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De Bakhmout à Orikhiv, la contre-offensive de l’Ukraine dans le brouillard de la guerre

La semaine dernière a été marquée par plusieurs progressions ukrainiennes qui entretiennent le flou sur les objectifs et la situation sur le terrain.

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Alors que l’Ukraine a lancé sa contre-offensive début juin, aucun objectif majeur n’a été atteint. Pour certains analystes, le meilleur reste à venir : Kiev garde encore des dizaines de milliers d’hommes en réserve et près de 280 km² de territoires ont été libérés. Mais pour d’autres, le temps joue contre l’Ukraine et il est peut-être trop tard pour espérer obtenir une grande victoire.

– Bakhmout, vraie bataille ou leurre ukrainien ?

Les combats se poursuivent pour le contrôle de la ville détruite de Bakhmout, conquise fin mai par les Russes. Depuis début juin, l’armée ukrainienne tente de progresser sur les flancs de la ville pour l’encercler. Selon la vice-ministre de la défense ukrainienne, Hanna Maliar, l’armée de Kiev « avance progressivement au sud de Bakhmout » tout en « repoussant les attaques ennemies au nord ». Elle évoque aussi des combats « violents ». Mais l’intensité de ces combats, et les efforts engagés, posent question. En début d’année, on se demandait déjà pourquoi les Russes tenaient absolument à conquérir cette ville qui ne présente pas d’avantage stratégique. Six mois plus tard, on peut aussi s’interroger sur les raisons qui poussent les Ukrainiens à attaquer ici.

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« Les Ukrainiens affichent trop Bakhmut et les combats (féroces) qui s’y déroulent pour que ce soit réellement le point de concentration de leur effort offensif, estime l’ancien officier français Guillaume Ancel sur son blog. Les attaques ukrainiennes autour de Bakhmut semblent plus servir à mobiliser des unités russes et à rassurer des opinions publiques nationales et internationales inquiètes des progrès Ukrainiens, qu’à renverser le front en perçant une brèche dans cette zone précise. » Un avis que semble partager le général Olivier Kempf, dans son point hebdomadaire  : « Il y avait une certaine logique à voir les Ukrainiens tenter d’encercler la ville. (…) Il y a certes une pression, mais rien de déterminant. »

– Succès ukrainiens dans la région de Zaporijia

Le gros succès de la semaine dernière, côté ukrainien, est la progression de plusieurs kilomètres à l’est de la ville de Robotyne, dans le secteur d’Orikhiv. Un bond spectaculaire dont tous les effets ne sont pas encore connus. « Cette position se trouve à portée de la première ligne de défense russe (car jusqu’à présent, les Ukrainiens butent sur le rideau avancé du dispositif russe) qui permettrait, éventuellement s’il était percé, de tourner vers Tokmak, gros point d’appui russe très fortifié et retranché, écrit Olivier Kempf. Il semble qu’une brigade ait été engagée (avec donc deux brigades d’appui, prêtes à exploiter). »

Un volume de force qui interroge le général. « Effort principal ou, encore, préparation ? Il est sûr que si le premier échelon avait percé, les Ukrainiens étaient prêts à engager le deuxième échelon en exploitation. Mais malgré la progression, les Russes ont tenu même s’ils ont cédé localement. Cela signifie-t-il que l’usure commence à se faire sentir ? »

« Les Ukrainiens attendaient le moment et l’endroit propices pour engager le ‘’gros’ de leurs forces offensives dont les deux tiers étaient encore en réserve. C’est donc probablement dans cette région de Zaporijia que se joue l’accélération des événements auxquels nous assistons sans les voir… », indique Guillaume Ancel.

– Beaucoup de flou dans le secteur de Kreminna

L’armée russe mènerait une large contre-offensive au nord du front, autour de la ville de Kreminna. L’état-major ukrainien a lui-même indiqué ces derniers jours que les Russes avaient massé 100 000 soldats et 1 000 chars pour cette attaque. Problème : il n’y a aucune image et les avancées annoncées ne semblent pas vraiment se confirmer sur le terrain. « Si les Ukrainiens ne rappelaient pas toutes les heures que la Russie a lancé une offensive dans le Donbass, on n’y prêterait pas attention, tellement elle est faiblarde », raille @escortert, un observateur du conflit sur X (ex-Twitter).

L’armée russe aurait bien réussi à traverser la rivière Zherebets, tenue par les Ukrainiens, mais elle ne semble pas avoir été plus loin. « Les Russes ont établi une tête de pont sur l’autre rive mais ils n’ont pas les forces pour pousser jusqu’à la rivière de l’Oskil qui représente un effort considérable », poursuit @escorter qui note aussi que « les Ukrainiens ne considèrent pas ce secteur comme prioritaire, puisque la 66e brigade est toujours seule pour faire face aux Russes et elle n’a pas été renforcée ».

« S’il y a bien une pression, rien de vraiment déterminant, observe Olivier Kempf. Alors qu’il y a des percées, les Russes ne tentent aucune exploitation : parce qu’ils ne le veulent pas ou qu’ils ne le peuvent pas ? Les deux raisons sont valables. »

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