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Le patron de TikTok face à un Congrès américain remonté à bloc

Shou Zi Chew, le patron de TikTok.
Shou Zi Chew, le patron de TikTok. EVELYN HOCKSTEIN / REUTERS

Le réseau social chinois est accusé de mettre en danger la sécurité nationale et la santé de ses utilisateurs. Son dirigeant a fait face aux questions musclées des élus durant cinq heures.

Shou Chew, le patron de TikTok, filiale du groupe chinois ByteDance, a difficilement tenté jeudi de défendre son application face à des élus américains intraitables, qui avaient pour la plupart condamné d'avance la plateforme menacée d'interdiction totale aux États-Unis. L'audition aura duré plus de cinq heures.

«J'imagine que vous allez dire tout ce que vous pouvez aujourd'hui pour éviter ce résultat», a déclaré d'emblée Cathy McMorris Rodgers, la présidente de la puissante commission parlementaire de l'Énergie et du Commerce, qui a convoqué le dirigeant pour une audition. «On ne vous croit pas», a-t-elle assené. «ByteDance est redevable au Parti communiste chinois et ByteDance et TikTok, c'est la même chose».

Le dirigeant singapourien, diplômé de Harvard, a subi un interrogatoire particulièrement pugnace de la part des représentants qui ont présenté, exceptionnellement, un front uni.

«Monsieur Chew, bienvenue à la commission la plus transpartisane du Congrès. Nous ne sommes pas toujours d'accord sur la méthode, mais nous voulons tous protéger notre sécurité nationale, notre économie et surtout nos enfants», a souligné le républicain Buddy Carter.

Selon les élus, le Parti communiste chinois se sert de TikTok à des fins d'espionnage et de manipulation. La Maison Blanche, la Commission européenne, les gouvernements canadien et britannique et d'autres organisations ont récemment interdit à leurs fonctionnaires de l'utiliser.

«Le sort de TikTok aux États-Unis est plus incertain que jamais après cet interrogatoire exténuant de Shou Chew», a réagi l'analyste Jasmine Enberg d'Insider Intelligence. «Il n'y a pas grand chose qu'il aurait pu dire pour convaincre les législateurs que TikTok n'est pas contrôlé ou influencé, directement ou indirectement, par le Parti communiste chinois».

Shou Chew a reconnu que la plateforme a encore d'anciennes données d'utilisateurs américains stockées sur des serveurs accessibles par des employés chinois. Le dirigeant a promis que d'ici la fin de l'année, toutes les informations liées aux 150 millions d'utilisateurs du pays seraient gérées uniquement depuis des serveurs du groupe texan Oracle, situés aux États-Unis, mais «aujourd'hui, il y a encore des données que nous devons supprimer».

«Le gouvernement chinois ne possède pas et ne contrôle pas ByteDance. C'est une entreprise privée», a-t-il cependant insisté.

La représentante Anna Eshoo a qualifié ses arguments de «grotesques». «Je ne crois pas qu'il existe réellement un secteur privé en Chine», a-t-elle dit, évoquant la loi chinoise qui impose aux entreprises du pays de partager leurs données si Pékin leur demande.

«Je crois quand même que le gouvernement communiste de Pékin aura toujours le contrôle, et la capacité d'influencer ce que vous faites», a de son côté martelé l'élu démocrate Frank Pallone.

Inquiétudes sur la santé mentale des jeunes

Plusieurs projets de loi, soutenus à droite et à gauche, sont dans les tuyaux pour interdire TikTok. La Maison Blanche a laissé entendre que si TikTok restait dans le giron de ByteDance, elle serait interdite.

Mais une cession, même si la maison-mère était d'accord, serait très compliquée. Le succès de la plateforme tient beaucoup à ses puissants algorithmes de recommandation, et «séparer l'algorithme entre TikTok et ByteDance relève de la chirurgie entre des jumeaux siamois», note l'analyste Dan Ives de Wedbush, pour l'AFP.

Le patron singapourien, ancien étudiant de Harvard, a aussi affronté de nombreuses questions sur les responsabilités de TikTok concernant la santé mentale et physique des plus jeunes, des risques d'addiction aux dangereux défis que se lancent les utilisateurs.

«Votre entreprise a détruit leurs vies», a déclaré Gus Bilirakis, en désignant les parents d'un adolescent mort, venus assister à l'audition. Ils ont porté plainte contre la plateforme, qu'ils accusent d'avoir montré des milliers de vidéos non sollicitées sur le suicide à leur fils.

«Votre technologie entraîne littéralement des décès», a lancé le représentant. «Vous savez que TikTok pourrait être conçu pour minimiser les dommages qu'ils causent aux enfants mais la décision a été prise de rendre les enfants accros au nom des profits», a de son côté affirmé la représentante Doris Matsui.

Des ONG opposées au bannissement

L'application et plusieurs associations estiment qu'une interdiction complète - comme en Inde depuis 2020 - relèverait de la censure. «Interdire TikTok saperait profondément la crédibilité des États-Unis en tant que défenseur de la liberté en ligne», ont affirmé 16 ONG dans une lettre adressée au Congrès mercredi.

«Pourquoi autant d'hystérie autour de TikTok ?», a demandé mercredi soir le représentant démocrate Jamaal Bowman, lors d'une conférence de presse avec des créateurs de contenus venus défendre leur réseau préféré.

La plateforme présente les mêmes risques pour la confidentialité des données, la santé des utilisateurs ou la désinformation que «Facebook, Instagram, YouTube et Twitter», a fait valoir l'élu, appelant à une «conversation honnête sur tous les réseaux sociaux».


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40 commentaires
  • anonyme 91240

    le

    Tiktok, insta, et toutes ces autres âneries sont les outils de la décérébration et de l'abrutissement de nos populations par les géants de la tech.

  • Julien foncé

    le

    Il faudrait en faire autant en France. Le mécanisme de Tiktok est vraiment néfaste. Cf les études réalisées sur le sujet. Ce qui ne veut pas dire que Facebook et Cie sont des anges. Mais on est clairement là dans un niveau supérieur.

  • K-5e577b485cad0

    le

    Comment s'étonner que les américains rebutent de plus en plus à l'étranger

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