Menu
Libération
Discours

Immigration, défense, «Europe mortelle»… Ce qu’il faut retenir du discours d’Emmanuel Macron à la Sorbonne

Elections européennes 2024 dossier
Selon le chef de l’Etat qui tient un discours sur l’UE ce jeudi 25 avril au sein de l’université parisienne, «des choix sont à faire maintenant» pour ne pas que l’Europe meure.
par LIBERATION
publié le 25 avril 2024 à 11h51
(mis à jour le 25 avril 2024 à 13h12)

Après un long satisfecit, un avertissement : «notre Europe aujourd’hui est mortelle. Elle peut mourir.» Ce sont les mots d’Emmanuel Macron ce jeudi 25 avril à la Sorbonne. Pour le chef de l’Etat‚ qui tient un grand discours sur l’Europe dans la célèbre université parisienne, l’UE se trouve aujourd’hui menacée. «Les crises que nous avons vécues, nous y avons réagi vite, unis. Pour autant, est-ce suffisant ? La lucidité et l’honnêteté commandent de reconnaître que la bataille n’est pas encore gagnée, loin de là. Le risque est immense d’être fragilisé voire d’être relégué», affirme le Président. Pour la sauver d’un tel risque, Emmanuel Macron estime que «les choix sont à faire maintenant».

Et de développer : «c’est aujourd’hui que se joue la question de la paix et de la guerre sur notre continent et de notre capacité à assurer notre sécurité ou pas […] les grandes transformations, celle de la transition digitale, celle de l’intelligence artificielle comme celle de l’environnement et de la décarbonation, se jouent maintenant».

«Une défense crédible»

Face aux différents risques, Emmanuel Macron dit vouloir avancer pour une meilleure défense européenne. Car, «l’Europe puissance, c’est une Europe qui se fait respecter et qui assure sa sécurité», affirme le chef de l’Etat. «Ce qu’il nous faut faire émerger, et c’est cela le paradigme nouveau en matière de défense, c’est une défense crédible du continent européen», a poursuivi Emmanuel Macron.

Pour cela, le chef de l’Etat annonce une invitation «dans les prochains mois» des différents partenaires pour «bâtir cette initiative européenne de défense qui doit d’abord être un concept stratégique». Selon Emmanuel Macron, une meilleure défense européenne passera également par «une préférence européenne pour acheter du matériel militaire en Europe» et par «une capacité européenne de cybersécurité et de cyberdéfense».

«Maîtriser les frontières et l’assumer»

Après la défense, l’immigration. Le président de la République estime que l’Union européenne doit aller plus loin pour lutter contre l’immigration. «L’Europe puissance, c’est aussi une Europe qui maîtrise ses frontières», assure Emmanuel Macron. «Si nous voulons résister à ce changement de règles, à cette escalade de la violence, à cette désinhibition des capacités sur notre continent et au-delà, nous devons nous adapter en termes de concept stratégique, de moyens et nous devons retrouver la maîtrise de nos frontières pleinement, entièrement et l’assumer», poursuit-il.

Le Président plaide alors pour une meilleure collaboration entre les Etats. «Ça passera par davantage de coopération avec les pays d’origine et de transit, des conditionnalités plus franches et une lutte sans relâche contre le modèle économique des passeurs et des trafiquants d’êtres humains», développe-t-il. «Nos politiques de retour sont aujourd’hui trop divisées», regrette le locataire de l’Elysée qui dit vouloir faire de du «Conseil Schengen […] un véritable conseil de sécurité intérieure de l’Union.»

«Produire plus et vert»

Sur le plan économique, Emmanuel Macron appelle à créer un «nouveau paradigme de croissance et de prospérité». Car, «si nous faisons avec les règles de politique de concurrence, de politique commerciale, de politique monétaire et budgétaire qui sont les nôtres aujourd’hui, nous n’y arriverons pas», affirme le locataire de l’Elysée qui appelle à un nouveau «pacte de prospérité» bâti sur le principe «produire plus et vert». «La production décarbonée, c’est une opportunité de réindustrialisation et de maintien de nos industries», vante-t-il. Le chef d’Etat, défend aussi une simplification des normes, et un meilleur soutien aux entreprises face à la concurrence. «Le marché unique, c’est un choix de simplification, mais il nous faut en quelque sorte mettre aussi fin à l’Europe compliquée», explique-t-il.

Le président de la République propose par ailleurs que soit intégré «un objectif de croissance voire un objectif de décarbonation» dans les missions de la Banque centrale européenne (BCE). «On doit avant tout avoir une obsession qui est celle de la productivité. Et pour cela, il faut être une grande puissance d’innovation, de recherche.»

Une UE leader mondial sur l’IA

Emmanuel Macron veut que l’Union européenne devienne d’ici 2030 un «leader mondial», avec des «stratégies de financement dédiées», dans cinq «secteurs stratégiques de demain» : l’intelligence artificielle, l’informatique quantique, l’espace, les biotechnologies et les «nouvelles énergies» (hydrogène, réacteurs modulaires et fusion nucléaire).

Défense de «l’humanisme européen»

Avant de conclure, Emmanuel Macron disserte longuement sur «l’humanisme européen». «Etre européen, ce n’est pas simplement habiter une terre de la Baltique à la Méditerranée ou de l’Atlantique à la mer Noire, c’est défendre une certaine idée de l’homme qui place l’individu libre, rationnel et éclairé, au-dessus de tout», dit-il. Pour défendre «la séparation des pouvoirs, le droit des oppositions et des minorités, la justice indépendante, la presse libre, les universités autonomes et la liberté académique […] reniée dans trop de pays d’Europe», le chef de l’Etat plaide pour une «conditionnalité budgétaire à l’État de droit dans le versement des fonds de l’Union». Comprendre un mécanisme qui couperait les subventions aux pays coupables de «violations graves» des principes développés ci-dessus.

Toujours dans le volet «défense de l’humanisme européen», Macron plaide pour une majorité numérique à quinze ans. «Avant quinze ans, il doit y avoir un contrôle parental sur l’accès à cet espace numérique», estime-t-il. «Parce que c’est un accès, si on n’en contrôle pas les contenus, qui est le fruit de tous les risques et des déformations d’esprit, qui justifient toutes les haines», justifie-t-il. Et comme déjà annoncé, Emmanuel Macron renouvelle son souhait de voir le droit à l’IVG inscrit dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Critique des nationalismes

En toute fin de discours, le chef d’Etat a tenu à viser les «nationalismes qui ne proposent plus de sortir de l’immeuble ou de l’abattre, mais qui proposent de ne plus respecter les règles de copropriété». Réference notamment au Rassemblement national qui ne propose plus une sortie de l’UE. Face à l’extrême droite, Macron estime que «la réponse n’est pas dans la timidité» mais «dans l’audace», affirmant que «l’Europe est une conversation qui ne se termine pas».

Sept ans après un premier discours sur l’Europe

C’était la feuille de route : Emmanuel Macron devait revenir à la Sorbonne, sept ans après un premier discours, avec un nouveau plaidoyer pour une Europe «plus souveraine et plus puissante» dixit l’Elysée. Le 26 septembre 2017, le président de la République avait déjà discouru dans la célèbre université pour développer sa vision de l’UE. Le chef d’Etat avait notamment appelé à construire une «souveraineté européenne» dans les domaines de la défense, de la politique étrangère (y compris son volet commercial), de la transition écologique, de la réindustrialisation, du numérique ou de la politique d’immigration et d’asile.

L’Elysée l’assurait, le discours d’Emmanuel Macron de ce jeudi n’avait qu’un seul objectif : «influer sur l’agenda» de la prochaine Commission européenne. «C’est un moment institutionnel d’un chef d’État, qui n’engage pas simplement la parole de sa sensibilité politique, mais la parole d’un pays», insistait-on dans son entourage. Mais pour ses adversaires cette prise de parole a surtout des visées électoralistes. Selon eux, Emmanuel Macron passe surtout à l’offensive à un moment où son camp, emmené par l’eurodéputée Valérie Hayer, peine à se frayer un chemin dans la campagne et reste loin derrière le candidat sur RN Jordan Bardella dans les sondages. Le président du parti d’extrême droite a d’ailleurs décidé d’organiser une conférence de presse cet après-midi pour présenter son programme. Et tenter ainsi d’imposer un duel au sommet.

Mise à jour à 13h13 à la fin du discours d’Emmanuel Macron.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique