« on est là »Pourquoi la mobilisation contre la réforme des retraites « n’est pas morte »

Manifestation du 6 juin : Contre la réforme des retraites, « le mouvement n’est pas encore mort »

« on est là »Une nouvelle journée de mobilisation est organisée ce mardi à l’appel de l’intersyndicale pour contester la réforme des retraites pourtant déjà promulguée
Manifestation à Rennes contre la réforme des retraites le 1er mai 2023.
Manifestation à Rennes contre la réforme des retraites le 1er mai 2023. - PICAUD JUSTIN/SIPA / SIPA
Cécile De Sèze

Cécile De Sèze

L'essentiel

  • Sera-ce la der des ders ? Les syndicats appellent mardi à une quatorzième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, deux jours avant l’examen au Parlement d’une proposition de loi visant à abroger la réforme.
  • Quelque 250 actions sont prévues en France, qui devraient réunir 400.000 à 600.000 personnes, dont 40.000 à 70.000 dans la capitale, selon les autorités.
  • Des grèves sont annoncées chez les électriciens et gaziers ainsi que dans les transports ferroviaires et aériens, avec notamment un tiers des vols annulés au départ de Paris-Orly. Des opposants qui n’ont pas dit leur dernier mot.

N’enterrez pas trop vite les manifestants contre la réforme des retraites. Malgré la promulgation de la loi mi-avril par Emmanuel Macron, les opposants n’ont pas dit leur dernier mot. « Ce n’est pas parce que la loi passe en force que la colère redescend, il faut que le gouvernement l’entende », estime Jean-Christophe Delprat interrogé par 20 Minutes. Le secrétaire fédéral à Force ouvrière (FO) transports et logistique, en charge du secteur de la RATP, sera de ceux qui défileront ce mardi.

Quelque 250 actions sont prévues à travers la France. Elles devraient réunir 400.000 à 600.000 personnes - dont 40.000 à 70.000 dans la capitale, selon les autorités. C’est beaucoup moins que les précédentes manifestations du mois de janvier ou du mois d’avril, au plus fort de la mobilisation. Néanmoins, cette mobilisation « va réaffirmer que les citoyens français sont opposés au report de l’âge légal et à l’allongement de la durée des cotisations », affirme Jean-Christophe Delprat.

Une colère à faire entendre

Le syndicaliste chez FO croit encore au recul du pouvoir : « Les décrets d’application ne sont pas encore parus, or le gouvernement a toujours affirmé qu’il voulait aller vite, c’est bien qu’il n’est pas sûr de lui. » Deux premiers décrets ont pourtant bien été publiés au Journal officiel dimanche, dont l’un des plus controversés instaurant l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans.

S’il peut entendre une « part de défaitisme », Jean-Christophe Delprat assure que « quand on questionne les gens, ils pensent que la cause est juste ». « Tant qu’il y aura du mécontentement, la lutte sera présente car on ne peut pas humilier les Français de cette façon le gouvernement n’aura pas le choix de faire machine arrière, le mouvement n’est pas encore mort », insiste-t-il encore. Et ce, deux jours avant que la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, se prononcer pour ou contre l’examen de l’article phare d’une proposition du groupe indépendant Liot qui prévoit de repasser à 62 ans l’âge de départ à la retraite.

Une manifestation pour l’avenir

Si faire reculer le gouvernement aujourd’hui sur cette réforme précise semble illusoire, pour le sociologue Michel Wieviorka, « ce n’est pas l’enjeu » de la manifestation prévue mardi : « C’est une mobilisation plus expressive qu’instrumentale, elle vient souligner un décalage entre les aspirations sociales et le traitement politique de ces questions sociales. » Le rassemblement peut a priori sembler ne pas être d’une grande utilité, mais c’est davantage « un affichage symbolique », abonde Stéphane Sirot, historien spécialiste des mouvements sociaux.

D’autant que les syndicats regardent vers l’avenir. Le gouvernement prévoit de nouvelles réformes, notamment une future loi Travail. Et peu de chances qu’elle passe dans le calme si l’exécutif reste sourd à la contestation, prévient ainsi Jean-Christophe Delprat : « La colère va rester ancrée. Le gouvernement va avoir besoin d’une concorde sociale, il va avoir besoin de nous, notamment pour les Jeux olympiques 2024. » Une grève à la RATP, entre autres, ne serait pas la bienvenue lors de cet événement majeur. Or « on n’oubliera pas si le gouvernement persiste », alerte encore le syndicaliste.


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Par ailleurs, les syndicats, qui avaient quelque peu perdu de leur superbe ces dernières années, semblent avoir repris du poil de la bête avec la réforme des retraites. « L’intersyndicale a bien fonctionné », note ainsi Michel Wieviorka. « Le mouvement social a généré un pouvoir politique et social qui peut être favorable aux syndicats pour de futurs débats, ajoute Stéphane Sirot. Il y a une idée de préparer la suite. »

Grève reconductible vs grève « saute-mouton »

Mais encore faut-il déterminer des modalités d’action pour créer un rapport de force efficace. Même si Jean-Christophe Delprat croit encore à la victoire sur les retraites, peu de signes montrent que le gouvernement serait prêt à faire machine arrière. Toutefois, si le mode d’action changeait, si une grève reconductible, plutôt que « saute mouton » comme la qualifie le syndicaliste, s’organisait, les choses pourraient évoluer. La grève reconductible a en effet déjà prouvé son efficacité dans le passé, notamment en 2019-2020 lors de la dernière tentative de réformer les retraites.


notre dossier sur la réforme des retraits

Car les grandes manifestations en elle-même, bien qu’elles mettent en avant le nombre de personnes en colère, ne semblent pas faire trembler l’exécutif. « La rue a du pouvoir car elle génère un contexte de mécontentement mais elle ne suffit pas à atteindre le succès des revendications portées », tranche ainsi Stéphane Sirot.

Certaines grandes manifestations ont bien réussi à faire plier le gouvernement en place, notamment en 1995 contre la réforme des retraites d’Alain Juppé. Mais pour l’historien des mouvements sociaux, « la grève a un rapport de force politique et économique sur le gouvernement et le patronat et c’est le plus souvent par ce mode de contestation que les mouvements sociaux sont parvenus à leur fin ».

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