Crise du logement : les fragiles fondations du marché immobilier

Quartier Beaugrenelle, à Paris ©Getty - Christophe Lehenaff
Quartier Beaugrenelle, à Paris ©Getty - Christophe Lehenaff
Quartier Beaugrenelle, à Paris ©Getty - Christophe Lehenaff
Publicité

Doit-on craindre une aggravation de la crise immobilière ? Alors que les taux d’intérêts ne font que grimper et que de moins en moins de logements sont construits, pourquoi l’État peine-t-il à trouver une issue de secours ?

Avec
  • Ingrid Nappi Économiste, professeure à l’École des Ponts et directrice de recherches à l’Institut Louis Bachelier
  • Robin Rivaton Essayiste, membre du conseil scientifique de la Fondapol
  • Xavier Lépine Président de l’institut de l’épargne immobilière et foncière (IEIF) et président-fondateur de La société des nouveaux propriétaires

Faut-il redouter une détérioration de la crise dans le secteur immobilier ? Avec la constante hausse des taux d'intérêt et la diminution de la construction de logements, pourquoi l'État semble-t-il avoir du mal à trouver une solution à cette impasse ?

Comment expliquer la crise actuelle du logement ?

Si la thématique de la “crise du logement” ne date pas d’hier, il semble aujourd’hui que le marché du logement soit dans une situation tout à fait particulière, selon Robin Rivaton, entrepreneur, essayiste et patron de la société Stonal AI : “aujourd’hui, on affronte une crise conjoncturelle qui touche tous les pays du monde. Elle est due à l’augmentation des taux directeurs des Banques centrales, qui a asséché le pouvoir d’achat des primo-accédants et le monde du logement social. Tous ces publics se sont retrouvés en incapacité à rembourser des sommes importantes pour pouvoir acheter du logement neuf.” Par conséquent, les entreprises du bâtiment n’ont plus de commandes et l'emploi baisse. Pour Ingrid Nappi, économiste et professeure à l’école des Ponts Paris Tech, “la crise existe depuis 2008, une période complètement exceptionnelle dans l’histoire économique de la France depuis l’après-guerre. C’est non seulement une crise conjoncturelle, mais aussi structurelle, avec une crise du pouvoir d’achat des ménages, donc de l’offre. Le secteur de l’industrie de construction est en crise.”

Publicité

Une production de logements insuffisante

Cela fait longtemps qu’on ne produit pas assez de logements en France : le chiffre mythique des 500 000 logements par an n’a quasiment jamais été atteint. “Ce serait l’augmentation du stock nécessaire pour pouvoir accommoder les besoins d’une population en croissance. Aujourd’hui, on est plutôt à 350 000 logements construits par an environ. On a un autre indicateur : en Île-de-France, on a 1,5 million de personnes qui sont dans des foyers en suroccupation et ainsi, on pourrait avoir une idée du nombre de logements à construire en plus”, explique Robin Rivaton. De plus, il y a de grandes disparités à l’échelle du territoire et ce sont les métropoles qui concentrent principalement la croissance démographique. Face à ce problème, Ingrid Nappi préconise la réhabilitation des logements urbains anciens : “aujourd’hui, dans une économie circulaire qu’on tend à développer, la véritable question serait de regarder plus précisément le parc du logement que des constructions neuves. Il faut d’abord recycler et rénover l’existant. Il faut recycler le foncier actuel”.

L'Invité(e) des Matins
41 min

"Zéro artificialisation nette" ?

Le dispositif “zéro artificialisation nette” est une mesure datant de 2017 ressortie des cartons après la Convention Citoyenne pour le Climat. Elle consiste à dire que d’ici à 2030, les communes doivent diviser par deux le rythme d'artificialisation des sols. Ingrid Nappi critique la manière dont les pouvoirs publics reprennent ce dispositif en alertant plutôt sur la “nécessité de s’attaquer aux sols déjà artificialisés avant d’en artificialiser de nouveaux”, quand Robin Rivaton explique que certaines municipalités ou régions essaient de le contourner, voire de l’annuler, à l’image de Laurent Wauquiez. Xavier Lépine quant à lui, président de l’institut de l’épargne immobilière et foncière (IEIF), critique ce genre de mesure conjoncturelle qu’il estime inutile : “de mon point de vue, la crise est structurelle. Cela fait quarante ans que le prix du logement augmente plus vite que les revenus. Cette situation n’est pas bonne, mais on ne trouvera pas des solutions par des mesures conjoncturelles. Il faudrait plutôt changer les structures, et ne pas s’en remettre sans arrêt à l’État.”

Les Enjeux territoriaux
16 min

L'équipe