L’Essentiel sur... les jeunes et l'alcool

Prévenir les conduites à risques et protéger les jeunes, un enjeu qui nous concerne tous. Aujourd’hui en France, l’alcool est responsable de 41 000 décès par an. Et malgré quelques fragiles améliorations observées ces dernières années s’agissant des collégiens et lycéens, les niveaux de consommation d’alcool chez les jeunes restent très préoccupants. Or, le cerveau de l’adolescent, à cause de son processus de maturation inachevé, est plus particulièrement vulnérable aux substances psychoactives (dont l’alcool).

Par ailleurs, la consommation régulière d’alcool chez les jeunes accroît le risque de maladie à l’âge adulte et les alcoolisations ponctuelles importantes (API) peuvent constituer une porte d’entrée vers une dépendance ultérieure. Les risques à court terme de l’abus d’alcool sont également très importants : coma éthylique, implication dans des violences comme victime et/ou auteur, rapports sexuels non consentis ou accidents de la route. Ces chiffres et ces risques justifient la conduite d’une politique volontariste, globale et intégrée.

Les actions particulières envers les jeunes qui constituent l’un des axes majeurs de la politique nationale de lutte contre les drogues et les conduites addictives ne peuvent porter leurs fruits que dans le cadre d’une prise de conscience plus globale de la nécessité de débanaliser la consommation d’alcool. C’est aussi là le rôle et la responsabilité des adultes que l’on doit mieux informer afin de les impliquer dans cette démarche essentielle.

Données clés

Chez les jeunes de 17 ans

  • 85,7% ont déjà expérimenté l’alcool.
  • 8,4% ont une consommation régulière (au moins 10 fois dans le mois).
  • 30% des consommations d’alcool ont lieu en présence des parents.
  • 44% ont déclaré une alcoolisation ponctuelle importante dans le mois.

Source : ESCAPAD 2017, OFDT

Chez les élèves de 3ème

  • Baisse des expérimentations d'alcool, de 75,3% en 2018 à 64,1% en 2021.
  • 30,7% ont consommé de l'alcool au cours du mois, en 2021. C'est le plus bas niveau depuis 2018.
  • 1 élève sur 5 a connu une alcoolisation ponctuelle importante dans le mois.

Une très large exposition des jeunes en France à la publicité sur l'alcool

Le lien entre l’exposition à la publicité et l’augmentation de la consommation d’alcool (dont les comportements d’alcoolisation excessive) chez les jeunes est particulièrement bien démontré dans la littérature scientifique française et internationale (Expertises collectives INSERM : Conduites addictives chez les adolescents, 2014 ; Réduction des dommages associés à l'alcool, 2021).

30,7%

de jeunes de 17 ans déclarent une exposition à la publicité pour l'alcool via internet de façon hebdomadaire ou quotidienne

86%

des adolescents se souviennent avoir vu ou entendu une publicité pour une boisson alcoolisée

22,9%

des adolescents disent avoir ressenti l'envie de consommer la boisson mise en valeur par la publicité

Malgré le cadre réglementaire existant, les industriels investissent massivement dans des stratégies publicitaires ciblant les jeunes. Les industriels de l’alcool développent des actions publicitaires et marketing à destination des jeunes à travers :

  • Le contenu des publicités pour les boissons alcoolisées qui joue sur la socialisation, l’humour, l’aventure, la musique, la séduction, le pouvoir, l’ironie, la provocation…
  • Des produits et des packagings développés pour toucher spécifiquement les jeunes, les femmes : premix qui mélangent alcool et soda ou jus de fruits, vins aromatisés, canettes de vin, boissons alcoolisées allégées en calories.
  • Des actions marketing spécialement conçues pour attirer les femmes.
  • La publicité sur les points de vente et lieux de consommation : promotion sur les prix des boissons, cadeaux contre achats, jeux concours, soirées « open bar »…  
  • Le sponsoring d’événements culturels et sportifs qui permet d’associer les marques d’alcool à des activités appréciées par les jeunes.
  • La présence croissante sur les réseaux sociaux pour toucher notamment les jeunes.
  • Des prix de boissons qui s'adaptent au budget limité des jeunes.
  • Les relations publiques et la publicité « responsable ». En améliorant l’image de l’entreprise et la confiance des leaders d’opinion (journalistes, élus, scientifiques…), l’objectif est de renforcer l’efficacité des actions de lobbying et de limiter le développement de réglementations susceptibles de contrer les activités  commerciales.

Les priorités de l'action gouvernementale

Retarder l’âge des expérimentations

Quel que soit le produit considéré, le cerveau de l’adolescent est plus vulnérable aux substances psychoactives que le cerveau de l’adulte. La précocité de l’expérimentation et de l’entrée dans la consommation régulière accroît les risques de dépendance ultérieure et plus généralement de dommages subséquents.

Aider les acteurs éducatifs à développer les compétences psycho-sociales (CPS)

Les programmes de développement des CPS des enfants visent à renforcer l’estime de soi, la capacité à maîtriser ses émotions, la confiance dans l’adulte et l’empathie. Leur efficacité est accrue lorsque les parents et autres adultes en contact avec les enfants sont associés : la bienveillance et l’écoute, en famille comme à l’école, sont des facteurs de protection essentiels contre les consommations précoces de substances psychoactives, les addictions et leurs conséquences, et contre d’autres conduites « à risque ». L’initiation à la consommation d’alcool ayant le plus fréquemment lieu en famille, souvent entre 5 et 10 ans, il est essentiel de porter une attention particulière aux parents. Ces derniers doivent être mieux informés sur les risques et renforcés dans leur rôle éducatif.

Renforcer et faire mieux appliquer les interdits protecteurs

Les jeunes évoluent dans un environnement favorable aux consommations où alcool et tabac sont omniprésents. Que ce soit dans l’entourage, familial, scolaire, amical et social ; dans leur quartier et aux abords des établissements scolaires ; dans les images auxquelles ils sont exposés au quotidien, notamment dans les univers de fiction (Enquête ARAMIS, OFDT, 2017).

Plus la moitié des jeunes de 16 ans ayant consommé de l’alcool au cours du dernier mois estimaient en 2015 qu’ils n’avaient pas de difficulté à se procurer de l’alcool

Ce contexte inclut aussi de fréquentes incitations à « au moins essayer » dont témoigne une majorité de jeunes, faisant de l’expérimentation une expérience à laquelle il est difficile de se dérober. La faible application de la loi encadrant la vente de tabac et d’alcool, notamment aux mineurs, explique aussi la facilité d’accès aux produits. Malgré l’interdiction de vente d’alcool et de tabac aux mineurs, plus de la moitié des jeunes de 16 ans estiment ne pas avoir de difficulté à se procurer de l’alcool, quel qu’il soit (Enquête ESCAPAD, OFDT, 2017).

Réduire l’exposition des jeunes à la publicité et aux stratégies d’influence

En raison de leurs pratiques sociales (internet, réseaux sociaux, loisirs, cinéma, sports, etc.), les jeunes sont plus sensibles aux publicités directes ou « indirectes », qui valorisent l’image positive/festive de tel ou tel comportement ou produit (sponsoring, placement de produits, organisation de « concours », etc.).
La Cour des comptes, Santé publique France et l’Institut national du Cancer recommandent de renforcer la réglementation, en particulier sur internet et dans les environnements où sont exposés les plus jeunes. Ces recommandations portent également sur le renforcement des informations sanitaires obligatoires pour l’alcool et sur la transparence sur les activités de lobbying. Enfin, il s’agit de s’engager davantage dans des campagnes de marketing social, afin de contrer les effets de l’exposition à la publicité.

ET AILLEURS...
Prix minimum : l’expérience écossaise
Le 1er mai 2018, l'Ecosse est devenue le premier pays de l’UE à introduire un prix minimal pour l’alcool : 50 pence (57 centimes) par unité d’alcool. Cette mesure vise notamment à empêcher les ventes d’alcool à prix cassé.
Ainsi, une bouteille de 70 cl de whisky ne peut pas être vendue en dessous de 14 livres (15,60 euros) et une bouteille de 75 cl de vin, avec 12,5 % d’alcool, pas moins de 4,69 livres (5,20 euros).
Des chercheurs de l’université de Sheffield estimaient qu’un prix minimum unitaire de 50 pence se traduirait à terme par 120 décès et 2000 admissions à l’hôpital liés à l’alcool en moins par an. En 2018, la consommation d’alcool a baissé de 3% en Ecosse (niveau le plus bas depuis 25 ans). Il s’agit, selon la Secrétaire d’État à la santé, de la conséquence de l’introduction du prix minimum.
En janvier 2022, la République d’Irlande a fixé, à son tour, un prix minimum de vente des boissons alcoolisées vendues en magasins et supermarchés.

Idées reçues*

1. « Il n’y a pas d’âge légal en France pour acheter de l’alcool »
FAUX : le Code de la Santé publique indique qu’il est interdit de vendre ou d’offrir à titre gratuit dans les lieux publics de l’alcool à des mineurs de moins de 18 ans. Il est également interdit de recevoir dans les débits de boissons alcooliques des mineurs de moins de 16 ans qui ne sont pas accompagnés de l’un de leurs parents ou d’un majeur responsable.
Le non-respect de ces interdictions est pénalement sanctionné.

2. « La bière, ce n’est pas vraiment de l’alcool »
FAUX : la bière est moins concentrée en alcool qu’un whisky, d’où la tentation d’en boire beaucoup en une seule occasion. Mais attention, la bière est toujours servie en plus grande quantité que la plupart des autres alcools. Un demi de bière (25 cl) ou un verre de whisky (3 cl) contiennent en réalité la même quantité d’alcool pur (environ 10 grammes). Vous obtiendrez donc le même taux d’alcoolémie et les mêmes effets après 3 demis de bière ou 3 verres de whisky !

3. « Dans les prémix il y a moins d’alcool »
FAUX : mélanger l’alcool avec une boisson sucrée permet d’en masquer le goût mais ne modifie pas la quantité d’alcool pur absorbée. Vous obtiendrez le même taux d’alcoolémie et les mêmes effets avec un whisky-coca ou avec un verre de whisky pur !
Attention, les boissons alcoolisées sucrées favorisent les crises d’hypoglycémie pouvant entraîner une perte de connaissance, surtout lorsqu’elles sont consommées à jeun.

4. « Une  "cuite" de temps en temps, ce n’est pas grave »
FAUX : prendre une cuite de temps en temps ne veut pas forcément dire que l’on deviendra dépendant, mais il existe beaucoup de risques liés à l’excès d’alcool, le premier étant l’accident de la route. L’effet désinhibant de l’alcool peut générer des violences (bagarres, agressions, relations sexuelles non voulues ou non protégées). Il peut également conduire au coma éthylique qui nécessite une hospitalisation en urgence et qui peut, faute de soins, être mortel.

*Source : alcool-info-service.fr