L’art du contre-pied. Alors que le conflit au Proche-Orient altère le débat politique en France depuis trois semaines, Emmanuel Macron a fait un pas, dimanche 29 octobre, vers l’inscription de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution. « Le projet de loi constitutionnelle sera envoyé au Conseil d’Etat cette semaine et présenté en conseil des ministres d’ici la fin de l’année », a annoncé le chef de l’Etat sur le réseau social X (anciennement Twitter). Il s’agira d’ajouter, à l’article 34 de la Constitution, que « la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme, qui lui est garantie, d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ».
Le président de la République s’était engagé, le 8 mars, lors de l’hommage national à Gisèle Halimi, à « changer notre Constitution, afin d’y graver la liberté des femmes à recourir à l’interruption volontaire de grossesse pour assurer solennellement que rien ne pourra entraver ou défaire ce qui sera ainsi irréversible ».
« En 2024, la liberté des femmes de recourir à l’IVG sera irréversible », promet-il dimanche 29 octobre. Au terme d’« une période de crise intense ces derniers jours », souligne l’Elysée, marquée par l’assassinat du professeur Dominique Bernard, à Arras, le 13 octobre, et par la guerre au Proche-Orient, et avant de s’envoler pour l’Asie centrale, le chef de l’Etat met sur la table un sujet de nature, espère-t-il, à recréer une forme d’unité dans le monde politique. « Il veut retrouver un peu d’air, desserrer l’étau », estime le chef de file des sénateurs macronistes, François Patriat.
« Une version de synthèse »
Avec cette révision de la Constitution, qu’il espère voir aboutir au premier trimestre 2024, Emmanuel Macron s’avance sur un terrain déjà largement balisé par les parlementaires. En novembre 2022, les députés votaient à une écrasante majorité une proposition de loi en faveur de la constitutionnalisation du « droit à l’interruption volontaire de grossesse », en réaction à la décision de la Cour suprême américaine, en juin 2022, de révoquer la protection au niveau fédéral du droit à l’avortement.
En février, le Sénat approuvait à son tour le principe d’une constitutionnalisation de l’IVG, mais en inscrivant la « liberté de la femme » de recourir à l’avortement, plutôt que son « droit ». Malgré cette retouche apportée par le sénateur Philippe Bas, ancien collaborateur de Simone Veil, pour sauver le texte in extremis, celui-ci n’avait été adopté qu’à une courte majorité (166 voix pour, 152 contre), une grande partie des sénateurs Les Républicains (LR) s’y opposant encore. « Le vote au Sénat a montré qu’une voie était possible pour adopter une révision constitutionnelle », souligne toutefois l’Elysée. On a vu que les « deux Chambres convergeaient vers quelque chose qui permettait de réviser la Constitution ».
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