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IVG dans la Constitution : "Liberté" ou "droit", qu'est-ce que ça change ?

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  • France Bleu

Le Sénat a approuvé ce mercredi le principe d'inscription dans la Constitution de la "liberté garantie à la femme d'avoir recours à une" IVG. Que signifie cette formulation et en quoi est-elle différente du "droit" à l'avortement ?

Le gouvernement espère réunit le Congrès le 5 mars. Le gouvernement espère réunit le Congrès le 5 mars.
Le gouvernement espère réunit le Congrès le 5 mars. © AFP - Xose Bouzas

Après les députés, les sénateurs ont approuvé le principe d'inscription dans la Constitution de la "liberté garantie à la femme d'avoir recours à une" IVG ce mercredi. Une révision constitutionnelle implique que les deux chambres adoptent le même texte. En quoi cette formulation, compromis politique retenu dans le texte, diffère-t-elle d'un "droit à l'IVG" préconisé par les féministes ?

Dans le détail, le projet de loi prévoit d'insérer à l'article 34 de la Constitution que "la loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse".
Avec la formule "liberté garantie", l'exécutif tente de trouver une voie médiane entre l'Assemblée, qui avait adopté fin 2022 un texte LFI pour garantir "l'effectivité et l'égal accès au droit à l'IVG", et le Sénat, qui avait adopté une version modifiée évoquant la "liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse".

"Le mot 'garanti' vise à créer un bouclier protecteur qui protège le droit à l'IVG tel qu'il est défini aujourd'hui (délais, remboursements...)", a indiqué à l'AFP le rapporteur du texte Guillaume Gouffier-Valente (Renaissance).

Qu'est-ce que ça change ?

Dans son avis sur le projet de loi constitutionnelle du 12 décembre, le Conseil d'État considère que "la consécration d'un droit à recourir à l'interruption volontaire de grossesse n'aurait pas une portée différente de la proclamation d'une liberté".

Concrètement, la formulation retenue "signifie qu'aucune loi ne pourra dire explicitement que la femme n'a pas la liberté de recourir à l'IVG", selon Laureline Fontaine, professeure de droit constitutionnel à la Sorbonne Nouvelle Paris 3. En revanche, "le texte ne dit rien sur les conditions dans lesquelles cette liberté s'exerce. C'est à la loi de le dire", rappelle-t-elle.

Toutefois, "cela augmente les chances que, si demain une majorité parlementaire défavorable à l'IVG tente d'en changer les conditions - délai, remboursement -, le Conseil constitutionnel se sente fondé à censurer cette loi. Mais on ne peut pas dire avec certitude qu'il le ferait", décrypte Stéphanie Hennette-Vauchez, professeure de droit public à l'université Paris Nanterre.

"Si une loi change les délais légaux pour une IVG, le Conseil constitutionnel pourrait la juger conforme. Mais il pourrait aussi dire qu'elle n'est pas conforme, en argumentant qu'à l'époque où la Constitution a été modifiée, le délai était de 14 semaines", confirme Laureline Fontaine. "Pour cela, il pourra regarder les débats au Parlement pour saisir quelle était l'intention du Constituant : s'il entendait par exemple maintenir les conditions dans lesquelles l'IVG est pratiquée aujourd'hui", poursuit-elle. Le "constituant" étant en l'occurrence les parlementaires qui seront réunis en Congrès, début mars, si le calendrier voulu par Emmanuel Macron est respecté.

Qu'en pensent les associations féministes ?

Les associations féministes réclamaient initialement un "droit à l'IVG" mais elles acceptent le compromis comme "le seul chemin possible vers un vote", selon la Fondation des Femmes. L'avis du Conseil d'État les a "rassurées" car "il donne aux termes 'liberté' et 'droit' la même valeur constitutionnelle", précise Albane Gaillot, chargée de plaidoyer au Planning familial.

Quant au mot "garanti", il est une demande des féministes "pour donner plus de poids", ajoute-t-elle. "Plus qu'un symbole, c'est une garantie contre un retour en arrière", souligne-t-elle, jugeant que l'IVG devient un "droit fondamental". Elle estime que désormais, "une femme qui aura des difficultés dans son département à obtenir une IVG pourra même se prévaloir de l'inscription de l'IVG dans la Constitution pour saisir le tribunal administratif", conclut-elle.

Que disent les opposants ?

Pour Alliance Vita, au contraire, "inscrire l'avortement dans la Constitution menace gravement d'autres libertés". L'association anti-IVG craint que cela ouvre la voie "à terme" à une "suppression par le législateur de la clause de conscience des soignants sur l'IVG, ou encore des délais limitant l'avortement".

Quelle est la suite pour le texte ?

La voie choisie, une révision constitutionnelle, nécessite que les deux chambres adoptent le même texte, pour espérer être entériné via un Congrès réunissant les deux chambres, l'Assemblée n'ayant pour une fois pas le dernier mot. Après le vote favorable des sénateurs, le Congrès sera réuni le lundi 4 mars. Pour réviser la Constitution, un vote à la majorité des trois cinquièmes des parlementaires est nécessaire.

Le président du Sénat, Gérard Larcher, s'était déclaré opposé à cette constitutionnalisation, estimant que l'IVG n'était pas "menacée dans notre pays". La droite sénatoriale était par ailleurs peu encline à faire un cadeau à l'exécutif : elle avait vécu comme une pression le fait que le gouvernement annonce une date pour réunir le Congrès à Versailles, ce qui supposait que le Sénat allait voter le texte tel quel.

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