“La guerre, encore”, titre le Daily Maverick en parlant du Soudan, qui a connu dimanche une deuxième journée d’affrontements entre les forces gouvernementales et le groupe paramilitaire des Forces de soutien rapide (FSR). “La féroce course pour le pouvoir est devenue hors de contrôle”, estime le journal sud-africain, évoquant un pays “au bord de la guerre civile”. Le Washington Post chiffrait dimanche après-midi le nombre de morts à 74 depuis le début des violences.

Dans la matinée, les rues de Khartoum, la capitale, étaient “vides de personnes et de voitures”, observe la BBC. “De longues queues se sont formées devant les boulangeries et les rares boutiques restées ouvertes pendant que quelques habitants s’aventuraient à l’extérieur pour acheter à manger avant de retourner se mettre en sécurité.”

Le média britannique note un mélange de “choc et de colère” parmi ces habitants. “À l’inverse d’autres parties du pays, comme le turbulent Darfour dans l’Ouest, Khartoum n’a pas l’habitude de la guerre”, précise la BBC. “Ces combats meurtriers sont inédits dans l’histoire de Khartoum”, confirme Le Soir, pour qui le Soudan, “a ouvert la boîte de Pandore en sombrant dans un conflit armé”.

“Les balles tombent comme la pluie”, raconte Dallia Mohamed Abdelmoniem, une ancienne journaliste du Washington Post. Elle dit s’être réfugiée avec les siens dans une pièce au centre de son logement, loin des fenêtres. “Personne n’a dormi. L’artillerie et les explosions font trop de bruit.” Même avec une température de 38 °C, les fenêtres de la capitale restent fermées par peur des balles perdues, selon le quotidien.

De son côté, CNN a parlé avec une médecin de Khartoum. “Depuis hier, nous n’avons pas quitté l’hôpital pour rentrer chez nous. Des affrontements ont lieu près de l’hôpital et des militaires patrouillent dans les couloirs avec leurs armes. Nous vivons dans un état de terreur et nous avons déjà frôlé la mort plusieurs fois”, témoigne-t-elle.

Un climat de “guerre ouverte”, résume la Frankfurter Allgemeine Zeitung, constatant que “l’espoir que les combats qui ont éclaté entre les deux principales factions militaires samedi s’apaiseraient rapidement ne s’est pas concrétisé”.

Au contraire, “les combats se sont intensifiés dimanche, s’étendant à différentes régions et États du pays, les deux parties revendiquant l’avantage sur le terrain”, explique Middle East Eye. Le chercheur Alan Boswell, directeur de Horn of Africa, insiste auprès du Globe and Mail que “même si tous les regards se portent sur Khartoum, il s’agit d’une guerre nationale, avec le Darfour particulièrement en ligne de mire”.

L’Égypte en médiatrice ?

Le général Abdel Fattah Al-Burhan, à la tête des forces régulières, et le général Mohamed Hamdan Dagalo, dit Hemeti, le chef des FSR, s’étaient pourtant mis d’accord sur un cessez-le-feu humanitaire de trois heures dimanche après-midi. “Mais bien que les hostilités se soient calmées, on pouvait toujours entendre des coups de feu et voir des colonnes de fumée noire sur les directs de la télévision dans la capitale”, remarque le Guardian.

M. Dagalo a accusé l’autre camp d’avoir violé le cessez-le-feu en premier. Le combat se joue aussi sur les ondes. Un représentant de l’armée soudanaise a assuré au Sudan Tribune que les forces gouvernementales avaient repris dimanche le contrôle de l’aéroport de Meroe, attaqué la veille par les FSR, dans le nord du pays. Quelques heures plus tard, les FSR ont diffusé une vidéo dans laquelle elles assuraient toujours contrôler l’aéroport, indique le Tribune.

“Dans un rare moment d’unité dimanche, les États-Unis, la Russie et la Chine ont tous appelé à la fin des violences”, souligne NBC News. L’Égypte et le Soudan du Sud, deux pays voisins, ont proposé de jouer les médiateurs. Dirigeants africains et du Moyen-Orient ont aussi convoqué des réunions d’urgence pour tenter de trouver une solution aux tensions du moment.

Lors d’une conférence de presse à Abou Dhabi, l’ancien premier ministre Abdallah Hamdok a déploré une “situation catastrophique” qui risque de s’aggraver, citant les pénuries de nourriture, médicaments et énergie, relève Gulf News. Il a demandé aux pays arabes et à la communauté internationale d’agir de peur que “la tragédie tourne à la guerre civile”.

Le ramadan s’achève vendredi, rappelle la BBC, mais “les citoyens de Khartoum se demandent s’ils auront quelque chose à célébrer”.