"50% des photos échangées sur les réseaux pédopornographiques sont publiées en ligne par les parents"

Publié le 9 mars 2023 à 19h32
"50% des photos échangées sur les réseaux pédopornographiques sont publiées en ligne par les parents"

Les députés ont adopté lundi 6 mars des mesures pour protéger l'intimité des enfants dans l'univers numérique.
À cette occasion, le macroniste Bruno Studer a cité un chiffre inquiétant : un enfant apparaît en moyenne "sur 1300 photographies publiées en ligne avant l'âge de 13 ans".
Même innocentes, ces photos peuvent ensuite se retrouver sur des réseaux pédocriminels.

Mises en scène dégradantes pour faire rire sur TikTok, influenceurs qui font commerce de leur vie de famille, mais aussi photos que les parents croient banales et qui sont publiées sur internet sans retenu... Le "droit à l'image" des enfants sort trop souvent du cadre sur les réseaux sociaux, alertent pouvoirs publics et associations. 

Pour faire barrage à ces dérives, la proposition de loi sur le droit à l'image des mineurs, portée par le député Renaissance Bruno Studer, a été votée lundi 6 mars à l'unanimité. Ce texte vise à "responsabiliser les parents", mais aussi à montrer aux mineurs que "les parents ne disposent pas d'un droit absolu sur leur image", a fait valoir l'élu du Bas-Rhin.

Les parents publient 100 images de leur enfant par an

"Les parents doivent exercer le droit à l'image de leur enfant dans le respect de sa vie privée, et en l'y associant", résume le député qui affirme par ailleurs qu'un enfant apparaît en moyenne "sur 1300 photographies publiées en ligne avant l'âge de 13 ans". Bruno Studer s'appuie sur une étude de l'agence britannique Opinium pour la société Nominet, menée en février 2018 auprès d'un panel représentatif de 2001 parents habitants au Royaume-Uni et ayant des enfants de 0 à 13 ans. Elle concluait que ces parents partageaient en moyenne 71 photos et 29 vidéos par an de leurs enfants à partir de leur naissance sur leurs réseaux sociaux personnels. Cela fait 100 images différentes par an jusqu'à leurs 13 ans, l'âge auquel il est possible de s'inscrire sur les réseaux sociaux.

Pour la commissaire à l'enfance au Royaume-Uni, Anne Longfield, qui a repris cette étude, cette quantité d'informations va même exploser lorsque les enfants commencent à publier sur les réseaux sociaux. "Les enfants âgés de 11 à 16 ans postent sur les réseaux sociaux 26 fois par jour - s'ils continuent au même rythme, cela représente un total de près de 70.000 publications à l'âge de 18 ans", alerte-t-elle. 

Une aubaine pour les pédocriminels

Ce sondage révèle par ailleurs que les parents mettent en péril la vie privée de leurs enfants avec de mauvaises habitudes de partage sur les réseaux sociaux. 22% d'entre eux permettent en effet à des inconnus de voir leurs publications sur Facebook, tandis que 61% disent que moins de la moitié de leurs amis sur Facebook sont de "vrais amis". De plus, 13% des parents interrogés n'ont jamais revu leurs paramètres de confidentialité ou ne savent pas comment le faire, tandis que 20% ne les a pas vérifiés depuis plus d'un an. Résultat, la diffusion à outrance de photos ou vidéos jugées banales, mais qui restent des années sur le net, peut constituer de sérieuses entorses au droit à l'image des enfants, mettent en garde les associations. 

"Voir à l'adolescence ressurgir des photos de soi sur un pot de chambre, c'est pas idéal pour la confiance en soi", déplore Thomas Rohmer, président de l'Observatoire de la Parentalité et de l'Éducation Numérique (Open). "Cela peut exposer l'adolescent au harcèlement et dégrader la relation avec ses parents." Plus grave, ces photos, même innocentes, peuvent se retrouver sur des réseaux pédocriminels. "50% des photos qui s'échangent sur les forums pédopornographiques avaient été initialement publiées par les parents sur leurs réseaux sociaux. Certaines images, notamment les photos de bébés dénudés ou de jeunes filles en tenue de gymnastique, intéressent tout particulièrement les cercles pédocriminels", a expliqué le député Studer se basant sur un rapport du National Center for Missing and Exploited Children.

"Photos de vacances, d'enfants en tutu : les prédateurs fantasment dessus, les échangent, voire, grâce aux données diffusées sur l'enfant, peuvent essayer d'accéder à lui ou ses parents", prévient de son côté Socheata Sim, responsable de l'association Caméléon, qui lutte contre la pédocriminalité. Depuis 2020, Europol et Interpol alertent également sur la prévalence des contenus autoproduits par les jeunes ou par leur entourage dans les échanges pédocriminels.

Les chiffres de l'étude anglaise datant de 2018, il est à espérer que la pratique des parents, davantage sensibilisés aux dangers d'internet, a évolué dans le bon sens. 100 images publiées par an, c'est beaucoup, mais la précédente étude "Share with Care" de Nominet, de 2016, avait révélé que les parents publiaient alors en moyenne 299 photos de leurs enfants sur les réseaux sociaux chaque année. Il y a donc du mieux. "C'est peut-être dû au fait que les parents sont devenus plus conscients de 'sur partager' leurs photos", conclut Nominet. "Ou alors, ils sont passés à des applications de messagerie de groupe privées comme WhatsApp."


Virginie FAUROUX

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