Fin juillet 2023, Kevin Speed annonçait le succès de sa première levée de fonds, à hauteur de 4 millions d’euros. Six mois plus tard, le jeudi 29 février, la start-up ferroviaire fondée en 2021 par Laurent Fourtune, ancien directeur du développement à la RATP et ancien directeur opérationnel de Getlink (ex Eurotunnel), a franchi une étape supplémentaire dans son projet de démocratisation de la grande vitesse : elle a passé avec SNCF Réseau, le gestionnaire d’infrastructure, un accord-cadre lui permettant d’obtenir des sillons ferroviaires – des créneaux de circulation – pour lancer trois premières lignes.

Jusqu’à 16 passages quotidiens dans chaque sens

Si cet accord, conclu pour une durée de dix ans, est validé par l’Autorité de régulation des transports, Kevin Speed pourra relier la capitale à trois métropoles, en desservant les gares TGV intermédiaires : Paris-Lyon-Part-Dieu, via Montchanin TGV, Le Creusot-Montceau et Mâcon-Loché ; Paris Gare de l’Est-Strasbourg, via Champagne-Ardenne TGV, Meuse TGV et Lorraine TGV ; Paris-Gare du Nord-Lille Flandres, via TGV Haute-Picardie. Le document prévoit jusqu’à 16 passages quotidiens dans chaque sens, pour chacune de ces lignes à une vitesse maximale de 300 km/h, contre 320 pour un TGV de la SNCF.

3 € les 100 km aux heures creuses

Depuis son lancement, Kevin Speed promet une démocratisation de la grande vitesse. Il s’agit notamment de permettre à des salariés installés dans ou près des villes moyennes de rejoindre leur lieu de travail dans des métropoles voisines, alors que de nombreux Français ont quitté les grandes villes après la pandémie. Cela suppose une haute fréquence – une même place pourrait être vendue dix fois dans la journée – et des prix très abordables (« 5 € sur Paris-Lille, 10 à 12 € sur Paris-Lyon », précise Laurent Fourtune).

Les abonnés n’auront pas à réserver à l’avance. Ils ne seront débités qu’a posteriori, en fonction du nombre de trajets effectués.

Kevin Speed a passé un accord d’exclusivité avec Alstom pour la livraison d’un train adapté, de type Pendolino (déjà utilisé en Grande-Bretagne, en Italie, en Espagne, en Pologne, etc.) avec un seul étage, deux portes par voiture (pour un temps de montée et de descente inférieur de moitié à celui d’un TGV Duplex), davantage de sièges par wagon (700 au total dans chaque rame). La maintenance sera assurée par Alstom dans des ateliers positionnés dans des gares intermédiaires.

« Nous sommes amenés à passer commande de 20 trains », indique Laurent Fourtune. L’investissement total devrait s’élever à 1 milliard d’euros. « Le ferroviaire est une affaire de gros investissements et de volumes », insiste le président de cette entreprise.

Kevin Speed devrait faire rouler ses premiers trains dès 2026, en phase d’essai, avant le lancement « progressif » de son service commercial en 2028. Sa cible, en vitesse de croisière : 18 millions de passagers, là où le nombre total de passagers sur le réseau grande vitesse en France a totalisé 122 millions de voyageurs en 2023.

Une concurrence à petits pas

Son entrée effective sur le réseau TGV permettrait de conforter un début de concurrence sur la grande vitesse. À ce jour, seules les compagnies historiques italienne Trenitalia et espagnole Renfe se sont positionnées sur quelques-unes des lignes les plus rentables : Paris-Lyon pour la première, Lyon-Barcelone et Marseille-Madrid pour la seconde.

Kevin Speed doublé par Le Train ?

Un autre opérateur, français, pourrait lancer ses trains à grande vitesse avant Kevin Speed, dès 2025, en complémentarité avec ceux de la SNCF : nommée Le Train, cette compagnie privée souhaite proposer cinq lignes régionales à partir de la région Nouvelle-Aquitaine. Il pourrait commencer sur les axes Bordeaux-Angoulême, Bordeaux-Nantes et Bordeaux-Rennes, avec des prolongements vers La Rochelle et Arcachon.