Marks & Spencer est en rupture de stock d’ours en peluche couronnés et d’assiettes souvenirs, mais, à un jour du couronnement du roi Charles III, samedi 6 mai, il restait encore quantité de tee-shirts Union Jack ou de boîtes de shortbreads spécial coronation à vendre sur le site de l’iconique supermarché.
Cela fait soixante-dix ans que les Britanniques n’ont pas vécu une telle cérémonie. Le centre de Londres est pavoisé de drapeaux, 7 000 soldats ont minutieusement répété une parade militaire historique. Pourtant, il y a peu d’excitation dans l’air, moins qu’à la veille du jubilé de platine d’Elizabeth II, au printemps 2022.
Première raison évidente : c’est un monarque de 74 ans qui sera couronné dans l’abbaye de Westminster, le plus âgé de l’histoire de la monarchie britannique. Charles III est en bonne santé, mais il a presque cinquante ans de plus que sa mère quand elle a été coiffée de la couronne de saint Edouard, le 2 juin 1953. A l’époque, la jeune reine était avenante, symbolisait l’espoir, redonnait confiance à un pays épuisé par la guerre. Malgré sa passion pour l’environnement et son intérêt sincère pour tous les cultes, son fils ne peut pas incarner les mêmes valeurs.
Charles III veut utiliser la cérémonie religieuse pour démontrer sa volonté de moderniser l’institution monarchique. Pour la première fois, trois évêques femmes participeront au service au côté du primat de l’Eglise anglicane, Justin Welby. Une Britannique d’origine irlandaise et nigériane, Dame Elizabeth Anionwu, portera l’orbe. La baronne Floella Benjamin, d’origine caribéenne, sera chargée d’un des sceptres, autre symbole de l’autorité royale. Des leaders religieux juifs, musulmans, hindous, sikhs ou bouddhistes prendront aussi part au couronnement, et le premier ministre britannique, Rishi Sunak, un hindouiste, lira un passage de la Bible.
S’incliner comme des sujets
Pour autant, assister au couronnement, pour l’historien Tom Holland, qui signait une tribune, le 30 avril, dans les colonnes du Guardian, ce sera « comme aller au zoo et tomber sur un tricératops dans un des enclos ». Combien apprécieront le sens religieux et historique de ce très ancien rite (le premier couronnement à Westminster Abbey fut celui de Guillaume le Conquérant, le jour de Noël 1066), alors que, selon le recensement de 2021, moins de la moitié des Gallois et des Anglais se déclarent de foi chrétienne ?
Quant à l’invitation faite à tous les Britanniques par le Palais de Lambeth (la demeure du primat de l’Eglise anglicane) de prêter allégeance à leur roi à voix haute à la fin de la liturgie, elle a suscité pas mal de critiques. Est-il opportun, au XXIe siècle, de demander à des millions de personnes de s’incliner comme des sujets devant un homme qui ne doit sa position qu’à sa naissance ?
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