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Coup d'Etat

Soudan : Khartoum en proie à des combats sur fond de rivalité entre deux généraux

Les troupes paramilitaires de Mohamed Hamdane Daglo revendiquent la prise de l’aéroporte et du palais présidentiel dans la capitale. L’armée régulière dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane dit mener des raids aériens en riposte.
par LIBERATION et AFP
publié le 15 avril 2023 à 14h17
(mis à jour le 15 avril 2023 à 14h18)

Un samedi de combats et d’incertitude à Khartoum. L’armée soudanaise a envoyé samedi son aviation contre les paramilitaires qui disent avoir pris le contrôle de l’aéroport et du palais présidentiel de la capitale, dans l’épisode le plus violent de la rivalité entre les deux généraux aux commandes depuis le putsch.

Les Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo, dit «Hemedti», assurent tenir l’aéroport international et le palais présidentiel et appellent l’ensemble de la population, parmi laquelle les soldats, à se retourner contre l’armée. En face, l’armée, dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane, dirigeant de facto du Soudan depuis son coup d’Etat du 25 octobre 2021, a dit que son aviation menait des «opérations» contre l’«ennemi».

A Khartoum, des journalistes de l’AFP ont entendu des survols au-dessus de bases des FSR alors que l’armée postait, sur son compte Facebook, la photo de l’une d’elles en feu dans le sud de Khartoum. Les deux camps s’affrontent également aux abords du siège des médias d’Etat, rapportent des témoins.

Tirs à l’arme lourde

Le conflit entre militaires et paramilitaires, latent depuis des semaines, a désormais pris un ton guerrier. Lors du putsch, Hemedti et Burhane avaient fait front commun pour évincer les civils du pouvoir. Mais au fil du temps, Hemedti - dont de nombreux hommes sont des ex-miliciens formés au combat dans la région du Darfour (ouest) - n’a cessé de dénoncer le coup d’Etat. Récemment même, il s’est rangé du côté des civils — donc contre l’armée dans les négociations politiques — bloquant les discussions et donc toute solution de sortie de crise au Soudan.

Depuis des jours, la rue bruissait de rumeurs sur une guérilla imminente entre les deux camps. Samedi matin, Khartoum s’est réveillée au son des tirs à l’arme lourde et légère et des explosions quasi ininterrompues. En quelques heures, les FSR ont annoncé avoir pris l’aéroport international de Khartoum, en plein cœur de la capitale, puis le palais présidentiel où siège habituellement le général Burhane, ainsi que le palais réservé aux hôtes de l’Etat, un aéroport du nord du pays et «d’autres bases dans différentes provinces».

L’armée dément la prise de l’aéroport mais assure que les FSR s’y sont «infiltrées et ont incendié des avions civils, dont un de la Saudi Airlines». Elle assure en outre avoir toujours le contrôle du QG de son état-major.

Divergences sur l’avenir des paramilitaires

Les habitants, eux, sont cloîtrés chez eux. «Comme tous les Soudanais, je reste à l’abri», a tweeté l’ambassadeur américain John Godfrey. «L’escalade des tensions entre militaires jusqu’à l’affrontement direct est extrêmement dangereuse. J’appelle les hauts commandants militaires à cesser immédiatement de se battre», a-t-il encore écrit.

Les divergences entre les deux hommes forts du Soudan portent essentiellement sur l’avenir des paramilitaires : le retour à la transition démocratique est suspendu à leur intégration au sein des troupes régulières. Si l’armée ne la refuse pas, elle veut malgré tout imposer ses conditions d’admission et limiter dans le temps leur incorporation. Le général Daglo, lui, réclame une inclusion large et, surtout, sa place au sein de l’état-major.

Le retour à la transition est exigé par la communauté internationale pour reprendre son aide au Soudan, l’un des pays les plus pauvres au monde.

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