Le Mexique, le BrĂ©sil et la Colombie ont insistĂ© jeudi 8 aoĂ»t sur la nĂ©cessitĂ© pour Caracas de rendre publics les procĂšs-verbaux de la prĂ©sidentielle aprĂšs la rĂ©Ă©lection contestĂ©e du prĂ©sident Nicolas Maduro, que Washington a mis en garde contre toute tentative dâarrestation des leaders de lâopposition. Sâestimant de son cĂŽtĂ© victime dâun complot, M. Maduro a annoncĂ© suspendre la plateforme X pendant dix jours.
Les trois pays, dirigĂ©s par des prĂ©sidents de gauche, « partent du principe que le Conseil national Ă©lectoral (CNE) est lâorgane lĂ©galement mandatĂ© pour divulguer de maniĂšre transparente les rĂ©sultats de lâĂ©lection », selon une dĂ©claration conjointe. Ils disent prendre note du processus engagĂ© auprĂšs de la Cour suprĂȘme (Tribunal suprĂȘme de justice TSJ), que M. Maduro a saisi afin de faire « valider » sa victoire, mais soulignent quâil « est souhaitable de permettre une vĂ©rification impartiale des rĂ©sultats, dans le respect du principe fondamental de la souverainetĂ© populaire ».
Le CNE a ratifiĂ© vendredi 2 aoĂ»t la victoire de M. Maduro avec 52 % des voix, sans toutefois rendre publics le dĂ©compte exact des voix et les procĂšs-verbaux des bureaux de vote, assurant avoir Ă©tĂ© victime dâun piratage informatique. Selon lâopposition, qui a publiĂ© les procĂšs-verbaux obtenus grĂące Ă ses scrutateurs â dont la validitĂ© est rejetĂ©e par M. Maduro â Edmundo Gonzalez Urrutia, qui avait remplacĂ© au pied levĂ© la cheffe de lâopposition Maria Corina Machado (dĂ©clarĂ©e inĂ©ligible), a remportĂ© le scrutin avec 67 % des voix.
Lâopposition ainsi que de nombreux observateurs estiment que le piratage du CNE est une invention du gouvernement pour ne pas avoir Ă publier les procĂšs-verbaux des bureaux de vote. Le CNE comme le TSJ sont considĂ©rĂ©s comme Ă©tant aux ordres du pouvoir.
« Unir la communauté internationale »
Les troubles qui ont suivi la proclamation de la victoire du prĂ©sident sortant ont fait 24 morts, selon un bilan des organisations de dĂ©fense des droits humains. M. Maduro a, lui, annoncĂ© la mort de deux membres de la garde nationale et lâarrestation de plus de 2 200 personnes.
Washington, qui est Ă la tĂȘte des sanctions contre le Venezuela, durcies depuis 2019, a haussĂ© le ton jeudi, avertissant que lâarrestation des leaders de lâopposition pourrait « mobiliser la communautĂ© internationale encore plus, y compris les pays qui ne veulent pas trop faire de vagues » contre le Venezuela. « Si Maduro fait cela, cela va unir la communautĂ© internationale dâune maniĂšre dont il nâa pas idĂ©e », a estimĂ© Francisco Mora, lâambassadeur des Etats-Unis auprĂšs de lâOrganisation des Etats amĂ©ricains (OEA).
Mme Machado et M. Gonzalez Urrutia, discret diplomate, vivent cachĂ©s depuis plus dâune semaine, la leader de lâopposition ayant mĂȘme affirmĂ© craindre pour sa vie. Le parquet a ouvert une enquĂȘte pĂ©nale contre les deux dirigeants, notamment pour « usurpation de fonctions, diffusion de fausses informations, incitation Ă la dĂ©sobĂ©issance aux lois, incitation Ă lâinsurrection, association de malfaiteurs ».
Exode sans précédent
Soulignant sa « vulnĂ©rabilitĂ© absolue » face aux autoritĂ©s, M. Gonzalez Urrutia, 74 ans, ne sâest pas rendu mercredi Ă une convocation du TSJ qui a convoquĂ© tous les candidats et dâautres responsables. M. Maduro est notamment convoquĂ© vendredi Ă midi, heure du Venezuela (17 heures, heure de Paris).
Sâadressant par vidĂ©o confĂ©rence Ă des mĂ©dias mexicains, Mme Machado a, elle, prĂ©venu dâun exode sans prĂ©cĂ©dent si le prĂ©sident Nicolas Maduro restait au pouvoir. « Si Maduro choisit de sâaccrocher au pouvoir par la force (âŠ), nous ne pourrions que voir une vague migratoire comme nous nâen avons jamais vu auparavant : trois, quatre, cinq millions de VĂ©nĂ©zuĂ©liens en trĂšs peu de temps », a-t-elle dĂ©clarĂ©.
Selon lâONU, quelque sept des trente millions de VĂ©nĂ©zuĂ©liens ont quittĂ© le pays en une dĂ©cennie en raison de la crise Ă©conomique et politique que traverse le Venezuela, Ă destination de pays latino-amĂ©ricains mais aussi des Etats-Unis.
X suspendu dix jours
Jeudi soir, devant des centaines de partisans venus le soutenir dans le centre de Caracas, le prĂ©sident Maduro a annoncĂ© que le rĂ©seau X Ă©tait suspendu pendant dix jours. « Personne ne me fera taire, je vais affronter lâespionnage de lâempire technologique. Elon Musk (âŠ) a violĂ© toutes les rĂšgles du rĂ©seau social Twitter, devenu X, et les a violĂ©es en incitant Ă la haine et au fascisme », a lancĂ© M. Maduro, qui accuse rĂ©guliĂšrement le milliardaire amĂ©ricain de comploter contre lui.
Le prĂ©sident avait annoncĂ© lundi se retirer de WhatsApp tout en fustigeant les rĂ©seaux sociaux accusĂ©s de tentative de « coup dâEtat cyberfasciste criminel » dans le sillage de son Ă©lection contestĂ©e. M. Maduro et les autoritĂ©s ont accusĂ© plusieurs fois M. Musk dâavoir participĂ© à « lâattaque cybernĂ©tique massive » du CNE, selon lâexpression de la vice-prĂ©sidente Delcy Rodriguez, qui a critiquĂ© « la dictature des rĂ©seaux sociaux » cherchant « Ă remplacer la volontĂ© populaire des gouvernements Ă©lus par leurs citoyens ».
Devant un parterre de diplomates, elle sâen est aussi prise Ă la communautĂ© internationale : « Il y a une hystĂ©rie internationale Ă propos des procĂšs-verbaux, ils pourraient mĂȘme faire une sĂ©rie Netflix ». « Excusez-moi Monsieur lâambassadeur français, mais les procĂšs-verbaux ont mĂȘme Ă©clipsĂ© les Jeux olympiques », a-t-elle ironisĂ©.
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