C’est une situation extrême. La banquise antarctique a battu un record de fonte, avant même la fin de l’été austral. Elle est tombée à 1,91 million de km2, lundi 13 février, soit l’étendue la plus faible jamais enregistrée depuis le début des relevés satellites, en 1979, selon le Centre national américain de données sur la neige et la glace (NSIDC). Ce rétrécissement continue de s’aggraver jour après jour, alors que la glace de mer du pôle Sud n’atteint son minimum annuel qu’autour de la fin février-début mars.
« On est peut-être en train de basculer dans un régime où la banquise antarctique n’est plus immunisée contre le changement climatique », prévient François Massonnet, climatologue à l’Université catholique de Louvain (Belgique). Plus largement, tout le continent blanc, dont on croyait, il y a plusieurs décennies, qu’il pouvait résister aux assauts des émissions de gaz à effet de serre, donne des signes de vulnérabilité.
La banquise antarctique, qui connaît chaque année son étendue minimale en février-mars avant de croître jusqu’à un maximum mi-septembre, est soumise à une forte variabilité annuelle. Elle a toutefois connu une expansion entre les années 2005 et 2015, dépassant fréquemment 3,5 millions de km2 au plus fort de la fonte estivale.
« Vague de chaleur marine extraordinaire »
Ce phénomène est resté un mystère pour les scientifiques alors qu’en parallèle, la banquise arctique ne cessait de disparaître davantage année après année, sous l’effet du réchauffement. Mais l’année 2016 a marqué un renversement de situation. Depuis, à toutes les saisons, la glace de mer du pôle Sud enregistre des superficies anormalement basses. Avant cette année, les précédents records d’étendue minimale dataient de 2022 et 2017.
Faute de pouvoir effectuer des relevés systématiques dans une région hautement inhospitalière, les scientifiques en sont réduits à des conjectures. Des vents d’ouest plus forts que la moyenne ont apporté de l’air chaud des deux côtés de la péninsule antarctique. « Mais cela n’explique pas la superficie très faible enregistrée dans l’ensemble des bassins », note François Massonnet. Il émet l’hypothèse qu’un réchauffement des océans a fait fondre la banquise sous sa surface. « Il faudrait le confirmer et chercher à savoir si c’est lié aux émissions de gaz à effet de serre », précise-t-il.
Le scientifique Carlos Moffat, de l’université du Delaware, aux Etats-Unis, récemment rentré d’une croisière de recherche dans l’océan austral, évoque une « vague de chaleur marine extraordinaire ». « Même si j’observe ces systèmes changeants depuis quelques décennies, j’ai été surpris par le degré de réchauffement que j’ai constaté », a-t-il déclaré au site Inside Climate News. En 2022, l’est de l’Antarctique avait connu un épisode de chaleur sans précédent, cette fois de l’air, avec des températures jusqu’à 40 °C supérieures aux normales de saison.
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