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Guerre en Ukraine: pourquoi Vladimir Poutine se rend en Biélorussie

Le président russe va rencontrer son homologue biélorusse ce lundi, son seul allié dans cette guerre. Une première visite en trois ans pour Vladimir Poutine, qui dit vouloir renforcer l'union entre les deux pays. L'Ukraine craint, elle, que la Biélorussie n'accentue son soutien et qu'une nouvelle offensive ne se prépare.

Officiellement, c'est une visite visant à renforcer les liens entre Moscou et Minsk. Officieusement, Vladimir Poutine chercherait-il à convaincre son fidèle allié Alexandre Loukachenko de s'engager davantage dans son "opération spéciale" en Ukraine, débutée il y a près de 10 mois?

Ce lundi, le président russe se rend pour une visite officielle en Biélorussie, pour faire avancer l'union entre les deux pays. Il y sera accueilli par son homologue, qui règne sans partage depuis 1994 sur son pays, et qui occupe la place de seul soutien de Moscou dans sa guerre contre l'Ukraine. Cette rare visite de Vladimir Poutine, une première depuis trois ans, marque-t-elle un tournant dans le conflit?

La Biélorussie, base avant d'une future offensive russe?

"Il y a longtemps que la Russie veut créer cette union avec la Biélorussie", analyse Sylvie Bermann, consultante diplomatie pour BFMTV et ancienne ambassadrice de France en Russie, qui rappelle que traditionnellement, c'est Alexandre Loukachenko qui "se déplaçait en Russie". Un signe, selon elle, que l'homme fort du Kremlin cherche "à obtenir de la Biélorussie qu'elle s'engage davantage dans le conflit".

Car, si les troupes de Minsk ne prennent pas directement part à la guerre, l'armée russe se sert du territoire biélorusse pour bombarder l'Ukraine voisine, comme l'affirme Kiev. La Biélorussie sert-elle de "rampe de lancement" pour une future offensive hivernale de Moscou sur Kiev? Les autorités ukrainiennes redoutent en tout cas cette éventualité, dans les premiers mois de 2023, depuis le territoire biélorusse, répétant le scénario du début de l'invasion, le 24 février.

En réaction, l'armée ukrainienne surveille tout particulièrement la frontière biélorusse, Volodymyr Zelensky qualifiant même, dans son message quotidien dimanche, la frontière nord de "priorité constante".

"Nous nous préparons à tous les scénarios de défense possibles", a-t-il ajouté, précisant avoir abordé ce sujet au cours d'une réunion avec les commandants des forces ukrainiennes.

L'armée russe, de son côté, a d'ores et déjà annoncé ce lundi que ses militaires allaient prendre part à des "exercices tactiques" en Biélorussie. "L'évaluation finale de la capacité et de l'aptitude au combat des unités sera donnée (...) une fois achevés les exercices tactiques des bataillons", a déclaré le ministère russe de la Défense, cité par l'agence de presse Interfax, sans préciser quand et où exactement ils se dérouleront.

Loukachenko frileux à l'idée de rentrer en guerre

Alexandre Loukachenko est-il pour autant prêt à s'engager davantage dans cette guerre? En octobre, la Biélorussie avait notamment annoncé la formation d'une force commune avec la Russie, et plusieurs milliers de militaires russes étaient arrivés dans cette ex-république soviétique. Un déploiement qui a fait craindre à Kiev que les troupes biélorusses ne se joignent aux forces russes.

Le soutien biélorusse n'est toutefois pas infaillible et est sujet à caution, rappelle toutefois Sylvie Bermann, qui souligne que l'ex-République soviétique "n'a pas une armée aguerrie" et que les "Biélorusses sont très divisés" sur la question. Pour Jérôme Pellistrandi, consultant défense auprès de notre antenne, les militaires biélorusses, eux aussi, restent frileux.

"Ils sont conscients des difficultés de leur armée", assure le général, qui décrit une armée de "60.000 hommes", qui doit composer avec du "vieux matériel".

"Il est clair que cette pression mise par les Russes sur la Biélorussie mobilise des forces ukrainiennes le long de la frontière, et qu'elles ne sont pas disponibles pour le Donbass", souligne le militaire, pour qui une entrée des forces biélorusses sur le territoire ukrainien signifierait des pertes "extrêmement importantes".

Et si la Biélorussie entrait à son tour en guerre contre l'Ukraine, "il ne faut pas oublier que sa frontière à l'Ouest, c'est la Pologne, membre de l'Union européenne et de l'Otan. Ça ajouterait aux tensions dans la région", décrypte le général Pellistrandi.

De son côté, et à plusieurs reprises, Alexandre Loukachenko a affirmé qu'il n'envisageait pas - pour l'heure - d'envoyer des unités militaires biélorusses en Ukraine.

Fanny Rocher