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Traité de l'ONU sur la haute mer : "Un petit pas" pour l'association Bloom

Après plus de 15 ans de négociations, un traité sur la haute mer a enfin été trouvé aux Nations Unies. Mais il n'est pas encore ratifié, et il ne va pas assez loin pour l'association Bloom, invitée de France Bleu Breizh Izel ce mardi.

ONU (illustration) ONU (illustration)
ONU (illustration) © Maxppp - Vincent Isaure

Plus de 15 ans de négociations, et finalement un traité : les Nations unies ont convenu le week-end dernier d'un traité sur la haute mer, pour protéger, ces eaux qui n'appartiennent à personne. C'est le premier traité international en la matière. "On a fait quelque chose d'inouï, de considérable, qui va transformer les effets du changement climatique", affirme Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur Océan et Pôles, envoyé spécial du président de la République pour la conférence Océan des Nations unies. "La haute mer ne sera plus un espace sans protection environnementale, où règne la loi du plus fort et dont l'utilisation des ressources est guidée par l'injustice", estime de son côté le secrétaire d'État chargé de la mer.

Mais ce traité ne va pas assez loin, pour Frédéric Le Manach, directeur scientifique de l'association Bloom qui œuvre pour la conservation marine.

France Bleu Breizh Izel : C'est un accord historique, mais qui exclut pas mal de secteurs ?

Frédéric Le Manach : C'est le premier traité sur la haute mer et c'est ça qui est historique. Malheureusement, ça s'arrête un petit peu là. On retombe un petit peu du nuage puisqu'on a enfin le texte sous les mains. On savait déjà que le texte était limité puisqu'il n'allait pas inclure les négociations sur la pêche industrielle ou sur l'exploitation minière des fonds marins. C'est confirmé et malheureusement, il y a aussi tout un tas d'articles qui vont faire en sorte que ce soit très compliqué de mettre en œuvre quoi que ce soit. Donc c'est historique parce que c'est un traité qu'on attendait depuis très longtemps. Mais ce n'est pas ça qui va changer le monde.

En gros, il va y avoir des aires marines protégées, c'est le premier outil : des sanctuaires surveillés par satellite. Mais on pourra quand même faire de l'exploitation minière dedans. C'est ça ?

Pas forcément de l'exploitation minière puisque l'exploitation minière est négociée par ailleurs par un autre corps des Nations-Unies qui s'appelle l'Autorité internationale pour les fonds marins. L'exploitation minière n'est pas pour le moment autorisée et potentiellement, un moratoire devait être négocié. Mais dans le préambule du traité de la haute mer qui parle des aires marines protégées, on parle d'exploitation durable. Donc, on protège, mais en même temps, on exploite durablement. Donc, on sent bien que tout est fait pour que ça ne froisse personne. Et d'ailleurs, on voit très bien dans les processus qui sont mis en place pour aboutir à ces aires marines protégées, que c'est une procédure des Nations unies, on parle de consensus. Il faut déjà deux tiers des pays pour arriver à ce consensus. Si jamais on arrive à deux tiers de pays qui sont pour une aire marine protégée, il faut mettre en place un vote. Et pour que le vote soit validé, il faut trois quarts des pays qui votent pour. Mais un pays peut faire objection et là marine protégée ne s'applique pas. Donc, on est vraiment dans une usine à gaz qui potentiellement permettra de mettre en place des aires marines qui ne sont pas protégées puisqu'on peut y faire de l'exploitation quelconque à l'intérieur. Et de toute façon, si on n'est pas d'accord avec ce qui est mis en place, on peut faire objection et ça ne s'applique pas à nous.

C'est un premier pas ?

C'est un premier pas, mais un petit pas qui a mis quasiment 20 ans à se faire. Et maintenant, effectivement, ce qui va être extrêmement important, ça va être la ratification du traité pour que ce traité soit mis en œuvre. Et ensuite, il va falloir vraiment s'assurer que les pays aient une volonté politique de faire autre chose que simplement du consensus mou. Sinon ça va servir à vraiment pas grand-chose du tout.

La haute mer, c'est 60 % des océans et "c'est le far-west", selon les mots de Denis Bailly, maître de conférence en économie de l'environnement à l'université de Brest, rentré dimanche de New York, où il a assisté aux négociations de ce traité qui prévoit le partage des ressources génétiques marines entre pays du Nord et du Sud. Chacun fait ce qu'il veut et n'importe quoi ?

Oui, c'est effectivement la situation actuelle. On n'a aucun droit international dans la haute mer, donc à part par exemple, les espèces de poissons qui sont exploitées par certaines flottes, asiatiques ou européennes. On a là encore d'autres organisations issues de l'ONU qui sont censées gérer leur exploitation durable, mais ce n'est pas du tout le cas. En ce moment, dans l'océan Indien, la Commission thonière de l'océan Indien est censée gérer durablement l'exploitation du thon. L'Union européenne et en particulier la France et l'Espagne ont une position néocoloniale inacceptable et forcent les États côtiers à accepter de la destruction des écosystèmes. Même quand on a un cadre en place, on se rend compte que c'est aussi le Far West. Quand il n'y a pas du tout de cadre, comme c'était le cas dans la plupart de haute mer, pour autre chose que la pêche, on est dans une situation qui était inacceptable et qui demandait un cadre, d'où le niveau historique du traité qui a été obtenu ce week-end.

Et le traité entend aussi répartir entre les pays les profits engendrés par la recherche sur les ressources génétiques marines. En fait, pour les pays qui n'ont pas les moyens de les financer. C'est une avancée pour un peu plus d'égalité ?

Oui, exactement. C'est un des gros enjeux, un des gros points bloquants des négociations pendant toutes ces années à l'ONU, c'est que la haute mer étant un bien commun de l'humanité, il faut aussi que les bénéfices retombent sur l'intégralité de l'humanité. Pas forcément entre eux et pas uniquement entre les mains de quelques entreprises ou de quelques États développés du Nord qui ont les moyens de faire une exploitation. Les pays du Sud demandaient une rétribution, une répartition équitable des fonds générés par cette exploitation et c'est ça qui est bloqué. Et là aussi, on a un début de texte contraignant là-dessus.

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