Surpopulation ou extinction : Avec 10 milliards d’humains en 2050, que deviendra l’espèce humaine ?

En 2050, nous devrions être 10 milliards sur Terre. Selon certains chercheurs et militants écologistes, nous serions alors beaucoup trop pour ne pas gaspiller les ressources de la planète, favoriser de nouvelles pandémies, et même pour nous nourrir. Devrions-nous alors arrêter de faire des enfants ? Selon des démographes, il n’est pourtant pas certain que nous demeurerons toujours aussi nombreux.

Par FabienSoyez

  • 19 min

Surpopulation ou extinction : Avec 10 milliards d’humains en 2050, que deviendra l’espèce humaine ?

 

Les êtres humains sont-ils, ou seront-ils demain trop nombreux ? Face à la crise écologique, certains plaident en faveur d’une décroissance de la population. Avec l’idée que la surpopulation future ne pourra que favoriser les guerres, les famines, le manque d’eau et surtout, la destruction de l’environnement. Jusqu’au point de non retour. Mais combien serons-nous, au juste, en 2050 ? Et au-delà ?

 

2050 : Croissance et décélération 

“Pour parler du futur, nous devons d’abord remonter le passé, 2000 ans en arrière”, nous explique Gilles Pison, démographe à l’INED (Institut national d’études démographiques). À l’époque, nous étions alors 250 millions d’habitants. “La population n’a pratiquement pas augmenté, jusqu’en 1800. Puis, brusquement, les chiffres ont grimpé en flèche. Entre 1800 et 2000, la population Européenne a été multipliée par quatre”, indique le chercheur, qui est aussi professeur au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN).

Il a fallu 200 000 ans à notre population pour atteindre 1 milliard. Et seulement 200 ans pour atteindre 7,8 milliards. Pourquoi un changement si soudain à partir du 19e siècle ? “Autrefois, les familles faisaient 6 enfants en moyenne, mais la moitié mourrait en bas âge, la population n’augmentait donc pas. Avec le progrès technique, la découverte des vaccins, la mortalité des enfants a baissé et un ‘excédent des naissances’ sur les décès est apparu. Les gens se sont rendu compte que les enfants avaient un coût, alors ils ont limité les naissances à deux enfants par couple”, observe Gilles Pison. Un nouvel équilibre est alors apparu, en Europe, en Amérique et en Asie. Seule l’Afrique connaît une transition démographique “un peu plus tardive”, mais d’après le démographe, “elle finira elle aussi par rejoindre l’équilibre.”

 

 

 

Actuellement, en 2021, nous sommes 7,8 milliards d’êtres humains (6 milliards de plus qu’il y a un siècle). Les naissances sont trois fois plus nombreuses que les décès. Nous vivons de plus en plus longtemps, et la population augmente d’année en année. Avec 80 millions d’habitants de plus par an, soit 220 000 personnes supplémentaires par jour. “Nous continuerons à croître, en raison de l’excédent des naissances sur les décès. La mortalité continuera à baisser dans le monde entier avec les progrès médicaux et socio-économiques. Mais le rythme de cet accroissement a tendance à décélérer. La croissance démographique est deux fois moins importante aujourd’hui qu’il y a 30 ans. Et elle devrait continuer de diminuer durant les prochaines décennies”, note Gilles Pison.

La croissance démographique est deux fois moins importante aujourd’hui qu’il y a 30 ans

Pourquoi une telle “décélération” ? Parce que les parents souhaitent, partout sur la planète, que leurs enfants aient “une vie de qualité”… Ce qui nécessite, selon le démographe, “d’investir pleinement dans leur réussite future. La mortalité infantile ne frappe plus à tout moment comme autrefois. Le désir de porter ses efforts sur un ou deux enfants plutôt que sur 6 est plus important. Et se répand partout sur Terre”. En moyenne, dans le monde, les femmes donnent naissance à 2,4 enfants, contre 5 en 1950. L’ère des “familles de petite taille” ne ferait donc que commencer.

Pourtant, paradoxalement, la population augmentera tout de même ces 30 prochaines années. Selon les dernières projections pour la population mondiale de l’ONU, révisées tous les deux ans, notre planète devrait être peuplée en 2050 par 9,8 milliards d’être humains, en moyenne. D’où viendront donc ces deux milliards de personnes en plus ? En majorité des pays où un “reliquat de croissance démographique” demeure, selon Gilles Pison. Autrement dit, où “l’excédent des naissances” sur les décès et le “mouvement de réduction de la fécondité” ont débuté plus tard qu’en Europe, qu’en Asie et qu’en Amérique. L’Afghanistan, l’Inde et le Pakistan mis à part, les pays où le rythme de la croissance démographique n’est pas le même sont tous situés sur le continent africain. 

 

 

De 2021 à 2050, la moitié de la croissance démographique mondiale devrait surtout se concentrer au Nigéria, au Congo, en Éthiopie, en Tanzanie et en Ouganda. “La mortalité, qui y est la plus élevée du monde, diminue. La fécondité aussi : elle est de 4,5 enfants par femme en moyenne, contre 5,5 en 2000, et 6,5 en 1980. Mais la transition démographique n’est qu’à ses débuts en Afrique. Ainsi, on devrait voir sa population quadrupler d’ici à 2100”, explique Gilles Pison. En somme, donc, si un humain sur six vit aujourd’hui en Afrique, ce sera probablement plus d’un sur trois dans un siècle. 

 

Après 2050 : de la surpopulation à l’extinction

En 2030, la planète devrait compter 8,5 milliards d’habitants, et donc près de 10 milliards en 2050. Et ensuite ? “Cela dépend du scénario que vous choisirez”, lance Gilles Pison. Pour prédire le nombre d’Homo Sapiens Sapiens en 2050, l’ONU se base sur un “scénario moyen”, dans lequel la fécondité continuera de baisser pour atteindre 2,2 enfants dans 30 ans. Mais il existe aussi deux autres scénarios. Que vous pourrez visualiser facilement dans le simulateur de l’INED, qui se base sur les hypothèses des Nations-Unis. Mais qui permet aussi, si l’envie vous en prend, de construire votre propre scénario.

 

D’abord, l’ONU imagine donc un “scénario haut”, qui voudrait que la croissance démographique ne ralentirait pas tant que cela, et que la fécondité augmenterait même, pour être de 2,7 enfants en 2050. Ce qui porterait notre nombre à 10,6 milliards. Ensuite, les Nations-Unis ont construit un “scénario bas”, dans lequel la fécondité diminuerait plus vite que prévu. Et où la population n’atteindrait alors que 8,9 milliards dans 30 ans.

“Ces projections sont solides pour ces 30 prochaines années, puisque la majorité des hommes et femmes qui vivront en 2050 sont déjà nés. Mais plus on se projette loin, plus c’est incertain. D’ici à 80 ans, beaucoup de choses peuvent se passer. Il faut donc choisir son scénario sur les évolutions de la mortalité et de la fécondité, puis avancer”, insiste Gilles Pison. Le “scénario haut” prévoit que nous serons 16 milliards en 2100. Le scénario “moyen”, celui du retour à l’équilibre, avec une fécondité stabilisée à deux enfants par femme (assez pour assurer le remplacement des générations), est considéré “comme le plus probable aux vues des connaissances du moment”, indique le démographe. Dans ce cadre, nous serions alors 10,9 milliards d’habitants au début du 22e siècle. Dont 4,2 milliards vivant sur le continent africain, et 4,7 milliards en Asie. 

Reste le “scénario bas”, celui où les pays en voie de développement se mettraient à copier plus rapidement que prévu ceux où la transition démographique est achevée, et feraient moins de deux enfants par femme, de façon durable. Dans ce scénario, la population mondiale atteindrait son maximum (9,7 milliards) autour de 2050, puis se mettrait à diminuer, inexorablement. Jusqu’à l’extinction. “Sur le long terme, la population ne pourrait que baisser à l’échelle mondiale, et en quelques millénaires, l’humanité disparaitrait”, décrit Gilles Pison. 

 

 

 

 

 

Et en France (métropolitaine) ? Suivant le scénario “moyen” de l’ONU, nous devrions passer de 65 millions en 2021 à 67,5 millions en 2050. Nous ferions toujours 1,83 enfants par femmes. Et notre espérance de vie passerait de 82,9 à 86,5 ans. Puis la décroissance démographique démarrant son petit bonhomme de chemin, nous retournerions en 2100 au nombre de 65 millions d’habitants. Avec une espérance de vie de 90 ans.

Un peu de prospective ? Si l’on se base sur les courbes du simulateur de l’INED et le scénario “moyen” de l’ONU, nous devrions être 9,9 milliards en 2150, puis 6 milliards en 2200. La baisse démographique, modérée, faisant chuter lentement mais sûrement la population mondiale jusqu’au nombre de 2 milliards en 2300. Soit le nombre d’habitants que l’on comptait dans le monde en 1927.

En revanche, le scénario “bas” est assez saisissant : nous passerions à 4,5 milliards d’êtres humains en 2150 (l’équivalent de la population mondiale en 1980), puis en dessous des 2 milliards d’habitants dès 2200. Dans ce prolongement, l’humanité pourrait être au nombre de 1 milliard en 2250, et autour de 700 millions en 2300. Aussi peu nombreux qu’au 18e siècle (quand nous étions 25 millions en France), mais avec des conditions de vie meilleures ?

Nous serions évidemment encore loin de la disparition de notre espèce. Selon le simulateur de l’INED, cela ne devrait se produire à minima que dans 5000 ou 6000 ans. Mais il ne s’agit évidemment que de simulations, ne prenant pas en compte de potentielles influences extérieures, des guerres aux catastrophes climatiques / naturelles. “L’extinction est inévitable à très, très long terme. Les espèces apparaissent et disparaissent, elles ont une certaine durée de vie. L’espèce humaine date de 300 000 ans à peu près, c’est assez jeune. Normalement, une espèce de mammifère primate telle que la nôtre peut durer plusieurs millions d’années. La voir disparaitre en quelques millénaires faute de naissance serait surprenant, bien que pas impossible. Mais la seule certitude que nous avons, c’est que la population commencera à décliner entre 2050 et 2100”, note Gilles Pison. Selon le professeur du MNHN, “tout reposera surtout sur les souhaits des familles”.

 

Arrêter de faire des enfants pour sauver la planète…

Mais aurons-nous, dans les siècles qui nous attendent, vraiment envie de faire des enfants, si la planète n’est plus aussi accueillante qu’aujourd’hui ? Devrions-nous, dès maintenant, arrêter de procréer ? Face à “l’explosion démographique”, Didier Barthès, de l’association écologiste Démographie Responsable estime que “nous n’aurons bientôt plus le choix : soit nous réduisons les naissances, soit le monde deviendra invivable, sans forêts et sans animaux”.

L’idée de freiner la croissance démographique est ancienne. En 1798, l’économiste anglais Thomas Malthus formulait sa crainte des effets “dévastateurs” du développement libre et exponentiel, de la population humaine. Selon sa théorie, la population augmentant plus vite que ses ressources, seule une politique visant à freiner les naissances permettrait d’éviter le “surpeuplement” et donc la paupérisation et de potentielles famines. Il ne faisait alors que reprendre d’autres théories, émises longtemps avant lui, au 17e siècle en Angleterre, mais aussi en France au 13e siècle, et dans la Grèce Antique d’Aristote.

Aujourd’hui, toute une branche de la famille écologiste emprunte à la collapsologie son idée d’un monde au bord de l’effondrement. Mais qui ne serait pas dû qu’à notre mode de vie : l’apocalypse a venir viendrait surtout du fait que nous sommes trop nombreux, jusqu’à épuiser à terme les richesses naturelles de la planète. Démographie Responsable milite ainsi pour un contrôle des naissances. Membre de cette association, Antoine Bueno, écrivain et conseiller au Sénat sur les questions de prospective et de développement durable, est l’auteur de “Permis de procréer”. Selon lui, “la question démographique est un enjeu environnemental”. Et s’il admet que selon les projections des démographes, la population humaine commencera à stagner puis à décroître “autour de 2100”, il estime que ce sera alors “trop tard” pour la planète. 

 

Dans les années 1970, Marguerite Yourcenar affirmait au critique littéraire Matthieu Galey que selon elle, “l’explosion démographique transforme l’homme en habitant d’une termitière et prépare toutes les guerres futures, la destruction de la planète causée par la pollution de l’air et de l’eau.” C’est, peu ou prou, ce que craignent les militants de Démographie Responsable. Mais aussi des scientifiques. Leur idée :  la prolifération de l’espèce humaine, au détriment de toutes les autres (animales ou végétales) met la terre en danger. En plus de menacer des milliers d’espèces d’extinction.

En 2017, 15 300 écologues de plus de 180 pays alertaient sur l’état de la planète. Ainsi que sur l’ampleur des destructions et de la pollution générée par l’humanité. “En échouant à limiter adéquatement la croissance de la population, à réévaluer le rôle d’une économie fondée sur la croissance , à restaurer les écosystèmes, à enrayer la pollution et à stopper la défaunation, l’humanité omet de prendre les mesures urgentes indispensables pour préserver notre biosphère en danger”, écrivaient-ils.

Fin 2019, un autre appel a été publié dans la revue BioScience, par 11 000 chercheurs, de toutes disciplines. Climatologues, biologistes,  physiciens, chimistes ou agronomes issus de 153 pays, ils préviennent dans leur appel que les humains risquent des “souffrances indescriptibles” liées à l’urgence climatique. Et appellent à des “transformations mondiales de nos modes de vie” afin de préserver la vie sur Terre, “notre unique maison”.

Parmi les “leviers d’action” proposés : en finir avec les énergies fossiles pour passer aux renouvelables, réduire notre consommation de viande, mais aussi stabiliser la population. “Toujours en augmentation d’environ 80 millions de personnes par an, soit plus de 200 000 par jour, la population mondiale doit être stabilisée – et, dans l’idéal, progressivement réduite – dans un cadre garantissant l’intégrité sociale”, écrivent-ils. Pour cela, ils conseillent de “promouvoir l’accès de tous, et en particulier des filles, à l’éducation et à la contraception”. Avec l’idée qu’en accroissant le niveau d’éducation des femmes, notamment, il serait possible de changer leur vision de la reproduction. 

 

… Et pour nous sauver nous-mêmes ?

Au-delà de l’environnement, la croissance démographique actuelle pourrait aussi avoir des conséquences sociales dramatiques, s’inquiètent certains chercheurs. D’abord, dès 2050, la richesse devrait augmenter plus que la population, aggravant les inégalités, selon PwC. Dans un rapport sur l’économie future, le cabinet d’audit prédit en outre que dans 30 ans, la Chine et l’Inde seront les pays au PIB le plus élevé. Les États-Unis reculeraient à la troisième place, devant l’Indonésie. Le poids des pays de l’UE dans le PIB mondial se réduirait à moins de 10 %.

Ensuite, plusieurs études indiquent qu’en 2050, la majorité des 9,8 milliards d’êtres humains (68 % environ) se concentreront dans les villes. Comment ces dernières pourront-elles nourrir toutes ces populations, confinées dans des zones irrespirables et bétonnées ? Dans 30 ans, l’Inde comptera 1,6 milliards d’habitants, contre 1,3 milliards aujourd’hui. Une hausse relativement contenue, mais suffisante pour inquiéter certaines villes, comme Delhi. La capitale du pays devrait devenir la mégapole la plus peuplée du monde en 2028. Or, elle est déjà surpeuplée. Hyperpolluée, croulant sous les bidonvilles et les embouteillages, elle est “incapable d’offrir à ses habitants de l’eau propre, de l’air frais et de la nourriture saine”, estime Manu Gaur, président de l’association Taxab, qui milite pour un contrôle des naissances.

Mêmes craintes en Égypte, qui compte 104 millions d’habitants, et qui devrait  atteindre les 160 millions dans 30 ans. Puis 224 millions en 2100. Le troisième Etat le plus peuplé d’Afrique, derrière l’Ethiopie et le Nigeria, fait déjà face à de graves problèmes sociaux nés de la surpopulation, qui risquent ainsi d’être aggravés. “Tous les problèmes se posent en même temps : problème de chômage alors que 700 000 jeunes Egyptiens entrent tous les ans sur le marché du travail. Problème de logement, alors qu’on ne sait même pas dire si le Caire compte 20, 22, ou 25 millions d’habitants. Problème d’eau : 97 % de l’eau potable et agricole du pays provient du Nil et donc, par ricochet, problème avec le voisin éthiopien qui est en train d’achever un énorme barrage sur sa portion du Nil et menace l’approvisionnement en eau”, décrit l’historien Anthony Bellanger sur France Inter. Sans parler du “risque” de nouveaux “printemps arabes” potentiels…

 

Face à ces défis, des architectes et des urbanistes mènent des projets visant à transformer les mégalopoles surpeuplées du futur en villes “vertes” et auto-suffisantes. Grâce à des “fermes verticales”, principalement. Mais l’agriculture urbaine suffira-t-elle à nourrir tout le monde ? Rien n’est moins sûr. “L’augmentation attendue de la population à 9 milliards de personnes d’ici à 2050 va rendre la pression quasi insupportable. On considère qu’il faut entre 2 000 et 3 000 m2 de terres arables pour nourrir un homme. Au milieu du siècle, la surface disponible par habitant ne sera plus que de 200 m2”, note Daniel Nahon, spécialiste des sols et ex-président du CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), dans La Croix.

Demeure, en outre, le problème difficile à résoudre de l’accès à l’eau. L’Afghanistan, dont la croissance démographique est tout aussi décalée que l’Afrique, verra sa population passer de 40 à 64 millions d’habitants d’ici 30 ans. Jusqu’à 75 millions d’âmes en 2100 (selon le scénario “moyen” de l’ONU). Après 40 années de guerres incessantes et en pleine crise économique, le pays fait déjà face aux conséquences du réchauffement climatique avec des inondations et des sécheresses de plus en plus fréquentes. En 2050, les températures y augmenteront de 3 °C, tandis que les précipitations chuteront. Or, 80 % de sa population tire actuellement ses revenus des cultures pluviales et de l’élevage. Avec la multiplication par trois de sa démographie, les exploitations agricoles, déjà secouées par un climat devenu hostile, risqueraient d’être hyper fragmentées, au point de mettre en péril les moyens de subsistance de centaines de milliers de familles. Sachant qu’en 2021, déjà, les afghans doivent creuser de plus en plus profondément dans le sol pour alimenter leurs puits. Et qu’à Kaboul, 4,4 millions d’habitants, de nombreuses personnes n’ont pas accès à l’eau.

Les écologistes s’inquiètent aussi des effets de la surpopulation à venir sur la prolifération des épidémies. Ils reprennent à leur compte des études récentes qui montrent que l’accroissement de la population humaine a un impact sur les interactions avec les autres espèces animales, et donc sur l’émergence des pandémies.

 

 

 Dans l’une d’entre elles, menée par la La Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité (FRB), des chercheurs indiquent qu’il “est important de garder aussi à l’esprit le fait que l’abondance et la densité des populations humaines et leurs animaux d’élevage ont considérablement augmenté durant le dernier siècle. En termes de biomasse, humains et animaux d’élevage supplantent à eux seuls ce que représentaient l’ensemble des mammifères terrestres il y a 100 000 ans.” Et que si un pathogène doit passer “d’une espèce à une autre, dans, ou à proximité, d’un milieu anthropisé”, il aura “statistiquement beaucoup plus de chance d’infecter un animal d’élevage ou un humain qu’un autre animal sauvage du fait de ce déséquilibre considérable dans les abondances et la densité de leurs populations respectives.” Autrement dit, “des pandémies analogues au Covid-19” risquent fort bien de se reproduire dans ces conditions.

En outre, selon le président du Muséum national d’histoire naturelle, le naturaliste Bruno David, “plus nous serons nombreux, en termes de probabilité, plus nous apparaîtrons comme l’espèce dominante, et donc comme la cible privilégiée de certains pathogènes”. Sans parler de la destruction des territoires sauvages, due à l’extension des terres agricoles pour nourrir la population mondiale.

Pour toutes ces raisons, Démographie Responsable a récemment publié un appel aux dirigeants français. Les incitant à “prendre des mesures pour aider à la stabilisation la population mondiale et à terme revenir à un effectif soutenable pour la planète”. Afin de “minimiser autant que faire se peut l’apparition et la diffusion de futures pandémies”, l’association préconise de “favoriser la stabilisation de la population de notre pays en prenant des mesures incitatives comme le plafonnement des allocations familiales”, d’axer la politique d’aide au développement “sur la maîtrise démographique par le recours à des mesures simples qui ont fait leur preuve : le planning familial et l’éducation”, et “d’agir au niveau international pour la généralisation de ce type de politique partout dans le monde”.

 

“Il est illusoire de penser pouvoir agir sur le nombre des humains à court terme” 

Gilles Pison a du mal à cacher son scepticisme. Non pas face aux problèmes sanitaires, écologiques et sociaux énoncés. Mais face à la solution présentée : la “décroissance volontaire” des humains destinée à se sauver eux-mêmes. Ainsi que la planète. L’idée d’une baisse du nombre d’humains sur terre est-elle raisonnable ? Serait-ce utile, de toute façon ?

“Il est illusoire de penser pouvoir agir sur le nombre des humains à court terme”, s’amuse le démographe. Qui s’oppose au terme “surpopulation”. Car selon lui, “on ne sait pas quelle est la bonne taille de population humaine”. Il rappelle que la population tend déjà à baisser, inexorablement, partout dans le monde. Mais aussi que “l’inertie démographique” ne peut être stoppée. “Nul ne le peut. On ne peut pas arrêter la croissance démographique. Mais on peut agir sur les modes de vie, et ceci sans attendre, pr les rendre plus respectueux de l’environnement, de la biodiversité, et plus économes en ressources et en énergie. La vraie question dont dépend notre survie, c’est moins celle du nombre que celle des modes de vie”, indique le chercheur.

“On peut agir sur la baisse des naissances par des politiques antinatalistes, mais ils n’auront que peu d’effets à court terme. Les changements à réaliser, dès maintenant, reposent sur notre façon de consommer les ressources, et de produire des gaz à effets de serre”, insiste Gilles Pison. En Inde, “l’urbanisation en cours ne sera pas une catastrophe si les mégalopoles du futur améliorent dès aujourd’hui les conditions de vie de leurs habitants. Agir sur leur nombre ne changera rien. Le défi sera de faire en sorte que ceux qui vivront dans ces villes en 2050 vivront mieux qu’aujourd’hui”, relativise-t-il encore.

Autrement dit, tenter de freiner une croissance démographique impossible à stopper au moins jusqu’en 2064, “compte tenu de l’importance de la catégorie de gens en âge de procréer”, serait vain. Sachant que la population baissera ensuite de toute façon. “A moins d’expédier une partie d’entre nous sur Mars, nous ne pouvons pas diminuer du jour au lendemain. Mieux vaut donc nous préparer de façon à vivre mieux à 10 milliards”, note Gilles Pison. ”La fécondité baisse partout sur la planète sans qu’il y ait besoin d’imposer le contrôle des naissances. À long terme, changer la courbe de population serait possible. On connait les raisons pour lesquelles les couples font moins d’enfant : l’instruction des femmes, les conditions de vie améliorées, l’offre de moyens de contraception. Mais on peut pas obliger les gens, s’ils souhaitent avoir beaucoup d’enfant, à en avoir moins. Alors que les souhaits d’enfants baissent déjà partout dans le monde, avec l’amélioration des conditions de vie”, ajoute-t-il.

 

 

 

Revoir nos modes de vie

Dans le cas actuellement moins probable du scénario “bas”, où la transition démographique mondiale arriverait plus vite que prévu, les dégâts infligés à l’environnement pourraient en outre être bien réduits. Mais là encore, tout reposerait sur la fameuse équation IPAT, formule proposée en 1970 pour décrire l’impact de l’activité humaine sur l’environnement. Selon elle, baisser la population ne servira à rien si l’on ne diminue pas les autres facteurs de l’équation, notamment celui du niveau de consommation par individu.

Concernant les pandémies du futur, la problématique est la même. Ce n’est pas la démographie qui changera quelque chose aux épidémies : “on ne réglera pas le problème sans en traiter la cause, c’est-à-dire les perturbations que notre monde globalisé exerce sur les environnements naturels et la diversité biologique. Nous avons lancé un boomerang qui est en train de nous revenir en pleine face. Il nous faut repenser nos façons d’habiter l’espace, de concevoir les villes, de produire et d’échanger les biens vitaux”, estime ainsi Jean-François Guégan, directeur de recherche à l’Inrae, dans Le Monde.

Finalement, plutôt que de réduire le nombre de nos descendants, “pour défendre l’environnement, le plus efficace est de bien éduquer nos enfants”, indique Gilles Pison. “Le modèle humain n’est pas celui des mouches qui vivent dans un bocal. La population évolue de l’intérieur : c’est avant tout une question de choix. Ce n’est donc pas la question du nombre d’humains sur Terre que l’on doit se poser, mais plutôt celle de la façon dont ils vivent. Sommes-nous trop nombreux, ou consommons nous trop ?”, conclut-il. À nous, donc, de remettre en question nos comportements et notre consommation des ressources. Plutôt que de songer vainement à sauver la Terre en cessant de nous reproduire. En outre, serions-nous vraiment plus enclins à préserver la planète qui nous abrite, si nous n’aspirions pas à la transmettre à nos enfants ?

 

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— MAJ du 24 janvier 2021 —

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Le hasard a voulu qu’un article de France Info nous apprenne justement, au lendemain de notre article, que plusieurs études indiquent que les ménages européens ont reporté leurs projets d’enfants face au Covid-19. “Les indices d’un futur « baby crash » se multiplient. Des enquêtes sur les intentions de fécondité des couples ont été menées dans plusieurs pays avec des résultats convergents : les gens entendent souvent reporter le moment où ils feront des bébés”, indique Eva Beaujouan, démographe à l’université de Vienne, en Autriche. En Italie, 37 % des couples ont reporté leurs projets d’enfants, et 21 % ont abandonné. En France, au printemps dernier, 51 % des Français  avaient aussi décidé de remettre à plus tard leurs “projets bébé”. 17 % y avaient renoncé

A l’échelle mondiale, le recul de la natalité pourrait atteindre 10 à 15% en 2020 et 2021, selon le groupe bancaire HSBC. Difficile de dire si cette estimation est fiable et vise juste, mais dans tous les cas, cela ne devrait pas affecter la croissance démographique globale, si l’on se réfère à l’analyse de Gilles Pison.

 

 

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