Publicité

Avec une production électrique au plus bas depuis 30 ans, la France a échappé au pire

Entre corrosion, crise sanitaire et risque de pénurie, la production électrique française a subi de nombreux chocs en 2022. L’Hexagone est devenu importateur net d’électricité, une première depuis 1980

Une vue générale montre les quatre tours de refroidissement et les réacteurs de la centrale nucléaire d'électricité de France (EDF) à Cattenom, en France, le 14 février 2022.  — © Pascal Rossignol / Reuters
Une vue générale montre les quatre tours de refroidissement et les réacteurs de la centrale nucléaire d'électricité de France (EDF) à Cattenom, en France, le 14 février 2022. — © Pascal Rossignol / Reuters

Jamais la France n’avait produit aussi peu d’électricité depuis 1992, mais le pays s’est montré «résilient» et a tenu le choc au cœur de l’hiver: le gestionnaire du réseau de transport d’électricité RTE a fait jeudi le bilan d’une année inédite, marquée par une production nucléaire et hydraulique historiquement faibles. En pleine crise énergétique mondiale, alimentée par des craintes de rupture en gaz depuis la guerre en Ukraine et la fermeture des gazoducs russes, la France a dû également affronter en parallèle une crise électrique inédite en 2022.

La production totale d’électricité du pays s’est en effet effondrée à «son plus bas niveau depuis 1992», quand la France comptait neuf millions d’habitants en moins qu’aujourd’hui, «en raison de la faible production nucléaire et hydraulique», a indiqué RTE dans un communiqué. Par rapport à 2021, cette production totale a baissé de 15%. Seulement 62,7% de l’électricité était d’origine nucléaire l’an dernier dans le pays, contre 69% en 2021 et plus de 70% auparavant en France, qui s’appuie sur son parc nucléaire pour fournir du courant depuis 50 ans.

Près d’une moitié du parc nucléaire indisponible

L’exploitant EDF a en effet dû affronter une crise industrielle liée à la découverte de corrosion sur des tuyauteries cruciales pour la sûreté des centrales nucléaires. Le groupe a enclenché une vaste campagne de contrôle et réparation, de quoi perturber un programme de maintenance déjà retardé par le Covid. Résultat: en 2022, entre corrosion et arrêts programmés, la moitié de ses 56 réacteurs s’est parfois retrouvée à l’arrêt au même moment, menaçant le pays de coupures électriques en plein hiver. Le parc nucléaire a eu un taux de disponibilité moyen de 54% sur l’année contre 73% en moyenne sur la période 2015-2019, a précisé RTE.

Lire aussi: EDF de plus en plus inquiet pour son parc nucléaire, en raison de problèmes de corrosion

Dans l’absolu, jamais aussi peu de térawattheures d’origine nucléaire n’avaient été produits depuis 1988, avant la fin de la construction du parc nucléaire, soit une production de 279 TWh en 2022, bien loin de l’époque où la France en produisait 430 TWh comme en 2005. Or la France ne pouvait pas non plus compter sur l’électricité de ses barrages, «en raison des conditions climatiques exceptionnellement chaudes et sèches», selon RTE. La production hydraulique a ainsi baissé de 20% par rapport à la moyenne 2014-2019.

Importatrice nette d’électricité

Malgré une crise énergétique sans précédent depuis le choc pétrolier des années 1970, «la France a montré sa résilience et sa sécurité d’approvisionnement a été garantie», a déclaré lors d’une conférence de presse Xavier Piechaczyk, président du directoire de RTE. La France, comme ses voisins européens, a eu de la chance avec un hiver doux qui a retardé l’allumage des radiateurs. Particuliers et entreprises, appelés depuis octobre à la sobriété par le gouvernement, ont aussi volontairement réduit leur consommation.

Le pays a donc évité le scénario noir de coupures électriques au cœur de l’hiver, les importations d’électricité et la remontée du parc nucléaire dès l’automne réussissant à combler le manque. Par rapport aux valeurs moyennes historiques (2014-2019), la consommation de l’année 2022 a reculé de 4,2% en 2022, une baisse essentiellement concentrée sur le dernier trimestre.

Lire aussi: En 2022, la consommation d’électricité a légèrement diminué en Suisse

Comme la production a baissé plus que la consommation, la France a dû compenser cette fragilité de l’équilibre entre l’offre et la demande en faisant tourner ses centrales à gaz et en recourant à l’électricité de ses voisins, sans pouvoir autant exporter qu’auparavant. Conséquence: la France, qui habituellement éclaire des millions d’Européens avec son énergie nucléaire abondante, est devenue importatrice nette d’électricité en 2022, une première depuis 1980 selon RTE.

Mais contrairement à des voisins européens, le pays n’a pas eu massivement recours au charbon qui n’a pesé qu’à hauteur de 0,6% dans la production électrique. «On peut affirmer que la sortie du charbon est quasiment effective en France», a souligné Maïté Jaureguy-Naudin, directrice statistiques et valorisation des données. «L’électricité produite en France en 2022 est restée à 87% d’origine décarbonée, contre environ 91% sur la période 2014-2021», a aussi précisé RTE.