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Sabotage des gazoducs Nord Stream : une enquête de Franceinfo met en cause l'ambassadeur d'Ukraine à Londres
Vue aérienne des fuites des gazoducs Nord Stream 1 et 2, le 28 septembre 2022.
UPI

Sabotage des gazoducs Nord Stream : une enquête de Franceinfo met en cause l'ambassadeur d'Ukraine à Londres

De l'eau dans le gaz

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Une enquête de Franceinfo s'est replongée dans l'affaire de l'explosion des gazoducs Nord Stream 1 et 2, survenue le 26 septembre 2022. Alors qu'un commandant des forces spéciales ukrainiennes était considéré comme le premier suspect, elle révèle que l'ambassadeur d'Ukraine à Londres Valeri Zaloujny pourrait finalement être le responsable de l'opération.

C'est une énigme qui n'est toujours pas résolue depuis plus d'un an et demi. Le 26 septembre 2022, quatre explosions touchent les gazoducs Nord Stream 1 et 2, qui acheminent le gaz russe vers l'Allemagne, provoquant d'importantes fuites dans la Mer Baltique. Les conséquences écologiques sont désastreuses, mais moins que l'impact économique : les livraisons de gaz russe sont essentielles pour de nombreux pays européens.

Une enquête de Franceinfo vient toutefois éclairer ce sabotage en mettant la lumière sur un nouvel individu : Valeri Zaloujny, ancien chef de l'état-major ukrainien et aujourd'hui ambassadeur d'Ukraine à Londres. Le but de l'opération ? S'attaquer à une infrastructure russe de premier plan. Marianne fait le point sur ces révélations.

Une opération reliée à l'Ukraine

Rapidement, trois enquêtes s'ouvrent, en Allemagne, en Suède et au Danemark. La Russie est accusée de vouloir déstabiliser les Européens dans le cadre de la guerre contre l'Ukraine, mais se défend de tout sabotage. Franceinfo relève que cette attaque sert essentiellement les intérêts ukrainiens, puisqu’elle détruit un moyen de pression russe sur les Européens.

Et c'est justement vers l'Ukraine que vont se tourner les enquêteurs. Après avoir isolé le comportement suspect d'un voilier aperçu dans la zone avant les explosions, ils constatent la présence d'explosifs à bord du bateau et remontent la piste des membres de l'équipage.

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Ceux-ci semblent directement reliés à Kiev : plusieurs de leurs téléphones vont ainsi borner en Ukraine, et surtout derrière l'entreprise polonaise ayant loué le bateau, on retrouve un homme d'affaires ukrainien, Rustem Abibulayev. Les membres d'équipage étaient à première vue dotés de passeports bulgares et roumains… Qui se sont par la suite révélés être de faux papiers, obtenus par le chef des services secrets ukrainiens selon une journaliste interrogée par Franceinfo.

Derrière Roman Tchervinski, Valeri Zaloujny ?

Dans une enquête publiée sur ce sujet par les journaux américains et allemands du Washington Post et Der Spiegel, Roman Tchervinski est désigné comme le principal suspect. Haut gradé du commandement des opérations spéciales ukrainiennes, il aurait coordonné l'opération Nord Stream.

Sauf que peu de temps avant celle-ci, le militaire ukrainien avait conduit une opération spéciale de défection d'un pilote russe, dans le but de récupérer son avion. Une manœuvre qui se soldera par un résultat catastrophique : le pilote n'atteindra jamais l'aéroport prévu pour l'accueillir, et celui-ci sera même bombardé, provoquant un mort et dix-sept blessés. Roman Tchervinski est aujourd'hui poursuivi pour abus de pouvoir par la justice ukrainienne concernant cette même opération.

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Pour Morgane Fert-Malka, membre d’un collectif de journalistes d’investigation européens créé pour enquêter sur cette affaire, la thèse de Roman Tchervinski organisant le sabotage de Nord Stream quelques mois plus tard ne tiendrait donc pas. La piste privilégiée serait dès lors celle de l'ambassadeur ukrainien à Londres Valeri Zaloujny. Ex-chef d'état-major de l'armée ukrainienne, proche du président avant d'être limogé en février 2024, il est en poste depuis mars dernier et bénéficierait d'une forte cote de popularité auprès des Britanniques comme des Américains.

Surtout, Franceinfo affirme qu'il était responsable des forces spéciales lors des explosions en septembre 2022 et que les plongeurs responsables du sabotage répondaient à ses ordres. Il a toutefois toujours démenti son implication, comme Volodymyr Zelensky. Un journaliste du Washington Post interrogé par Franceinfo affirme ainsi que, selon des spécialistes du renseignement, « ce n'est pas le président Zelensky qui a autorisé ou ordonné cette opération (...) mais ça ne veut pas dire qu'elle n'a pas été conduite par des militaires. C’est une opération menée sans instruction explicite du président, ce qui lui permet de nier qu'il a joué un rôle là-dedans. »

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne