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Quels types d'armes nucléaires pourrait déployer Vladimir Poutine en Biélorussie?

Le président russe Vladimir Poutine accueilli par son homologue biélorusse Alexandre Loukachenko lors d'un sommet à Minsk, le 10 octobre 2014.

Le président russe Vladimir Poutine accueilli par son homologue biélorusse Alexandre Loukachenko lors d'un sommet à Minsk, le 10 octobre 2014. - MAXIM MALINOVSKY / AFP

Le président russe a déclaré samedi que Moscou allait prochainement envoyer en Biélorussie voisine des "armes nucléaires tactiques", et que 10 avions biélorusses avaient déjà été équipés pour mener des frappes.

Comme une rengaine, le président russe Vladimir Poutine a une nouvelle fois brandi la menace nucléaire samedi, dans le cadre du conflit en Ukraine. Après avoir placé dès février 2022 ses armes atomiques "en état d'alerte au combat", et avoir révélé en octobre que les "forces de dissuasion" russes s'étaient livrées à un entraînement, il a cette fois dévoilé des mesures concrètes.

La Biélorussie voisine, qui n'est officiellement pas impliquée dans le conflit, mais qui aurait déjà servi de base arrière pour les troupes de Moscou selon les dires de Kiev, s'apprête à recevoir des armes nucléaires russes "tactiques" sur son territoire.

"Il n'y a rien d'inhabituel ici: les Etats-Unis font cela depuis des décennies. Ils déploient depuis longtemps leurs armes nucléaires tactiques sur le territoire de leurs alliés", a précisé Vladimir Poutine.

Des armes atomiques "tactiques"

Depuis février 2022 et le début de la guerre, la notion d'arme nucléaire "tactique" a été évoquée à maintes reprises, au gré des menaces proférées par Vladimir Poutine. Théoriquement, une arme tactique vise à la destruction d'un objectif militaire précis, comme une ville ou une zone géographique. Elle est considérée de "faible" puissance, entre 1 et 100 kilotonnes.

Elle vient s'opposer aux armes dites "stratégiques", au cœur de la notion de dissuasion, qui ont elles une capacité de destruction massive, avec une puissance de plusieurs mégatonnes.

Mais dans les faits, le recours à une arme nucléaire tactique serait perçu par la communauté internationale comme une agression injustifiable, notamment par l'Otan. L'ancien directeur de la CIA David Petraeus avait dévoilé en octobre dernier sur la chaîne ABC qu'en cas de frappe nucléaire russe, les alliés occidentaux répondraient en éliminant "toutes les forces conventionnelles russes que nous pouvons voir".

Car bien que considérées comme moins puissantes que leur version stratégique, les armes tactiques peuvent causer des dommages irréversibles.

"Ces bombes détruisent tout sur une zone de plusieurs dizaines de kilomètres carrés, les humains, la nature, les infrastructures et les réseaux de communication. Mais aussi, la zone sera contaminée par les radiations pendant une longue période et empêchera quiconque d'y pénétrer", expliquait à BFMTV en octobre dernier le colonel Michel Goya.

La bombe qui a détruit la ville japonaise de Hiroshima en 1945 serait aujourd'hui perçue comme tactique, car possédant une puissance d'environ 15 mégatonnes.

Dix avions biélorusses déjà équipés

Le recours à ces armes nucléaires tactiques peut se faire via une bombe, un obus ou encore un missile, tous capables de supporter une tête nucléaire. De précédentes déclarations faites par le président biélorusse Alexandre Loukachenko peuvent permettre d'éclairer le type d'armement qui pourrait être déployé en cas de frappe nucléaire russe.

Le président biélorusse avait dévoilé en décembre dernier, lors d'une rencontre avec Vladimir Poutine, que Moscou avait remis à Minsk "les systèmes de missiles S-400, et surtout, le système Iskander".

Ce dernier regroupe des missiles balistiques de courte ou moyenne portée de conception russe, pouvant transporter une tête nucléaire, et donc potentiellement mobilisables pour une frappe nucléaire tactique.

Alexandre Loukachenko avait à l'époque ajouté qu'"avec les Russes, nous formons des équipages capables de piloter des avions qui transportent ces charges utiles spécifiques".

Une initiative précisée ce samedi par Vladimir Poutine: "À partir d'avril, nous commençons à former les équipages. Et le 1er juillet, nous terminerons la construction d'un entrepôt spécial pour les armes nucléaires tactiques sur le territoire de la Biélorussie".

Puis d'ajouter: "Nous avons déjà aidé nos collègues biélorusses et équipé leurs avions (…) sans violer nos engagements internationaux en matière de non-prolifération des armes nucléaires. Dix avions sont prêts à utiliser ce type d’arme".

La menace des obus appauvris en uranium

En plus de ces armes nucléaires tactiques, la Russie pourrait-elle également avoir recours à des obus appauvris en uranium sur le champ de bataille ukrainien? C'est du moins la menace qu'a également laissé planer Vladimir Poutine.

Tout est parti des déclarations faites lundi 20 mars par la vice-ministre de la Défense britannique Annabel Goldie, qui a indiqué dans une réponse à un parlementaire que le Royaume-Uni comptait fournir à Kiev des obus "contenant de l'uranium appauvri".

Ces munitions sont présentées comme particulièrement utiles pour percer le blindage des véhicules militaires, de par leur forte densité. Dans un document publié sur le site de l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire (Irsem), il est indiqué que "l’uranium appauvri est utilisé dans de nombreux domaines en raison de sa densité qui est particulièrement élevée (...) dans l’industrie aéronautique et spatiale mais également pour les quilles des bateaux. Il est aussi utilisé le domaine de l’armement en raison de sa très forte capacité perforante".

Mais la radioactivité de ces munitions demeure un élément de débat. L'Irsem précise que lorsque des obus en uranium appauvri sont tirés, "une partie est pulvérisée sous forme de petites particules de deux à dix microns d’oxyde d’uranium qui sont vaporisées dans l’espace". Inhalées, elles peuvent entraîner des pathologies rénales. Mais la radiotoxicité de la munition, qui pourrait déboucher sur des leucémies, est encore débattue, tout comme son impact sur l'environnement.

Après les propos de Londres, Vladimir Poutine a en tout cas assuré que ces obus en uranium appauvri faisaient partie des munitions "les plus dangereuses", car elles entraînent "des poussières de radiation".

"La Russie, bien sûr, a de quoi répondre. Nous avons, sans exagérer, des centaines de milliers d’obus de ce type. Nous ne les utilisons pas pour le moment", a-t-il assuré.

Ce lundi, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a précisé que malgré la pluie de critiques occidentales causée par les récentes déclarations de Vladimir Poutine, Moscou ne changera pas ses objectifs en Biélorussie.

Jules Fresard