C’est une première que nous proposent les chercheurs et chercheuses du Weill Cornell Medicine (New York, USA) dans la revue Nature communications : une contraception masculine non hormonale pouvant être prise à la demande, agissant sur la motilité des spermatozoïdes. Un essai prometteur, alors que la demande est croissante : jusqu’à 40% des hommes seraient intéressés par la pilule contraceptive, selon une enquête réalisée en 2017 par l’Institut Solidaris.
Plusieurs avancées ont eu lieu ces dernières années, bien que la plupart des recherches effectuées jusqu’ici n’aient pas pu régler la question des effets secondaires indésirables : dernièrement, en 2022, Sciences et Avenir relayait des travaux prometteurs, ceux d’une pilule contraceptive pour homme efficace à 99% chez la souris, sans effets secondaires, qui pourrait être commercialisée d’ici cinq ans.
Une pilule non hormonale, à la demande
L’adenylyl cyclase soluble (sAC) est une enzyme présente dans la plupart des tissus des mammifères et dont des isoformes (les différentes formes que peuvent prendre les protéines issues d'un même gène) sont impliqués dans la motilité et l’activation des spermatozoïdes. Sa présence est un prérequis afin que le sperme atteigne ses capacités de fertilité. En utilisant la TDI-11861, une molécule inhibant l’activité de la sAC, les chercheurs ont réussi à obtenir l’arrêt temporaire de la motilité des spermatozoïdes et à empêcher la fécondation.
En effet, les tests effectués sur 52 couples de souris ont montré qu’entre 30 minutes et 2h30 suivant l’administration de l’inhibiteur aux souris mâles, aucune gestation de souris femelle n’avait eu lieu. En comparaison, la même expérience réalisée sur le groupe témoin a mené à 30% de gestations chez les souris femelles.
L’inhibiteur étant efficace peu de temps après sa prise et pendant 2h30, les résultats suggèrent que celui-ci pourrait être pris ponctuellement, peu de temps avant un rapport sexuel. Mais qu’en est-il de la possibilité de prendre chroniquement ce traitement et des possibles effets secondaires ? Chez les hommes ou souris mâles chez qui sAC est muté ou ne s’exprime pas naturellement, une forte pression intraoculaire pouvant mener au développement d’un glaucome ou la présence de calculs rénaux ont été relevés.
Ces observations laissaient supposer qu’utiliser un inhibiteur de sAC de manière chronique pourrait engendrer de tels risques, mais ceux-ci n’ont pas été identifiés lors des essais précliniques. De plus, parmi les différents inhibiteurs étudiés, aucun effet secondaire ou toxicité liée à l’exposition prolongée à l’inhibiteur n’ont été remarqués.
Des dispositifs de contraception masculine non validés par l'OMS
Les méthodes contraceptives les plus utilisées par les hommes actuellement sont le préservatif et la vasectomie. Depuis quelques années, de nouveaux dispositifs tels que le slip chauffant ou l’andro-switch (anneau en silicone), se popularisent, mais ne sont validés ni par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), ni par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Ces dispositifs qui permettent de maintenir les testicules au niveau du canal inguinal, font monter leur température de deux degrés et freinent ainsi la production des spermatozoïdes.
Bloquer la motilité des spermatozoïdes pendant 2h30
Chez la femme, le sperme après éjaculation doit passer le col de l’utérus pour arriver dans l’utérus, zone permissive permettant une éventuelle fécondation et dans laquelle les spermatozoïdes peuvent survivre pendant plusieurs jours.
Les chercheurs supposent qu’inhiber les sAC pendant une période suffisamment importante suffirait à ne pas rendre possible la traversée du col de l’utérus. La motilité des spermatozoïdes étant inhibée, ceux-ci resteraient dans le vagin, qui après un rapport sexuel s'acidifie à nouveau rapidement et ne leur permet pas de survivre. Pas moyen, donc, de franchir le barrage du col de l’utérus et d’espérer une fécondation.
Les chercheurs annoncent travailler sur des inhibiteurs plus adaptés à la morphologie humaine, dans un communiqué de presse publié par le Weill Cornell Medicine le 14 février 2023. Les Dr. Buck et Levin, co-auteurs principaux de l'étude, espèrent aboutir à la mise en place d’essais cliniques humains et si le succès s’ensuit, une future commercialisation de leur traitement.