C’est un sujet que les responsables politiques de tous bords esquivent scrupuleusement. Lorsque l’hypothèse d’un effort des retraités est évoquée pour participer à la résorption du déficit de notre système par répartition, les portes se ferment. De gauche à droite, le débat semble impossible. Et le gouvernement l’a écartée d’emblée dans son projet de réforme : pas question de prendre des mesures qui auraient pour effet de dégrader le montant des pensions. Une orientation dont le bien-fondé est discuté, voire critiqué, par quelques économistes et une poignée de francs-tireurs, au nom de l’équité entre générations, notamment après la crise liée au Covid-19, lors de laquelle la protection de nos aînés a été érigée en priorité.
La doctrine du pouvoir en place a été énoncée par Emmanuel Macron, durant la campagne présidentielle 2022. « Le système (…) ne permet plus de financer les retraites, déclarait le chef de l’Etat sortant, quelques jours avant le premier tour. La question, c’est : comment on l’ajuste ? En baissant les pensions ? Ce n’est pas juste. » A travers ce propos tranché, il exprimait implicitement son aversion pour deux scénarios : revaloriser les retraites à un rythme inférieur à l’inflation – c’est-à-dire les sous-indexer par rapport à l’évolution des prix – et augmenter le taux de la contribution sociale généralisée (CSG) applicable aux pensions.
Depuis, l’exécutif et ses alliés s’astreignent à cette ligne. « Ce qu’on exclut (…), c’est de baisser le montant des retraites », a affirmé la première ministre, Elisabeth Borne, le 1er décembre 2022, dans un entretien au quotidien Le Parisien. « Cibler certains retraités (…), ce serait déstabiliser le contrat social », a renchéri, dans Les Echos, le 8 janvier, le président du MoDem, François Bayrou, qui appelait pourtant à « garantir une juste répartition des efforts ». Le ministre du travail, Olivier Dussopt, l’a martelé, dimanche 15 janvier, sur France Inter : « Notre objectif est de financer cette réforme par le travail, de ne pas amputer le pouvoir d’achat des retraités, quels qu’ils soient, quel que soit leur revenu. »
« Ligne rouge absolue »
La quasi-totalité des députés de la majorité tiennent le même discours. « Baisser les pensions, c’est une ligne rouge absolue », a lancé Aurore Bergé, la présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale, le 8 janvier, sur France 5. « Je ne vois pas trop ce que signifie mettre à contribution les retraités pour financer notre système par répartition, commente Eric Woerth, député Renaissance de l’Oise, auprès du Monde. Ils y participent déjà, notamment en payant la CSG. Il faut préserver le niveau des pensions. » « Mettre les retraités à contribution est un non-sens total », estime Nicolas Turquois, député Démocrate de la Vienne et co-auteur, en 2021, d’un rapport sur les petites pensions.
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