« Si on veut électrifier de plus en plus de choses, on doit produire plus d’électricité en Suisse. Une politique climatique commence avec une politique énergétique », a affirmé Albert Rösti, le nouveau ministre de l’énergie et de l’environnement helvétique, quelques heures après que la population suisse a adopté par 59,1 %, dimanche 18 juin, un projet de loi du Conseil fédéral (gouvernement de coalition) fixant la neutralité carbone du pays pour 2050. Paradoxe du système helvétique de consensus, ce ministre a dû défendre une politique à laquelle il ne croit pas lui-même.
L’homme est issu de l’UDC (souverainiste et europhobe), un parti opposé frontalement à toute mesure à coloration écologique, et qui compte de nombreux climatosceptiques dans ses rangs. Albert Rösti était lui-même jusqu’à la fin de l’année 2022 le principal lobbyiste de l’industrie pétrolière. Que sa conversion soit sincère ou de façade, il s’est réjoui que le Conseil fédéral dispose dès à présent d’un « mandat clair » pour mener une politique en conformité avec l’accord de Paris sur la lutte contre le réchauffement climatique.
Mais de quel mandat s’agit-il ? Le texte est en réalité une nouvelle mouture, édulcorée, d’une initiative précédente, beaucoup plus radicale, de la gauche rose-verte, refusée de justesse (48 % de oui) par les Suisses, il y a tout juste deux ans. Elle proposait l’abandon pur et simple des énergies fossiles à la même échéance, au risque de brusquer la population. Or, rien de tout cela ne figure dans la loi qui vient d’être validée.
Les énergies renouvelables « encouragées »
Soucieuses d’éviter le sentiment d’une écologie punitive pour le budget des ménages, les autorités ont ménagé les susceptibilités en abandonnant contraintes et taxes spéciales, auxquelles elles ont préféré les « incitations ». Le passage aux énergies décarbonées, produites localement, se fera en douceur. Le texte de loi prévoit ainsi jusqu’à 200 millions de francs suisses (environ 204,5 millions d’euros) par an pendant une décennie, pour convaincre les propriétaires immobiliers de troquer le chauffage au mazout pour les pompes à chaleur. Les industries qui investissent dans des technologies innovantes, comme la capture et le stockage du CO2, seront soutenues.
Les énergies renouvelables seront « encouragées », assure également le texte. Le territoire helvétique a cruellement besoin de nouvelles capacités de production, si possible de grande ampleur. Car, dans ce domaine, la Confédération accuse déjà un retard important sur ses voisins, en raison de la possibilité, offerte par le droit suisse aux opposants locaux, de bloquer le développement de tout projet pendant des décennies, même quand ils sont d’intérêt national. Le pays ne compte qu’une trentaine d’éoliennes, cent fois moins que l’Autriche voisine, dont le territoire alpin est comparable. Le bât blesse aussi pour l’énergie solaire : dans les hautes vallées du canton du Valais, plusieurs projets de grands parcs solaires comme celui de Grengiols suscitent une fronde d’une intensité inédite.
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