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TGV: qui est Kevin Speed qui veut concurrencer la SNCF avec ses trains rapides en 2028?

Ce nouvel opérateur français entend lancer des liaisons vers Lille, Strasbourg et Lyon avec une desserte des gares intermédiaires et une approche tarifaire "abordable". Il vient de signer un accord avec SNCF Réseau pour accéder aux capacités nécessaires.

Après Trenitalia et la Renfe et bientôt la compagnie Le Train, un nouvel acteur se positionne sur le le marché de la grande vitesse ferroviaire en France afin de concurrencer la SNCF. Son nom? Kevin Speed et son service ilisto.

Derrière ces noms mystérieux, on trouve une entreprise française fondée en 2021 et dirigée par Laurent Fourtune (un expert des transports urbains notamment avec la RATP) associé à quatre experts du rail.

Leur idée: offrir "la grande vitesse pour tous, tous les jours" avec "des trains rapides (300 km/h) et abordables (low-cost) entre les métropoles et les villes situées proches de celles-ci à l’horizon", soit une desserte fine des territoires mais à grande vitesse, à mi-chemin entre le TGV et l'Intercités avec des "rotations rapides et nombreuses".

Des rotations rapides et nombreuses

Trois premières lignes sont au programme avec l'objectif de se lancer commercialement fin 2028 à travers 16 passages quotidiens dans chaque sens:

  • Lille-Paris,
  • Strasbourg-Paris et
  • Lyon-Paris en desservant toutes les gares TGV intermédiaires.
Carte des dessertes de Kevin Speed
Carte des dessertes de Kevin Speed © Kevin Speed

Côté modèle économique, Laurent Fourtune explique à l'AFP: "Plus on voyage, moins on paye. Avec les prix d'attaque qu'on a prévus, nos trains seront pleins". Et d'évoquer 3 euros aux 100 km en heure creuse pour les trains à destination de Strasbourg et Lille, et à partir de 5 euros aux 100 km en heure creuse pour ceux partant pour Lyon.

Pas de réservations et un paiement à l'usage

Il n'y aura pas de réservations. "On passe en tapant avec sa carte ou son téléphone, 
et on est facturé en fonction des voyages effectués", peut-on lire sur le site de la compagnie.

L'offre vise notamment les télétravailleurs. "Avec la pratique du télétravail et l'envie de vivre loin des très grandes villes, le "commuting" se développe. Le commuting, c'est le fait de voyager fréquemment et librement pour relier son ou ses lieu(x) de vie et de travail. Mais, l'offre de trains ou de cars est mal adaptée (pas assez de fréquence, abonnements beaucoup trop chers) et limite ces nouveaux modes de vie à ceux qui en ont les moyens", explique l'opérateur.

La promesse est intéressante, mais on le sait, les projets de ce type se heurtent souvent à des barrières multiples et coûteuses: autorisations, homologations, accès au réseau, achat de matériel roulant... De quoi exiger des investissements colossaux et beaucoup de temps.

Le dossier est en tout cas assez solide pour convaincre le gouvernement et SNCF Réseau qui gère l'accès aux voies. Ce jeudi, en présence du ministre des Transports Patrice Vergriete, l’opérateur a conclu avec SNCF Réseau un accord-cadre sur 10 ans pour l'utilisation des sillons nécessaires lorsque tout sera prêt.

Première étape essentielle

"La signature d’un accord-cadre de réservation de capacité avec SNCF Réseau montre l’engagement du réseau français pour donner de la certitude à Kevin Speed afin de lancer son service ilisto sur le long terme", se félicite Laurent Fourtune, président de Kevin Speed.

"Le projet de Kevin Speed est un exemple concret de ce que notre Gouvernement soutient depuis plusieurs années en faveur de l’augmentation de la part modale du train", ajoute Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des Transports.

L'étape est essentielle mais ce n'est qu'une étape. La nouvelle compagnie précise d'ailleurs bien qu'il lui faudra obtenir l'aval de l’Autorité de Régulation des Transports (ART) qui devra "vérifier que ces trois lignes ilisto sont bien complémentaires de celles conventionnées par les Régions Hauts-de-France, Grand Est, Bourgogne-Franche-Comté et Auvergne-Rhône-Alpes".

Et il y a la question des trains. En l'absence totale de marché de l'occasion, Kevin Speed devra faire comme Le Train, acheter des TGV neufs très coûteux. L'opérateur affirme s'être engagé à acheter 20 nouvelles rames à Alstom, "elles sont spécialement conçues afin de répondre aux besoins du plan d'affaires innovant d’ilisto", peut-on lire dans un communiqué.

Selon nos informations Kevin Speed aurait opté pour la gamme de TGV Avelia d'Alstom.

TGV neufs: rien de signé avec Alstom

Problème, les délais de fabrication sont aujourd'hui très longs à cause de multiples facteurs, et Alstom a un carnet de commandes déjà très rempli, il est d'ailleurs en retard sur de nombreux projets.

Se lancer en fin 2028 veut dire commencer à recevoir des trains en 2026 afin de mener des essais et obtenir les autorisations et homologations de circulation. Un délai qui paraît assez court au vu du contexte: il faut désormais presque 4 ans pour fabriquer des rames.

L'autre nouvel entrant, la compagnie Le Train qui a commandé des trains à grande vitesse à l'espagnol Talgo accuse par exemple de nombreuses années de retard sur son plan de route.

Contacté par BFM Business, Alstom "confirme être discussions exclusives avec Kevin Speed pour la fourniture de rames. A ce stade, Alstom a un accord d'exclusivité qui pourra conduire à la signature d'un contrat courant 2024". Rien de signé donc et la question des délais n'est pas évoquée.

En quête d'un milliard d'euros

Quant au financement, le point le plus délicat pour tout opérateur qui part de zéro (comme Le Train), tout se passe par des levées de fonds et/ou des emprunts bancaires.

L'été dernier, Kevin Speed annonçait sur le plateau de Good Morning Business une première levée de fonds de 4 millions d'euros. Un fonds d'amorçage encore anecdotique.

Rien que pour les rames, la maintenance et la formation des conducteurs, 1 milliard d'euros seront nécessaires. La jeune entreprise espère ainsi réaliser la levée de fonds nécessaire d'ici cet été (ce qui semble audacieux) et compte également sur le soutien de BPI france.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business