sans défense. Pourquoi bombardent-ils tout le monde?".

"Atteindre Rafah"

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Une affiche géante avec les visages des otages enlevés par le Hamas lors de l'attaque de 7 octobre sur un mur de Jérusalem le 2 février 2024

L'offensive terrestre d'Israël, lancée le 27 octobre dans le nord de la bande de Gaza, s'est étendue au sud, à Khan Younès, début décembre.

Pour le ministre de la Défense israélien Yoav Gallant, Rafah est le prochain objectif. "Nous allons atteindre Rafah et éliminer les éléments terroristes qui nous menacent", a-t-il lancé jeudi.

"Rafah est une usine à désespoir et nous craignons ce qui va se passer ensuite", s'est alarmé vendredi un porte-parole du bureau de coordination des Affaires humanitaires (Ocha) de l'ONU, Jens Laerke.

En parallèle, les tractations se poursuivent pour parvenir à une seconde trêve, plus longue que celle d'une semaine qui avait permis fin novembre la libération d'une centaine d'otages retenus à Gaza en échange de Palestiniens détenus par Israël.

Quelque 250 personnes ont été enlevées et emmenées à Gaza le 7 octobre, selon Israël, et 132 otages sont toujours retenus. Parmi eux, 27 ont été déclarés morts par l'armée.

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Un homme transporte des sacs de farine distribués par les Nations unies à Rafah, dans la bande de Gaza, le 3 février 2024

Le chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, installé au Qatar, est attendu en Egypte pour discuter d'un projet d'accord élaboré par les médiateurs qatari, américain et égyptien.

Selon une source du Hamas, il prévoit d'abord une trêve de six semaines avec la libération de 200 à 300 Palestiniens détenus en Israël en échange de 35 à 40 otages.

Nouvelles frappes américaines

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Plusieurs centaines d'Israéliens ont manifesté le 3 février 2024 à Tel-Aviv pour réclamer le retour des otages enlevés par le Hamas le 7 octobre et retenus à Gaza

A Beyrouth, un responsable du mouvement palestinien, Oussama Hamdane, a souligné qu'il était prématuré de parler d'un accord sur une trêve. Le projet "est un accord-cadre qui a besoin d'être étudié", a-t-il dit.

Le Hamas, qui a pris le pouvoir à Gaza en 2007, exige un cessez-le-feu définitif. Ce que refuse le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu malgré la pression croissante des proches d'otages et de la communauté internationale.

A Tel-Aviv, plusieurs centaines de personnes ont encore manifesté samedi, réclamant le retour des otages et la démission du gouvernement.

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Sud de la bande de Gaza

Sur d'autres fronts dans la région, le porte-parole de l'armée Daniel Hagari a indiqué que les forces israéliennes avaient visé "plus de 3.400 cibles" du Hezbollah dans le sud du Liban et tué 200 "terroristes et commandants" depuis octobre. "Plus de 50 cibles" du Hezbollah en Syrie on été attaquées, a-t-il ajouté.

A la frontière israélo-libanaise, les échanges de tirs sont quotidiens entre le Hezbollah, un allié du Hamas, et l'armée israélienne.

Ailleurs dans la région, la Syrie et l'Irak ont dénoncé des frappes meurtrières menées contre des groupes pro-Iran sur leurs territoires par les Etats-Unis, en représailles à une attaque contre une base militaire américaine en Jordanie le 28 janvier qui a coûté la vie à trois soldats.

Samedi, les Etats-Unis, principal soutien d'Israël, ont procédé à de nouvelles frappes au Yémen, ciblant six missiles antinavires des Houthis "prêts à être lancés contre des navires en mer Rouge", où ces rebelles yéménites proches de l'Iran multiplient les attaques.