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En Haïti, où le système de santé est « proche de l’effondrement » selon l’ONU, l’état d’urgence a été prolongé

Alors que les bandes criminelles ont pris le contrôle de larges zones de la capitale, réclamant le départ du premier ministre, un « arrêté instaurant l’état d’urgence sécuritaire sur toute l’étendue du département de l’Ouest », qui comprend Port-au-Prince, a été pris jeudi, pour une période d’un mois.

Le Monde avec AFP

Publié le 07 mars 2024 à 19h59, modifié le 08 mars 2024 à 08h00

Temps de Lecture 4 min.

Vue de l’hôpital Fontaine, trois jours après sa fermeture à la suite de l’accroissement de la violence des gangs dans le quartier de Cité-Soleil, à Port-au-Prince, Haïti, le 18 novembre 2023.

Les autorités haïtiennes ont prolongé, jeudi 7 mars, l’état d’urgence dans une partie du pays, dont sa capitale, Port-au-Prince. Alors que le contrôle de larges zones de la capitale est aux mains de bandes criminelles qui réclament le départ du premier ministre, Ariel Henry, un « arrêté instaurant l’état d’urgence sécuritaire sur toute l’étendue du département de l’Ouest », qui comprend Port-au-Prince, « pour une période d’un mois », a été publié au Journal officiel.

Un premier état d’urgence et un couvre-feu – difficilement applicable – avaient déjà été déclarés dimanche après l’attaque de prisons par des gangs ayant provoqué l’évasion de milliers de détenus. Un nouveau couvre-feu nocturne a également été décrété jeudi, et ce jusqu’à lundi, de 18 heures à 5 heures, dans le département de l’Ouest.

Le système de santé d’Haïti est « proche de l’effondrement », a également alerté le Bureau des Nations unies pour les affaires humanitaires (OCHA). « De nombreux établissements de santé sont fermés ou ont dû réduire drastiquement leurs opérations en raison d’une pénurie inquiétante de médicaments et de l’absence de personnel médical », a-t-il précisé, évoquant également des pénuries de sang, d’équipements médicaux ou de lits pour traiter les blessés par balle.

Washington souhaite une « transition urgente »

Le secrétaire d’Etat des Etats-Unis, Antony Blinken, s’est entretenu jeudi avec le premier ministre haïtien. Il a évoqué avec M. Henry le « besoin urgent d’accélérer la transition vers un gouvernement plus large et inclusif, qui comprenne bien plus de forces politiques, et qui ait l’ampleur nécessaire pour conduire le pays vers une période électorale », a expliqué Brian Nichols, haut responsable du département d’Etat, devant l’organisation Council of the Americas.

Le pays, actuellement sans président ni Parlement, n’a connu aucune élection depuis 2016 et Ariel Henry, nommé premier ministre par le président Jovenel Moïse juste avant son assassinat, en 2021, aurait dû quitter ses fonctions au début de février.

Le secrétaire d’Etat américain s’est également entretenu avec le président du Guyana, Mohamed Irfaan Ali, qui assure la présidence tournante de la Communauté des Caraïbes (Caricom), avec lequel il a évoqué la « diplomatie intensive » menée par le groupe pour répondre à la crise en cours. « Nous devons urgemment en faire plus », a plaidé Brian Nichols, déclarant que les « proportions humanitaires » du conflit « appellent à une réponse internationale, de la même manière que la communauté internationale répond aux défis en Ukraine ou à Gaza ».

Dix bâtiments de police détruits

La crise en Haïti « est plus qu’insoutenable pour le peuple haïtien », avait dénoncé, mercredi, le haut-commissaire des Nations unies pour les droits de l’homme, Volker Türk, tandis que le Conseil de sécurité de l’ONU a évoqué une situation « critique ». Alors que les administrations et les écoles restent fermées, beaucoup d’habitants tentent de fuir les violences.

Les bandes criminelles, qui contrôlent notamment les routes menant de Port-au-Prince au reste du territoire, s’en prennent ces derniers jours à des sites stratégiques du pays. Selon un décompte du Syndicat national de policiers haïtiens (Synapoha), depuis le début des attaques coordonnées des gangs, dix bâtiments de police ont été détruits et deux prisons civiles attaquées et vidées de leurs détenus.

Mercredi soir, une nouvelle antenne de police a été incendiée à Port-au Prince, a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) Lionel Lazarre, le coordinateur général du Synapoha, mais les policiers ont eu le temps de quitter les lieux avant l’attaque. Selon ce responsable syndical, l’assaut était planifié depuis le week-end.

Un influent chef de gang, Jimmy Chérizier, dit « Barbecue », a assuré mardi que si Ariel Henry ne démissionnait pas et si la communauté internationale continuait de soutenir le premier ministre, le pays allait « tout droit vers une guerre civile qui conduira à un génocide ». Ariel Henry était à l’étranger et n’est toujours pas parvenu à rentrer en Haïti, empêché notamment par l’absence de sécurité autour de l’aéroport international. Jeudi matin, il se trouvait toujours à Porto Rico, a déclaré à l’Agence Frace-Presse (AFP) le porte-parole de la police aux frontières de ce territoire américain des Caraïbes.

« Les autorités gouvernementales ont démissionné »

L’association Réseau national de défense des droits humains en Haïti (RNDDH) a dénoncé l’inaction de l’Etat haïtien face à ces violences. « Aujourd’hui, les constats sont patents : les autorités gouvernementales ont démissionné », écrit-elle dans un rapport, daté de mercredi. « Les rues de la capitale et de tout le département de l’Ouest sont livrées aux bandits armés. Et la population haïtienne est tout simplement abandonnée à son sort », ajoute l’association, qui déplore ainsi le fait que les policiers ont « abandonné les rues ».

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« A défaut de pouvoir venir en aide à la population, leur présence joue un rôle important dans le retour au calme et est de nature à éviter » certains délits, selon la RNDDH. Parmi ses recommandations : « Tout mettre en œuvre en vue de reprendre le contrôle du territoire national dans son ensemble. »

Pour cela, le Conseil de sécurité de l’ONU a donné en octobre son accord pour l’envoi d’une mission sécuritaire multinationale menée par le Kenya, qui veut dépêcher 1 000 policiers, un accord signé il y a quelques jours entre les deux pays. Mais son déploiement est retardé par la justice kényane et un manque criant de financements. Aucune date n’est avancée pour l’arrivée de la mission.

L’ONG Médecins sans frontières (MSF) a publié jeudi une enquête sur la mortalité en Haïti depuis plus de dix ans, qui « révèle des niveaux extrêmes de violence subie par les résidents du bidonville de Cité-Soleil, à Port-au-Prince », avec « près de 41 % des décès liés à la violence et un taux brut de mortalité de 0,63 décès pour 10 000 personnes par jour ». « MSF avait déjà observé des taux de mortalité semblables en 2017, dans les camps de Rakka », ville syrienne et ancien fief du groupe Etat islamique, assure l’ONG, qui a annoncé mercredi renforcer sa présence à Port-au-Prince pour répondre à l’afflux de blessés.

Le Monde avec AFP

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