Fake offCe que disent les analyses d’images de la frappe à l’hôpital de Gaza

Frappe sur un hôpital à Gaza : Ce que disent les analyses d’images de l’explosion à l’hôpital

Fake off« 20 Minutes » a passé en revue des documents disponibles – images, vidéos ou témoignages – afin de reconstituer le déroulé de la soirée
Des voitures montrent des marques d'incendie sur le parking de l'hôpital Al-Alhi de Gaza, après l'explosion qui a touché l'hôpital mardi soir.
Des voitures montrent des marques d'incendie sur le parking de l'hôpital Al-Alhi de Gaza, après l'explosion qui a touché l'hôpital mardi soir. - Abed Khaled/AP/SIPA / SIPA
Mathilde Cousin et Achille Dupas

Mathilde Cousin et Achille Dupas

L'essentiel

  • L’hôpital Al-Alhi de Gaza a été frappé mardi soir par une explosion dont l’origine reste incertaine. Le gouvernement israélien dénonce un tir raté du Jihad islamique tandis que le Hamas dénonce une frappe israélienne.
  • Des vidéos montrent un tir de roquette suivi d’une explosion, sans que l’on ne puisse établir formellement de lien entre les deux, en raison des conditions de tournage des vidéos.
  • Quant à l’analyse sonore des roquettes, une méthode utilisée par des internautes en juxtaposant certaines vidéos, elle « peut avoir son intérêt mais avec du matériel adapté, pas à l’oreille sur une vidéo », souligne un spécialiste interrogé par 20 Minutes.

Que s’est-il passé mardi soir à l’hôpital Al-Alhi de Gaza ? Alors que le gouvernement israélien rejette la responsabilité de l’attaque sur une attaque de rocket ratée du Jihad islamique et que le Hamas pointe du doigt une responsabilité israélienne, 20 Minutes a passé en revue des documents disponibles sur les réseaux sociaux, des images, des vidéos et des témoignages, afin de reconstituer le déroulé de la soirée.

  • Qu’est-ce qui a frappé l’hôpital ?

L’hôpital a probablement été frappé aux alentours de 19 heures mardi soir. Une vidéo extraite d’un direct d’Al-Jazeera montre une explosion à 18h59. Dans une autre vidéo diffusée par la chaîne israélienne Channel 12 news, filmée à Netivot, une ville à l’est de Gaza, on voit également une explosion à 18h59 heure locale, sans que l’on ne puisse certifier, pour le moment, qu’elle montre bien l’hôpital. Une autre vidéo, authentifiée par des journalistes du Washington Post, a été filmée à proximité de l’explosion.

La châine Al Jazeera a filmé le tir de roquette puis l'explosion en direct.
La châine Al Jazeera a filmé le tir de roquette puis l'explosion en direct. - Al Jazeera

Pour le consultant en risques internationaux Stéphane Audrand, interrogé par 20 Minutes, toutes les vidéos qui circulent en ligne filmées de nuit, parfois à plusieurs kilomètres de distance, ont le point commun d’être particulièrement complexes à analyser. « Le contexte de la guerre fait que c’est un environnement où il y a beaucoup d’actions en cours, que ce soit des frappes israéliennes ou des tirs de roquette du Hamas. Il y a beaucoup de projectiles et d’armes différents qui sont utilisés. »

Pour certains spécialistes de l’investigation en sources ouvertes ayant travaillé à authentifier et analyser les vidéos, les images montreraient une roquette tirée depuis la Palestine qui explose en plein vol, dont une partie serait retombée sur l’hôpital. « On voit effectivement une explosion dans le ciel suivie d’une explosion au sol », indique le spécialiste au sujet des différentes vidéos. « Il est possible que ça soit une roquette qui ait explosé en vol, mais l’image est trop petite, il n’est pas possible d’interpréter ces images avec certitude. »

Quoi qu’il en soit, difficile d’établir avec certitude un lien entre le tir de roquette et l’explosion observée quelques secondes plus tard. « Le lien de cause à effet entre les deux n’est qu’une probabilité et pas une certitude, il a pu se passer autre chose, une autre arme qu’on ne voit pas sur les vidéos ou des explosifs qui se trouveraient au sol », souligne l’expert.

Sur X, des internautes ont comparé le bruit entendu dans une vidéo tournée mardi soir avec le bruit d’une roquette lancée par Israël, soulignant une similarité. Une analyse reprise par l’agence palestinienne Quds news agency. Le consultant émet là aussi des réserves sur cette approche : « L’analyse sonore peut avoir son intérêt mais avec du matériel adapté, pas à l’oreille sur une vidéo ».

  • Peut-on tirer des conclusions sur la responsabilité de l’explosion à partir des images des dégâts causés ?

Alors que le chiffre de 500 morts a été dans un premier temps repris sur les réseaux sociaux et dans les médias en se basant sur les dires du ministère de la Santé palestinien, certains comptes pro-palestiniens faisaient valoir que les roquettes utilisées par le Hamas n’étaient pas assez puissantes pour causer tant de morts. Un argument qui ne tient pas la route pour Stéphane Audrand. « Les plus grosses roquettes utilisées par le Hamas ont une charge de 50kg d’explosif. Si ça tombe sur une foule compacte, ça peut faire plusieurs centaines de victimes, en fonction du temps d’arrivée des secours. Ce qui compte c’est la matérialité de l’impact qu’on voit. »

Au lendemain de l’explosion, plusieurs photos et vidéos prises de jours montrent les dégâts causés, qui se concentrent sur le parking de l’hôpital. Une photo prise par un photographe de l’agence Reuters montre notamment un trou au sol, qui pourrait être le cratère causé par la chute d’un engin explosif. C’est ce que montre également cette vidéo filmée par un Palestinien mercredi :

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Cette vue aérienne du parking de l'hôpital montre le cratère au milieu des voitures calcinées.
Cette vue aérienne du parking de l'hôpital montre le cratère au milieu des voitures calcinées. - Shadi AL-TABATIBI / AFP

Toutefois, on ne peut pas affirmer avec certitude que ce cratère est apparu mardi soir.

Sans affirmer la non-responsabilité d’Israël dans l’explosion, l’expert en armement analyse que « ce qu’on voit n’est pas compatible avec les frappes usuelles que l’armée israélienne fait sur la bande de Gaza : ils frappent sur les immeubles et ont tendance à utiliser des armes assez lourdes. Ce qui ferait un cratère bien plus profond, et pas une façade alentour ne serait intacte. Là les façades ne sont pas criblées d’éclats, les voitures sont calcinées mais n’ont pas bougé, alors que les grosses armes produisent un souffle puissant. On voit aussi que certaines voitures ont encore leurs phares, ou que leurs pare-brise sont fendillés. »

Pour le spécialiste, les images du parking détruit par l’explosion correspondent plutôt aux dégâts causés habituellement par les roquettes du Hamas, sans que l’on ne puisse attribuer formellement la responsabilité au Hamas ou au Jihad islamique. « Il y a un trou de 50 cm sur le macadam, des dégâts avec peu de projection d’éclat », qui correspond aux roquettes du Hamas confectionnées avec des aciers de récupération « qui se fragmentent peu ».

Toutefois, l’arsenal utilisé par l’armée de Tsahal ne comporte pas que des armes lourdes, comme le reconnaît le consultant. « Israël a des armes plus petites mais la plupart des armes militaires occidentales sont conçues pour générer un haut dégât de fragmentation et de déflagration, mais pas d’incendie. Ça ressemble à la charge propulsive d’une arme qui aurait brûlé et causé l’incendie ».

Interrogé sur la responsabilité de la frappe qui a touché l’hôpital le 17 octobre, Hosam Naoum, l’archevêque anglican de Jérusalem dont dépend l’hôpital, n’a pas pointé de coupable.

  • L’hôpital a-t-il déjà été touché par des frappes ?

Le 14 octobre, trois jours avant la frappe dans le parking de l’hôpital, le centre de diagnostic des cancers avait été touché par une frappe. Quatre membres du personnel avaient été blessés et les deux étages supérieurs, qui comprennent le centre de mammographie et d’ultrason, avaient été endommagés.

  • Israël avait-elle donné un avertissement d’évacuation à l’hôpital ?

Lors d’une conférence de presse donnée mercredi, le diocèse épiscopal de Jérusalem, dont dépend l’hôpital, a confirmé que l’hôpital avait reçu trois avertissements, « samedi, dimanche et lundi » de la part d’Israël pour évacuer l’hôpital, comme d’autres hôpitaux de la bande de Gaza. Le 12 octobre, soit deux jours avant le premier avertissement reçu par l’hôpital, Israël avait informé l’ONU d’un ordre d’évacuation de la population du nord de Gaza. L’armée israélienne donnait 24 heures au 1,1 million d’habitants pour se diriger vers le sud.

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a confirmé que l’hôpital faisait partie d’un des 20 hôpitaux qui avaient reçu un ordre d’évacuation de la part de l’armée israélienne. « L’ordre d’évacuation n’a pu être exécuté en raison de l’insécurité actuelle, de l’état critique de nombreux patients et du manque d’ambulances, de personnel, de lits dans le système de santé et d’abris alternatifs pour les personnes déplacées », note l’OMS.

  • Que sait-on sur les victimes ?

Des Palestiniens avaient trouvé refuge dans l’hôpital. Une vidéo montre des enfants « Ce matin [mardi], alors que j’arrivais en voiture à l’hôpital, j’ai remarqué combien la cour de l’hôpital était remplie de familles qui étaient venues se réfugier au sein [du complexe de] l’hôpital, en pensant que ce serait un endroit sûr », a déclaré Ghassan Abu Sitta, un médecin britanno-palestinien, au journal britannique The Guardian.

Des photos et des vidéos publiées mercredi, au lendemain de la frappe, par des photojournalistes palestiniens, montrent des effets personnels dispersés sur une pelouse à côté du parking.

Le ministère de la Santé de Gaza, tenu par le Hamas, a annoncé dans un premier temps 200 à 300 victimes, avant de fournir le chiffre de 500 victimes, ensuite révisé à 400 morts. Le diocèse anglican de Jérusalem n’a pas communiqué un nombre de victimes. Un haut responsable d’un service de renseignement européen a soutenu auprès de l’AFP que le tir a fait « quelques dizaines de morts, probablement entre 10 et 50 », assurant qu'« aucun élément ne corrobore » la présence de centaines de personnes sur le parking.

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