Guerre en Ukraine : l’accord sur les céréales a expiré ; Moscou promet une « réponse » après l’attaque du pont de Crimée

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Le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov, engagé dans l’armée pour défendre son pays, a révélé lundi avoir été blessé dans un bombardement d’artillerie sur le front, dans la région de Zaporijia (sud). Ancien prisonnier politique en Russie, il vient juste d’être décoré par la France de la Légion d’honneur.

« Lors de la première sortie de combat après notre retour, lors du débarquement, nous avons essuyé des tirs d’artillerie. Bradley nous a encore sauvé la vie. Trois blessés, principalement des éclats d’obus », a écrit le réalisateur de 47 ans sur Facebook, en référence au véhicule blindé de combat d’infanterie américain Bradley, dont des exemplaires ont été fournis à Kiev.

M. Sentsov, qui a le grade militaire de sous-lieutenant, a posté un selfie avec le visage ensanglanté, pris à l’intérieur d’une ambulance. « Des éclats m’ont déjà été sortis du visage, de petits [éclats] dans le bras et la jambe resteront avec moi pour toujours. Les autres gars vont bien aussi, les médecins de Zaporijia connaissent bien leur travail », a ajouté M. Sentsov.

La région de Zaporijia, dans le sud du pays, est une des zones où les troupes ukrainiennes mènent depuis début juin une lente contre-offensive pour reprendre les territoires occupés par l’armée russe.

M. Sentsov a reçu vendredi à Kiev les insignes de l’ordre de la Légion d’honneur des mains de l’ambassadeur de France à Kiev, Etienne de Poncins, qui a salué sur Twitter un « véritable héros de l’Ukraine ».

Le 9 juillet, le cinéaste avait publié une vidéo sur Facebook le montrant allongé au sol, apparemment incapable de bouger, sur le champ de bataille. Il annoncera plus tard dans la journée avoir été hospitalisé pour une contusion.

La défense aérienne ukrainienne a été activée tôt mardi dans la région d’Odessa (sud), zone clé pour l’accord céréalier qui a expiré lundi soir, ont fait savoir les autorités locales.

« Odessa. Les opérations de combat de la défense aérienne se poursuivent », a indiqué sur Telegram Sergey Bratchuk, porte-parole de l’administration militaire de l’oblast d’Odessa. Selon le commandement opérationnel ukrainien pour le sud du pays, « l’ennemi attaque les régions du sud avec des véhicules aériens sans pilote », a-t-il indiqué sur Telegram.

Le sud de l’Ukraine est visé par des « attaques de drones », a rapporté le gouverneur régional, Oleh Kiper, sur le même réseau social, appelant la population à rester dans les abris jusqu’à ce que l’alerte aérienne soit levée.

Des alertes aériennes étaient en cours tôt mardi à travers le pays, dans les régions d’Odessa, Mykolaïv (sud), Kherson (sud), Zaporijia (sud) mais aussi dans celles de Donetsk (sud-est), Kharkiv (est), Dnipropetrovsk (centre-est), Poltava (est), Kirovograd (centre) et Tcherkassy (centre).

Odessa, dont le centre historique a été inscrit en janvier sur la liste du patrimoine mondial en péril de l’Unesco, a été bombardée plusieurs fois depuis le début de l’invasion russe le 24 février 2022.

Après le début de l’invasion de Moscou, les ports ukrainiens de la mer Noire avaient été bloqués par des navires de guerre russes jusqu’à ce qu’un accord, signé en juillet 2022 sous l’égide des Nations Unies et de la Turquie, autorise le passage d’exportations de céréales essentielles. La région d’Odessa compte trois ports qui faisaient partie de l’accord, crucial pour l’alimentation mondiale, qui a expiré lundi soir.

L’accord quadripartite qui garantit depuis un an l’exportation sécurisée des céréales ukrainiennes via la mer Noire a expiré lundi soir à minuit à Istanbul (23 heures à Paris), la date limite fixée lors de sa dernière reconduction pour deux mois en mai.

La Russie a refusé de prolonger l’accord, signé le 22 juillet 2022 avec l’Ukraine sous l’égide des Nations Unies et de la Turquie, en dénonçant les entraves au commerce des produits agricoles russes.

Volodymyr Zelensky a annoncé lundi soir avoir adressé « des lettres officielles au président turc (Recep Tayyip) Erdogan et au secrétaire général des Nations unies (Antonio) Guterres pour leur proposer de poursuivre » les exportations de céréales ukrainiennes via la mer Noire, bien que la Russie ait dénoncé l’accord qui a permis leur reprise, il y a un an.

« L’Ukraine, l’ONU et la Turquie peuvent assurer conjointement le fonctionnement du couloir alimentaire et l’inspection des navires », a assuré le président ukrainien, dans son allocution quotidienne.

« Même sans la Russie, tout doit être fait pour que nous puissions utiliser ce couloir en mer Noire. Nous n’avons pas peur », avait-il déclaré un peu plus tôt, selon des propos partagés par son porte-parole, Sergii Nykyforov, sur Facebook.

La Russie réclame la levée des obstacles à ses propres exportations de produits alimentaires et d’engrais ainsi que la réintégration au sein du système de règlements interbancaires Swift de Rosselkhozbank, la banque agricole de la Fédération de Russie. Elle accuse également les pays riches de profiter de la majeure partie des exportations ukrainiennes. Volodymyr Zelensky a, au contraire, affirmé que 60 % de celles-ci ont été exportés vers l’Afrique et l’Asie.

Selon les chiffres de l’ONU, les trois principaux bénéficiaires des livraisons ukrainiennes sont la Chine, l’Espagne et la Turquie.

Alors que l’opération qui a visé dans la nuit le pont de Crimée n’a toujours pas été officiellement revendiquée, l’agence de presse Ukrinform, citant une source au sein des Service de sécurité ukrainiens (SBU), rapporte que la marine ukrainienne et le SBU sont à l’origine de celle-ci. Ils ont opéré à l’aide de drones navals de surface.

« Il a été difficile d’atteindre le pont, mais cela a finalement été accompli », a-t-on déclaré de même source, rappelant les propos du chef du SBU, Vassyl Maliouk, selon lequel le pont est une cible légitime pour l’Ukraine.

Citant, elle aussi, une source non identifiée au SBU, l’Agence France-Presse a également annoncé un peu plus tôt que l’opération avait été menée par les services spéciaux et les forces navales ukrainiens.

Natalia Houmeniouk, porte-parole du commandement sud de l’Ukraine, avait auparavant déclaré à la chaîne publique Suspilne qu’il pouvait s’agir d’une provocation russe avant l’expiration, ce lundi à 23 heures, de l’accord sur les exportations de céréales ukrainiennes.

« Avec une telle concentration de groupes navals dans cette zone et une tension générale dans le contexte de la question de la prolongation de l’accord sur les céréales, la création de provocations similaires, que les autorités d’occupation en Crimée signalent immédiatement et très bruyamment, est une façon typique de résoudre de tels problèmes de la part des autorités d’occupation en Crimée et du pays agresseur en général », a-t-elle expliqué.

Le chef de la diplomatie américaine a jugé lundi « inadmissible » la décision russe de ne pas reconduire l’accord sur les exportations de céréales ukrainiennes et a assuré que cette décision allait entraîner une augmentation des prix de l’alimentation.

Le choix de Moscou d’utiliser « la nourriture comme une arme (…) va compliquer l’acheminement d’aliments dans les endroits qui en ont désespérément besoin et va entraîner une hausse des prix », a déploré Antony Blinken.

L’armée russe concentre « plus de 100 000 hommes, 900 chars, 555 pièces d’artillerie et 370 lance-roquettes multiples » dans le secteur de Lyman-Koupiansk, a annoncé lundi Serhi Tcherevaty, porte-parole du commandement militaire de l’est de l’Ukraine.

Le général Oleksandr Syrsky, commandant de l’armée de terre, a également indiqué que les forces russes étaient à l’offensive dans la région de Koupiansk et a parlé d’une situation difficile. La ville a été libérée lors de la contre-offensive dans l’oblast de Kharkiv, en septembre 2022. Lyman, dans l’oblast de Donetsk, a été libéré quelques semaines plus tard.

Dans son point biquotidien, l’état-major ukrainien annonce quant à lui que l’armée russe « continue à concentrer ses efforts sur les axes de Koupiansk, Lyman, Bakhmout, Avdiivka et Marinka », où de violents combats se poursuivent.

Selon Oleksandr Syrsky, qui s’est rendu sur le front, des renforts russes ont par ailleurs été déployés autour de Bakhmout pour tenter d’empêcher les forces ukrainiennes d’avancer.

Le dernier cargo transportant des céréales en provenance d’Ukraine via la Mer noire a été inspecté lundi soir à Istanbul, à quelques heures de l’expiration de l’accord international, a annoncé l’Organisation des Nations unies.

« L’inspection du cargo TQ-Samsun a été finalisée par le Centre de coordination conjointe » (CCJ), explique ce dernier dans un communiqué, précisant que c’était la 1 972^e inspection conduite par ses soins depuis le 1^er août 2022 au titre de l’Initiative pour les céréales en mer Noire.

Le cargo battant pavillon turc avait « quitté le port d’Odessa dimanche et est arrivé aujourd’hui sur le site d’inspection, au nord d’Istanbul, sur la mer Noire », poursuit le CCJ qui était chargé de superviser la mise en œuvre de cet accord signé à Istanbul en juillet 2022 avec l’Ukraine, la Russie, la Turquie et les Nations unies.

Chaque bateau à destination ou en provenance des ports d’Ukraine devait se soumettre à une inspection effectuée par des représentants des quatre signataires de l’accord qui expire lundi soir à minuit à Istanbul (23 heures à Paris).

« L’inspection a commencé à 17 h 35 et s’est achevée à 20 h 20 » (19 h 20 à Paris), précise le centre.

Dans un précédent communiqué, le CCJ avait fait savoir que les inspections pouvaient durer plus de quatre heures. Les Ukrainiens ont régulièrement accusé les Russes de faire volontairement traîner l’examen des navires et de leur cargaison.

La Russie a annoncé, lundi 17 juillet, la suspension de l’accord sur l’exportation des céréales ukrainiennes. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a annoncé sans plus de précisions que l’accord, qui a permis l’exportation de 33 millions de tonnes de céréales depuis juillet 2022, serait de nouveau opérationnel « lorsque la partie sur la mer Noire concernant la Russie sera mise en œuvre ».

Cette suspension ne devrait avoir que peu d’impact dans l’immédiat, à l’heure où l’hémisphère Nord moissonne, mais créera inévitablement tensions et inflation à moyen terme. Lisez nos explications dans l’article ci-dessous.

« Bien sûr, il y aura une réponse de la Russie. Le ministère de la défense prépare des propositions appropriées », a promis le président russe à l’issue d’une réunion sur le sabotage du pont de Crimée, rapporte l’agence de presse publique TASS.

Le président russe a confirmé qu’une jeune fille avait été blessée et que ses deux parents étaient morts dans l’attaque de ce pont reliant la Russie à la Crimée, péninsule annexée en 2014. « La famille se rendait en Crimée depuis la région [russe] de Belgorod », a-t-il précisé.

L’attaque a causé d’importants dégâts sur la section routière de l’ouvrage, qui permet également d’acheminer du matériel militaire à l’armée russe en Ukraine. Elle a été menée par les services spéciaux et les forces navales ukrainiens à l’aide de « drones navals », a-t-on précisé à l’Agence France-Presse (AFP) de source proche des services de sécurité ukrainiens (SBU).

« Ce qu’il s’est passé est un nouvel acte terroriste du régime de Kiev », a affirmé M. Poutine.

Le pont en béton, long de 18 kilomètres, construit à grands frais à sa demande et qu’il a inauguré en 2018, consiste en deux ouvrages parallèles, l’un réservé à la circulation routière et l’autre au trafic ferroviaire.

Selon le vice-premier ministre russe Marat Khousnoulline, les structures du pont n’ont pas été endommagées, ce que le chef de l’Etat a qualifié de « bonne nouvelle ». Selon M. Khousnoulline, la circulation pourrait reprendre d’ici au 1^er novembre.

Vladimir Poutine a demandé lundi le renforcement des mesures de sécurité sur le pont de Crimée, infrastructure stratégique endommagée pour la deuxième fois par ce qu’il a qualifié d’« acte terroriste ».

« Etant donné qu’il s’agit de la deuxième attaque terroriste sur le pont de Crimée, j’attends des propositions concrètes pour améliorer la sécurité de cette infrastructure de transport importante et stratégique », a déclaré le président russe, lors d’une réunion gouvernementale retransmise à la télévision.

Bonjour Renaud,

L’information provient du Comité national antiterroriste, cité par l’agence de presse russe TASS. « A 3 h 05, deux véhicules de surface sans pilote ukrainiens ont attaqué le pont de Crimée », a déclaré un porte-parole, sans préciser le ou les modèles utilisés.

Les forces navales ukrainiennes avaient déjà fait sensation, le 29 octobre 2022, en attaquant la flotte de la mer Noire, basée à Sébastopol, à l’aide de six et huit drones explosifs de surface. Cette opération sans précédent avait été coordonnée avec une poignée de drones aériens, comme l’expliquent les journalistes du Monde Elise Vincent et Emmanuel Grynszpan dans leur article sur le sujet.

Le pilote russe du Su-25 qui s’est abîmé lundi en mer d’Azov, lors d’un vol d’entraînement, a trouvé la mort dans l’accident, ont annoncé lundi les autorités locales.

« J’exprime mes condoléances aux proches de l’homme qui a été tué dans l’accident d’un avion d’attaque Su-25 au cours d’un vol d’entraînement », écrit sur Telegram Roman Boublik, chef de l’administration du district d’Ieïski, dans la région de Krasnodar, où s’est produit l’accident.

Selon lui, l’accident s’est produit vers 15 heures (14 heures à Paris), près de la côte. M. Boublik avait dans un premier temps annoncé que le pilote s’était éjecté et avait été récupéré par les sauveteurs. Une vidéo diffusée par le média russe Baza montre un appareil piquer vers l’eau avant de s’y abîmer, le pilote s’éjectant sous les cris des vacanciers.

Cette région, proche des territoires occupés en Ukraine et de la Crimée, a déjà connu un grave accident d’avion militaire en octobre 2022. Un avion de combat Su-34, dont les réservoirs étaient pleins, s’était encastré dans une barre d’immeubles lors d’un vol d’entraînement, à Ieïsk, causant la mort de 15 personnes.

La Biélorussie, pays allié de Moscou et voisin de l’Ukraine, a annoncé lundi avoir neutralisé un drone ukrainien à la frontière, quelques jours après avoir confirmé la présence de combattants de Wagner sur son territoire.

« Une unité chargée de la sécurité de la frontière en service sur le Dniepr a découvert un drone qui a[vait] violé la frontière nationale en provenance du territoire ukrainien », dit le service biélorusse des gardes-frontières, dans un communiqué. Il s’agissait, selon lui, d’un appareil de reconnaissance.

Minsk a annoncé vendredi qu’une partie des mercenaires du Groupe Wagner étaient en Biélorussie, où ils sont chargés de former les membres de la défense territoriale dans un camp situé près d’Ossipovitchi, à 200 km de la frontière ukrainienne.

Le gouvernement français a condamné lundi la décision russe de mettre un terme à sa participation à l’accord sur l’exportation des céréales ukrainiennes, estimant que Moscou devait « cesser son chantage sur la sécurité alimentaire mondiale ».

« La Russie est seule responsable du blocage de la navigation dans cet espace maritime et impose un blocus illégal aux ports ukrainiens », a estimé dans un communiqué la porte-parole du ministère des affaires étrangères français, exhortant la Russie à « revenir sur sa décision ».

Bonjour Malou,

Voici quelques explications au sujet de l’accord et des exigences de la Russie :

Des centaines de millions de personnes « vont payer le prix » de la décision russe de mettre un terme à sa participation à l’accord sur l’exportation des céréales ukrainiennes, a déploré lundi le secrétaire général de l’ONU.

« Des centaines de millions de personnes font face à la faim et les consommateurs sont confrontés à une crise mondiale du coût de la vie. Ils vont payer le prix », a déclaré à la presse Antonio Guterres, estimant que la décision russe « portera un coup aux personnes dans le besoin partout dans le monde ».