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8 semaines de vacances: faut-il réduire la coupure estivale des enfants?

Édouard Philippe a relancé le débat de la durée des vacances d'été en plaidant pour une réduction de celles-ci. Selon les spécialistes, cette coupure est nécessaire et c'est plutôt le rythme scolaire général qui devrait être remis en cause.

Elles approchent à grands pas. Le 8 juillet prochain marquera la fin de l'année scolaire et le début des "grandes vacances" pour les élèves du primaire et du secondaire. Le début d'une longue période de près de huit semaines sans heures de cours ni devoirs, avant un retour en classe le 4 septembre prochain.

Si cette période est souvent très attendue par les enfants, elle fait aussi tous les ans l'objet de critiques. Cette année, c'est l'ancien Premier ministre et maire du Havre Édouard Philippe qui relance le débat. Il a dressé vendredi les contours de sa vision de l'école lors d'une réunion publique à Bordeaux.

"Si nous disons que le système éducatif a pour but essentiel l'éducation des enfants et pas forcément, ni le confort des professeurs, ni le confort des parents, alors, nous devrons accepter l'idée de nous poser des questions qui fâchent", a défendu le président du parti Horizons.

Il a ainsi appelé à une "réorganisation des rythmes sur l'année", remettant notamment en cause la coupure estivale, pour éviter la reproduction des inégalités. Une proposition déjà avancée par Yannick Jadot au moment de l'élection présidentielle l'année dernière.

Les écarts se creusent pendant les vacances

En effet, dans une note d'information publiée le 17 avril dernier, la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) explique que, selon une étude menée auprès d'élèves entrés en CP en 2020, cette année scolaire permet de réduire les écarts de performance entre les élèves du secteur public et ceux issus d'établissement d'éducation prioritaire, mais qu'ils augmentent à nouveau après les vacances d'été.

Aussi, plus globalement, le niveau de performance des élèves après les vacances estivales stagne ou baisse dans de nombreux domaines des mathématiques.

Une conférence nationale sur les rythmes scolaires organisée en 2011 pointait déjà des disparités entre élèves créées par une utilisation différente des vacances scolaires selon les milieux.

"La durée des vacances d’été est source de disparité: vacances familiales, culturelles, activités enrichissantes pour les uns, vacuité d’un temps non mobilisé, télévision et ennui pour les autres, livrés à eux-mêmes", soulignait le rapport.

"Les vacances, c'est une récompense"

Mais puisqu'Édouard Philippe semble vouloir mettre "l'éducation des enfants" au centre de sa réflexion sur le rythme scolaire, qu'en pensent les professionnels de santé? De longues vacances d'été sont-elles nécessaires aux élèves ou peuvent-elles être revues à la baisse?

"Pour les enfants, c'est une récompense les vacances, ils les attendent", commence par rappeler Aline Nativel Id Hammou, psychologue clinicienne, à BFMTV.com.

"Ça permet de se reposer, de changer de rythme, de faire des activités autres que scolaires, c'est aussi un moment de retrouvailles avec la famille souvent, donc c'est un moment nécessaire et vital", abonde celle qui voit passer de nombreux enfants et adolescents en consultation.

Aline Nativel Id Hammou rappelle aussi "qu'être dans une posture d'élève n'est pas si évident que ça". Cela "demande beaucoup d'énergie aux enfants, c'est un peu leur travail à eux au quotidien", estime-t-elle. Et au travail scolaire s'ajoutent aussi "toutes les choses" qui se passent pour eux à cette période de la vie.

Donc ces "grandes vacances" sont "psychologiquement, physiologiquement et émotionnellement" nécessaires pour que les élèves s'investissent dans leur scolarité à la rentrée.

Réorganiser le rythme des journées de cours?

Si la psychologue est favorable au maintien des vacances estivales, elle plaide par ailleurs pour une révision "des rythmes scolaires en général". Les journées de cours devraient être organisées en prenant mieux en compte le rythme physiologique des enfants, donc leur sommeil et leur alimentation, mais aussi leurs capacités intellectuelles.

"Par exemple, des élèves qui ont un cours de mathématiques à 8 heures le matin, c'est normal qu'ils ne soient pas réceptifs d'un point de vue physique et intellectuel", abonde Aline Nativel Id Hammou.

Elle préconise alors de privilégier le travail intellectuel le matin, mais pas trop tôt, et des activités "moteur, qui font travailler le corps" en deuxième partie de journée.

Mêmes conclusions pour les chercheurs de l'Académie de médecine qui estimaient dans un rapport publié en 2010 qu'il faut prendre en compte les facteurs du sommeil, des variations de performances au cours de la journée, des variations annuelles de résistance à l'environnement mais aussi le stress et le surmenage liés à l'école.

Des vacances "en dessous de la moyenne européenne"

En comparaison avec nos voisins européens, les écoliers français ont certes beaucoup de vacances scolaires, mais ils en ont peu l'été. En 2022-2023, le gouvernement a fixé à 182 le nombre de jours de classe et à 864 le nombre d'heures de cours. Le tout entrecoupé par 16 semaines de vacances, dont deux à la Toussaint, à Noël, en février, au printemps et huit l'été.

La Suisse est le pays qui prévoit le moins de vacances scolaires en Europe avec 10 semaines annuelles, suivie par le Pays-Bas avec 11 semaines, et l'Allemagne avec 12 semaines. À l'inverse, l'Irlande est le pays qui en prévoit le plus avec 19 semaines.

Quant aux vacances d'été, elles durent cinq semaines en Suisses, six au Royaume-Uni, en Allemagne et aux Pays-Bas. Vient ensuite la France et ses huit semaines, puis la Pologne (neuf semaines), l'Italie (13 semaines), et enfin le Portugal et l'Islande (13 semaines).

"La France est tout à fait dans la moyenne et même en dessous de la moyenne sur la durée des vacances d'été en Europe" rappelle Jean-Rémi Girard, président du syndicat de l'éducation nationale et du supérieur sur BFMTV.

Réchauffement climatique et manque d'enseignants

Au-delà de la nécessité des vacances pour les enfants, il appelle aussi à prendre en compte le réchauffement climatique dans l'organisation du rythme scolaire.

"Je ne crois pas que mettre les élèves par paquet de 30 ou 35 dans des salles de classe en juillet et en août soit une idée révolutionnaire", juge-t-il.

Il plaide alors pour la mise en place d'aides pour les familles défavorisées afin de "ne pas abandonner les enfants pendant les vacances" mais rejette l'idée d'une diminution de leur durée. Cela serait dans tous les cas difficile à mettre en place, selon lui, en raison des difficultés de recrutement dans le monde de l'enseignement.

Emilie Roussey