Menu
Libération
Décryptage

Commémoration de la Libération : Emmanuel Macron à Vassieux-en-Vercors, une visite historique

Le chef de l’Etat présidera mardi 16 avril une cérémonie de commémoration dans le village drômois, martyr de la Résistance honoré de l’ordre de la Libération. Une visite officielle inédite pour un président de la République.
par Samuel Ravier-Regnat
publié le 16 avril 2024 à 4h49

Après le plateau des Glières et la maison d’Izieu, le premier week-end d’avril, et en attendant les plages de Normandie en juin, le cheminement mémoriel d’Emmanuel Macron pour les 80 ans de la Libération fait étape dans le massif du Vercors mardi 16 avril. Le chef de l’Etat sera à Vassieux-en-Vercors, village martyr de la Seconde Guerre mondiale, où civils et maquisards furent décimés à l’été 1944 par la plus vaste opération militaire allemande entreprise contre la Résistance dans toute l’Europe de l’Ouest.

La visite d’Emmanuel Macron est historique : jamais auparavant un président de la République n’avait participé à une cérémonie commémorative dans ce village drômois qui compte pourtant parmi les cinq seules communes admises au rang de Compagnon de la Libération du fait de leur rôle dans la Résistance – avec Paris, Grenoble, Nantes et l’Ile-de-Sein.

Certes, le général de Gaulle avait été reçu à titre privé à la nécropole de Vassieux-en-Vercors en 1963 et l’exécutif est représenté à chaque anniversaire décennal par le Premier ministre depuis 1994, date à laquelle François Mitterrand, qui souhaitait venir, avait finalement été suppléé par Edouard Balladur en raison de son état de santé. Depuis, Jean-Pierre Raffarin a fait le déplacement en 2004 et Manuel Valls en 2014.

Mais de président de la République en visite officielle, jamais, jusqu’à présent. «Les habitants les plus anciens attendaient cette visite depuis longtemps, salue auprès de Libération le maire de Vassieux-en-Vercors, Thomas Ottenheimer, qui avait lui-même sollicité personnellement le chef de l’Etat. Pour nous, c’est forcément une bonne chose : ça permet de mettre un coup de projecteur sur ce qu’a vécu notre territoire.»

«Un hommage à tous ceux qui se sont levés pour la liberté»

«Il y avait une attente locale particulièrement forte qui demandait que cette histoire soit honorée par la République, assure-t-on à l’Elysée, où l’on développe l’importance symbolique du site de Vassieux-en-Vercors. Le maquis du Vercors est l’illustration que la République en France est un régime mais surtout un projet universel […]. Pour le président de la République, c’est l’occasion de placer le déplacement sous le thème de l’hommage à tous ceux qui se sont levés pour la liberté.»

La commémoration de ce mardi devrait se dérouler en deux étapes. D’abord, une cérémonie «très solennelle», selon l’Elysée, à la nécropole de Vassieux-en-Vercors où sont enterrés 187 résistants et civils tués sur le plateau du Vercors pendant l’été 1944. Puis un hommage dans le village, devant le martyrologe, le monument aux morts situé en face de la mairie, en présence de la population. La municipalité attend «autour de 600 ou 700» personnes. Parmi les invités, les maires des quatre autres communes Compagnon de la Libération, notamment la socialiste parisienne Anne Hidalgo et l’écologiste grenoblois Eric Piolle, ainsi que les ambassadeurs du Sénégal et de Pologne, dont certains ressortissants ont combattu dans les rangs des maquisards.

Le 16 avril, une date jamais commémorée à Vassieux-en-Vercors

Reste un débat sur la date de l’hommage. Depuis 1946, les commémorations à Vassieux-en-Vercors ont lieu chaque année le 21 juillet, qui marque le début du raid meurtrier des troupes nazies sur la commune. Emmanuel Macron, lui, a opté pour le 16 avril. Ce jour-là, en 1944, des miliciens du régime de Vichy, encadrés par l’ancien officier des troupes coloniales Raoul Dagostini, s’installent dans le village. Ils y restent une semaine, saccagent, pillent, intimident. Trois habitants sont fusillés. Un drame qui témoigne des crimes de la collaboration et rappelle à qui l’aurait oublié que tout le monde n’était pas résistant, dans la France des années 40. Mais nul, à Vassieux-en-Vercors, ne commémore jamais la date du 16 avril, et le choix présidentiel a surpris les élus locaux.

«Le 21 juillet appelle la présence du président de la République à Paris dans le cadre des Jeux olympiques. Il y a des équilibres à trouver dans les différents paramètres», justifie l’Elysée. Sans convaincre tout le monde. «En faisant l’impasse sur la date du 21 juillet, Emmanuel Macron passe à côté de la dimension symbolique de la mémoire du Vercors. C’est un choix politique, dans la hiérarchisation des symboles qu’il décide de mettre en avant», s’agace un acteur de la mémoire locale. Et de poursuivre, passablement irrité : «80 ans après les faits, on attend toujours un président de la République à la cérémonie de commémoration du 21 juillet. C’est une plaisanterie. Désormais, il nous reste à espérer une visite pour les 90 ans de la Libération, en 2034.»

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique