Glyphosate dans l’UE : pourquoi la France s’est abstenue

Il n’y a pas, à ce stade, de majorité qualifiée pour prolonger le glyphosate pendant 10 ans. Paris et Berlin ont décidé de s’abstenir. Explications.

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En concertation, Paris et Berlin ont décidé de s'abstenir lors du Comité européen permanent (ScoPAFF) qui devait décider, ce vendredi matin, de renouveler ou non sur dix ans l'utilisation du glyphosate. L'autorisation de cet herbicide arrive à son terme le 15 décembre. L'abstention de la France et de l'Allemagne prive la proposition de la Commission d'une majorité qualifiée positive. Un nouveau comité sera réuni en novembre. D'ici là, la Commission est libre de modifier ou non sa proposition.

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« Notre abstention signifie que nous ne sommes pas opposés à l'autorisation de la molécule glyphosate en tant que telle, explique Marc Fesneau, le ministre français de l'Agriculture. Mais nous ne nous retrouvons pas dans la proposition de la Commission qui n'est pas à la hauteur de nos engagements pour restreindre les usages et pour accompagner les agriculteurs vers la recherche de solutions. »

La Commission européenne a basé sa proposition sur les conclusions d'un rapport de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), publié l'été dernier. Selon ce rapport, le glyphosate ne présente pas de « sujet de préoccupation critique ». Dans sa proposition, la Commission a assorti l'utilisation de cet herbicide de précautions d'emploi.

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Parmi les 27 États membres, le glyphosate demeure controversé. L'Autriche et le Luxembourg s'y opposent. La Belgique, comme la France et l'Allemagne, s'est abstenue en raison de divergences entre les sept partis de la coalition gouvernementale. C'est aussi le cas des Pays-Bas qui demandent une modification de la proposition. Rien qu'en tenant compte de l'abstention française, allemande, belge, néerlandaise et du refus de l'Autriche et du Luxembourg, la majorité qualifiée (55 % des pays de l'UE représentant au moins 65 % de la population totale) n'est pas atteinte. À l'opposé, les pays scandinaves ou baltes ne voient aucun problème à l'usage du glyphosate.

Ici, la procédure obéit aux règles de la « comitologie ». Plusieurs cas de figure peuvent se produire : si une majorité qualifiée (55 % des pays de l'UE représentant au moins 65 % de la population totale) est réunie, la Commission adopte sa proposition. Ce qui n'est pas le cas. Si une majorité qualifiée vote contre l'acte, la Commission ne peut pas l'adopter. Ce qui n'est pas le cas non plus. On se trouve dans la situation où il n'y a pas de majorité qualifiée dans un sens ou dans l'autre. Ce qui laisse à la Commission le choix de l'adopter ou de présenter une nouvelle version modifiée. Il arrive que les États membres s'arrangent entre eux pour éviter toute majorité qualifiée et laissent le mauvais rôle à la Commission qui assume, seule, une position difficile. Un organe d'appel sera consulté mi-novembre. Libre à la Commission de modifier ou non sa position d'ici là.

La France réclame une réduction harmonisée des usages

L'absence de majorité qualifiée positive réjouit Pascal Canfin, le président (Renew) de la commission de l'Environnement du Parlement européen. « Depuis le début, nous sommes extrêmement clairs : la proposition mise sur la table par la Commission européenne est inacceptable, rappelle-t-il. On a entamé depuis plusieurs semaines des discussions avec l'Allemagne pour partager les analyses. On arrive à des conclusions équivalentes. La position française est fondée sur un élément clé et un élément secondaire. L'élément clé, ce sont les restrictions d'usage. L'avis de l'Efsa dit que ce n'est pas suffisamment cancérigène pour l'interdire, mais il y a suffisamment de zones grises pour créer des interrogations : on n'évalue pas suffisamment les co-formulants, on a un impact majeur sur la biodiversité et il y a plein de choses qu'on n'arrive pas à mesurer… Ça veut dire qu'il faut restreindre les utilisations du glyphosate partout où c'est possible et s'en donner les moyens. Et on arrive à une réduction progressive des usages. C'est exactement la logique qu'on veut européaniser. Tant qu'on n'a pas ça, on ne soutiendra pas la proposition, car c'est ce qui permet d'assurer une concurrence loyale pour nos agriculteurs en Europe. »

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« La stratégie de réduction du glyphosate quand c'est possible fonctionne, reprend Marc Fesneau. En 2022, la France a ainsi réduit l'usage du glyphosate de 27 % par rapport à la période 2015-2017. Je le répète, la France a une approche fondée sur la recherche d'alternatives, et mon ambition est claire : ne laisser aucun agriculteur sans solution. Nous devons poursuivre les échanges au niveau européen pour que la vision française prévale, à savoir le chemin vers une transition agroécologique pour une agriculture souveraine plus résiliente, en mobilisant la recherche et l'ensemble des filières pour la mener. »

Pour Luc Vernet, du laboratoire d'idées FarmEurope, le « glyphosate est devenu un totem instrumentalisé par une forme de populisme vert, aux dépens des agriculteurs. » Il s'inquiète néanmoins du désaveu subi par la Commission. « Aujourd'hui, les agriculteurs ont besoin du glyphosate, y compris pour améliorer la biodiversité et réduire les émissions. Ils n'utilisent pas ce produit par plaisir, ajoute-t-il. L'Autorité européenne pour la santé des aliments a analysé le dossier, et formulé des préconisations. Elles se traduisent par des restrictions d'usages intégrées à la proposition de la Commission. On peut regretter que la Commission laisse trop de flexibilités aux États, ce qui est défavorable à la France. Mais lorsque l'on est proeuropéen et que l'on veut conforter la confiance dans les institutions européennes, en particulier celles chargées de la santé et de la protection des citoyens, on ne peut pas balayer d'un revers de main les conclusions des autorités européennes chargées de ce dossier. Tout manquement de leur part serait extrêmement grave. Chacun des fonctionnaires et des experts ayant travaillé sur le sujet en a parfaitement conscience. »

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Commentaires (19)

  • neyam

    Comme pour le nucléaire, les éscrolos qui n'y connaissent rien veulent encore des interdictions.

  • lancson

    A rapprocher de l'article https : //www. Lepoint. Fr/economie/glyphosate-la-saga-d-une-manipulation-11-10-2023-2538924_28. Php

  • baboupepito

    Europe en panne une fois de plus à cause des "verdatres" pour lesquels les éoliennes vont disperser le glyphosate ambiant qui a déjà tué des millions de personnes !